Accès aux voies
partir. disparaître sans revenir. Pour ceux dont le regard, comme une poterie fêlée, se fatalise sous les décombres du quotidien, tu as souvent l'air ailleurs.
A l'école, les professeurs te jugeaient distrait, tes amis te croyaient amoureux, seuls tes parents te laissaient en paix. Pour eux tu rêvassais, c'était ton âge, un passage. Tu rêvassais, c'était de ton âge, loin d'être un passage... (p. 14)
Douane
Tu vas devant toi en pensant à ta mère. Chaque soir, tu allais la trouver dans la chambre, dans ce refuge qu'elle s'était aménagée, dos à la fenêtre, assise dans un fauteuil, et par terre : vies de saints, écrivains en quête, textes sacrés- des piles, des livres à portée de sa main.
Tu parlais ou tu ne parlais pas, tu écoutais sa voix lire ou raconter. Tu écoutais son silence. Inconsolable. Tu avais douze ans, tu en as trente-sept. Tu la vois revenir, chaque soir, en larmes de la ville. Tu revois son visage en exil. Cet apaisement pourtant, qui lui venait du livre, chaque soir, qui lui venait de la voix dans le livre, du silence dans la voix, du silence d'un verbe offert au mûrissement des profondeurs, chaque soir, ramené de la plus lointaine nuit jusqu'à l'intérieur de ses terres inondées.
Tu vas devant toi, entouré de lumières. (p. 40)
Extrait de l'intervention de Pierre Cendors au Café littéraire" de Bollène pour son roman "ENGELAND " (Editions Finitude) le 13 mai 2011.