Le seul
Agatha Christie absolument incontournable qu'il me restait à lire depuis très longtemps, moi qui en ai tant lus... Deux raisons ont fait que j'ai repoussé sa lecture pendant si longtemps : J'avais vu à l'époque l'épisode avec
David Suchet (et Dieu sait que je voue un culte à cette série), et même si j'avais adoré le principe qui se cachait derrière l'intrigue et la solution, l'atmosphère de l'épisode, très sombre, m'avait fortement décontenancé. Elle est certes raccord avec l'évolution de la série elle-même, et avec la noirceur de l'histoire, au fond, mais l'exécution de l'épisode m'avait moins plu que son principe. Ensuite, stimulé par cette thématique de la justice s'abattant sur une victime coupable, et d'un meurtre justifié, Hercule Poirot se trouvant alors face à un dilemme, j'avais rencontré d'autres romans d'
Agatha Christie où elle perpétuait ce thème,
Rendez-vous avec la mort, Poirot quitte la scène (qui est son apogée). Je les avais préférés au fameux Crime de L'Orient-Express (du moins à la vision que j'en avais eue... Est-il utile que je mentionne la déjection de dromadaire qu'est le film avec Kenneth Branagh ? Malgré 2-3 idées de castings sympathiques dans ses personnages secondaires...).
Je me suis donc enfin lancé, en tant que fana d'Agatha qui devait quand même s'attaquer à cet incontournable... Et je n'ai vraiment pas été déçu : L'atmosphère est un temps un peu plus légère, on voyage avec Poirot d'abord en Orient, comme je l'avais vu dans les adaptations (et on fait le touriste guidé par Agatha, même si le monde a changé depuis les années 1930...), le crime arrive petit à petit... Je me suis régalé parce que j'y ai retrouvé les jeux de double entendre présents dans
le Meurtre de Roger Ackroyd, dans une mesure différente : Étant au courant de la solution, les phrases ou attitudes de certains personnages avaient un tout autre sens en étant prévenu. Malgré tout, certains détails, relatifs à certains des personnages, m'avaient échappé, et je n'avais pas deviné le rôle précis d'untel ou untel dans le meurtre. Comme je disais plus haut, les moments de noirceur du roman, et le parti-pris désespéré de l'épisode avec Suchet trouvaient leur justification dans l'horreur-même qui est l'épicentre de cette histoire, qui en fait sans aucun doute un des romans les plus sombres et les plus violents d'
Agatha Christie... La toute fin est légèrement différente de ses adaptations, avec un Hercule Poirot qui prend son parti plus sobrement, à l'appréciation de chacun. Malgré tout, j'en suis venu à souhaiter vers la fin de la lecture qu'il existe une autre version avec Suchet, plus légère, débarrassée de la chape de plomb permanente qu'ils ont choisie de faire peser dessus. Mais bon...
Quelques autres remarques : Les 12 passagers du train étant de toutes nationalités et classes sociales (ce qui est relevé par M.Bouc tôt dans le roman et joue un rôle dans l'intrigue), ce roman est peut-être le seul roman d'
Agatha Christie où m'a sauté aux yeux ce qui avait tant dû influencer les Cluedos, les parodies, les pastiches... La diversité de ces personnages et leurs archétypes marqués, le colonel anglais revenant des Indes, la vieille bonne allemande, la dame russe d'un rang élevé, l'italien sanguin, le détective américain, le couple hongrois, etc. C'était assez amusant de voir ce qui avait sans doute inspiré l'image d'Épinal et les caricatures amusées de cette auteure que j'aime tant. J'ai aussi trouvé que certains éléments de diversion avec le faux-employé de train en uniforme, la dame en peignoir rouge, les jeux sur ce qui doit être vu (propres au goût du théâtre chez
Agatha Christie, que l'on retrouve très souvent dans ses romans, il y a d'ailleurs même des clins d'oeil à
Comme il vous plaira de
Shakespeare) et l'énigme en huis-clos, tout cela m'a évidemment rappelé
le Mystère de la Chambre jaune, dont on sait qu'il a joué un rôle déclencheur chez
Agatha Christie dans l'écriture de ses romans (quand bien même celui de ses romans qui rend le plus hommage au chef d'oeuvre de
Gaston Leroux est
le Noël d'Hercule Poirot). Mon revisionnage relativement récent de son adaptation avec
Denis Podalydès et
Pierre Arditi (une merveille) n'a fait qu'accentuer un tel parallèle...
Que lire après cela ? Difficile, comme toujours... En tout cas, je suis bien content que ce roman ait été réhabilité dans mon esprit de par une vision quelque peu déformée que j'en avais par ses adaptations que je connaissais. Surtout dans la mesure, comme je l'ai dit, où je suis très friand de la thématique qui en est l'épicentre, et qui a été reproduite par
Agatha Christie ensuite plusieurs fois, avec un brio grandissant...