Mes lectures d'Agatha Christie sont parfois nostalgiques : j'ai hérité plusieurs exemplaires de ma grand-tante, dont Jeux de glaces. Mon édition, à la belle couverture orangée, a été imprimée le 10 mai 1953 et porte encore son étiquette de 167 Frs ! Cela me met, presque à mon insu, dans une situation où je m'attends à une lecture datée.
C'est cela qui est étonnant avec Agatha : peu de ses romans souffrent d'un contexte historique qui a fortement évolué. Alors bien sûr, oui, il y a la belle héritière mariée huit jours après avoir rencontré son cher et tendre. Il y a aussi cette riche famille philanthropique dont le mode de vie aurait évolué avec le temps, mais il y a surtout une étude ethnographique d'une famille où rode un danger insaisissable.
Miss Marple va passer quelques jours avec une amie d'enfance perdue de vue depuis longtemps. le cadre : ‘Un édifice gothique de l'époque victorienne. Une espèce de temple de la ploutocratie' dans lequel a été installé un centre de réhabilitation de jeunes gens souffrant de troubles psychologiques. L'ambiance est pesante, et culmine par un meurtre au tiers du roman.
Je retiendrai du récit plusieurs aspects. En premier lieu, le poids que fait peser sur la famille le quotidien partagé avec des personnalités instables en essayant de leur venir en aide : cela donne une ambiance vaguement inquiétante, sans l'être explicitement. Ensuite, la thématique artistique dans laquelle le roman est ancré : reviennent très souvent des allusions à la mise en scène, à l'illusion, voire la peinture… La scène du meurtre est particulièrement théâtrale : tous les petits ‘trucs' y sont, et bien visibles, mais pourtant on marche à fond. Et enfin, la démarche suivie par Miss Marple pour débobiner le fil de l'intrigue s'appuie sur la connaissance de nos biais cognitifs plus que sur la recherche d'indices. Il est très facile de piéger notre cerveau, mais Miss Marple va trouver le recul nécessaire à la résolution de l'énigme. Passionnant, le thème des illusions mentales fait encore aujourd'hui l'objet de nombreuses études scientifiques. .
Alors pour une fois, j'avais deviné, si ce n'est le mobile, qui était le meurtrier. Jeux de glaces est une version romancée et appliquée de ce qui a été théorisé par de nombreux chercheurs. Une autre vision de La science de l'illusion !
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Miss Marple séjourne chez Carrie-Louise, une ancienne amie du collège. Elle est missionnée par la soeur de celle-ci car elle a ressenti une atmosphère délétère dans la maison que Carrie-Louise occupe avec sa famille.
La particularité de la maison est d'avoir en annexe une institution pour délinquants. Carrie-Louise est une idéaliste et elle utilise sa fortune à pourvoir à la réhabilitation des malfrats.
Dès son arrivée, Miss Marple examine les différents membres de la famille. Elle mettra sa finesse d'analyse légendaire au service de la police, lorsque le meurtre sera commis.
Car bien sûr, il y a un meurtre…
Cette vieille dame à l'air naïf déploie une fois de plus ses talents de déduction. Pour le plus grand plaisir du lecteur, l'intrigue façon Cluedo est magnifiquement construite.
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Le titre anglais de ce roman fait allusion à une expression qui évoque des tours de prestidigitation et magie et au fait que le meurtrier manipule les perceptions de son entourage et des enquêteurs pour les envoyer sur de fausses pistes. Une amie d'enfance de Miss Marple s'inquiète pour sa soeur, Carrie Louise, qui vit dans un manoir converti en centre de réinsertion pour jeunes délinquants. Carrie Louise est entourée de son mari et de toute une tribu d'enfants issus de ses précédents mariages et de ceux de ses maris. Bien évidemment, Miss Marple se laisse convaincre d'aller jeter un oeil sur place. Elle constate très vite que Carrie Louise, souffrante, présente des symptômes d'un empoisonnement à l'arsenic. Et un des beaux-fils, membre du conseil d'administration du centre de réinsertion qui vient en visite inopinée meurt alors qu'il s'était retiré pour taper une lettre, lettre qui a disparu. Même s'il est vite clair que le coupable ne peut être qu'un proche, il y a de quoi faire, vu le nombre de personnages. L'atmosphère est pesante à souhait, dans un manoir gothique victorien, mais il est difficile de saisir pourquoi, ou plutôt quelle est la part de la présence du centre de réinsertion. La famille de Carrie Louise est atypique et les motifs de tensions entre les membres sont nombreux, sans compter que chacun a ses secrets. Miss Marple se retrouve à enquêter de façon classique vu qu'il y a eu meurtre, mais elle ne perd pas de vue que ce n'est pas l'objet de sa venue et ne dévoile ses conclusions qu'à la fin sous la forme d'une lettre à Ruth, la soeur de Carrie Louise. Cependant j'ai trouvé l'intrigue assez longue à se mettre en place, ce n'est pas que cela traîne, mais cela occupe près de la moitié du roman, ce qui restreint sérieusement la place de l'enquête. Un livre intéressant, agréable à lire, mais pas le meilleur de la série des Miss Marple malgré sa fin originale.
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Mrs. Van Rydock s’écarta du miroir et soupira :
— Enfin, murmura-t-elle, il faudra bien que ça aille comme ça. Qu’est-ce que tu en penses, Jane ?
Miss Marple promena sur la création de Lavanelli un regard critique avant de répondre :
— À mon avis, c’est une très belle robe.
— Oh ! la robe, il n’y a rien à lui reprocher, reprit Mrs. Van Rydock en soupirant de nouveau. Aidez-moi à l’enlever, Stéphanie.
La femme de chambre, une fille sans âge à cheveux gris, fit adroitement glisser la robe le long des bras levés de Mrs. Van Rydock.
Celle-ci resta devant la glace en combinaison de satin pêche. Elle était admirablement corsetée ; un nylon arachnéen gainait ses jambes encore fines. Vu d’une certaine distance, son visage, tonifié par de constants massages, apparaissait presque juvénile sous une couche de crème et de fards. Ses cheveux, coiffés à miracle, tiraient sur le bleu hortensia plutôt que
sur le gris. Il était impossible, en regardant Mrs. Van Rydock, d’imaginer ce qu’elle pouvait être dans son état naturel. Tout ce que permettait l’argent était à son service, complété par les régimes, les massages et les exercices auxquels elle se livrait inlassablement.
— Crois-tu Jane, que beaucoup de gens devineraient que nous sommes du même âge, toi et moi ?
Ruth Van Rydock regardait son amie avec une certaine malice.
Miss Marple se montra sincère et rassurante.
— Je n’ai pas cette illusion ! Moi, vois-tu, je crois que je parais au moins aussi vieille que je le suis.
Avec des cheveux tout blancs, un visage très doux couvert de rides, des joues roses, des yeux candides couleur de pervenche, Miss Marple était une délicieuse vieille dame. Jamais personne n’aurait pensé à parler de Mrs. Van Rydock comme d’une délicieuse vieille dame.
— C’est vrai, ma pauvre Jane ! dit Mrs. Van Rydock, et elle ajouta avec un éclat de rire inattendu : Moi aussi, d’ailleurs, mais pas de la même façon. En parlant de moi, les gens disent : C’est épatant ce qu’elle garde sa ligne, cette vieille bique ! » Ils savent fort bien que je suis une vieille bique. Et, grand Dieu, je ne le sais que trop, moi aussi !
Elle se laissa tomber sur un fauteuil recouvert de satin.
— Merci, Stéphanie, je n’ai plus besoin de vous. La femme de chambre sortit, emportant
sur son bras la robe délicatement pliée. Et Mrs. Van Rydock reprit :
— Ma brave Stéphanie ! Ça fait plus de trente ans qu’elle est avec moi. C’est le seul être au monde qui sache de quoi j’ai réellement l’air…
Puis changeant de ton :
— Écoute, Jane, dit-elle, j’ai à te parler.
Miss Marple se tourna vers son amie, sa figure avait pris une expression attentive. Dans cette luxueuse chambre de palace, elle était un peu déplacée avec sa robe noire sans forme et son énorme cabas.
— Je suis inquiète au sujet de Carrie-Louise.
— Carrie-Louise ?
Miss Marple avait répété ce nom d’un ton rêveur. Il la ramenait bien loin dans le passé. Le pensionnat de Florence… Elle-même, jeune Anglaise, toute blanche et toute rose, née dans l’ombre d’une cathédrale, et les deux petites Martin, Américaines et follement amusantes avec leur façon de parler si drôle, leurs manières directes, leur vitalité. Ruth, grande, ardente, toujours «partie pour la gloire », Caroline-Louise, menue, distinguée, rêveuse…
— Quand l’as-tu vue pour la dernière fois, Jane ?
— Oh ! il y a bien longtemps. Vingt-cinq ans peut-être. Naturellement, nous nous écrivons toujours à Noël : Quelle chose curieuse que l’amitié ! Cette Jane Marple, toute jeunette alors, et ces deux Américaines… Leurs routes avaient divergé presque tout de suite et, pourtant, la vieille affection avait survécu. Des lettres de temps en temps et des vœux à la Noël. Et c’était Ruth, qui habitait l’Amérique, que Jane retrouvait le plus souvent alors qu’elle ne voyait presque jamais Carrie-Louise qui s’était fixée en Angleterre.
— Pourquoi es-tu inquiète de ta sœur, Ruth ? demanda Miss Marple.
— De nous deux, quand nous étions jeunes, c’est Carrie-Louise qui avait le plus d’idéal, déclara Ruth Van Rydock au lieu de répondre à la question de son amie. C’était la mode, dans ce temps-là, de vivre pour un idéal. Toutes les jeunes filles avaient le leur. C’était « comme il faut ». Toi, Jane, tu voulais aller soigner les lépreux. Moi, je voulais me faire religieuse. On en revient, de toutes ces chimères. Mais, Carrie-Louise, vois-tu…
(Son visage s’assombrit.) Je crois que c’est vraiment ça qui me...
- Et ensuite Carrie-Louise n’a rien eu de plus pressé que d’épouser cet autre numéro, Lewis Serrocold. Encore un phénomène ! Encore un idéaliste !… Oh ! je ne dis pas qu’il n’aime pas Carrie-Louise. Je crois qu’il l’aime, mais il a cette même manie de vouloir rendre tout le monde heureux. Comme si on pouvait faire ça pour autrui !
- Je vais vous poser une question délicate dit miss Marple avec une certaine confusion. A qui la mort de notre chère Carrie-Louise pourrait-elle profiter ?
- L'argent ? dit Serrocold d'un ton amer. C'est toujours à l'argent qu'on en revient, n'est-ce pas ?
- Dans le cas présent, c'est tout indiqué. Carrie-Louise est une femme exquise, elle a beaucoup de charme, et il est inimaginable que quelqu’un puisse la détester. J'entends par là qu'elle ne peut pas avoir d'ennemi. Par conséquent, comme vous le dites, c'est toujours à l'argent qu'on en revient ; vous le savez comme moi, Mr Serrocold, que, bien souvent, les gens sont prêts à faire n'importe quoi pour se procurer de l'argent.
- Nous sommes tous fous, chère mademoiselle, déclara-t-il en la faisant pénétrer dans le collège. C'est le grand secret de l'existence. Nous sommes tous un peu fous.
« - Cette remarque de l’inspecteur au sujet de la réalité d’un décor de théâtre était vraiment très profonde. Fais de bois et de carton fixés ensemble avec de la colle, il est aussi réel du côté qui est peint que de celui qui ne l’est pas. « L’illusion, a-t-il dit, est dans l’œil du spectateur.
- C’est comme pour les tours de prestidigitation, murmura Miss Marple. L’illusion est produite par un « jeux de glaces. ». Je crois que c’est là le terme consacré. »
Vous connaissez sas doute la Reine du crime Agatha Christie. Peut-être avez-vous même lu certains de ses romans ? Mais que savez-vous de sa vie ? Nous avons réuni ici 6 anecdotes pour vous présenter la face cachée de la vie d'une autrice prolifique, et vous donner envie de la (re)lire.
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