L'écorce, c'est un groupe de quatre soldats livrés à eux-mêmes dans le désert, coupés de leur commandement et qui parviennent à peine à survivre tant ils sont usés physiquement et psychologiquement.
Leur objectif est de reprendre le contrôle du seul point d'eau des environs, contrôle qu'ils ont perdu peu de temps auparavant au profit d'un groupe de soldats ennemis, alors qu'ils s'étaient absentés pour une patrouille.
La peau, c'est un père et sa fille qui se retrouvent un matin liés l'un à l'autre par un cordon ombilical apparu sans raison apparente.
Il vont devoir vivre avec, du moins le temps nécessaire à trouver un moyen de rompre ce lien trop étroit qui les entrave et rend encore plus difficile la vie dans une ville qui semble à bout de souffle, tout comme le monde auquel elle appartient.
Ces deux récits se déroulent en alternance, sans lien explicite si ce n'est la description d'une civilisation, la nôtre, qui semble proche de son terme.
Ici, il n'est pas question d'un monde post-apocalyptique dû à un cataclysme nucléaire ou à un virus particulièrement meurtrier. Mais on comprend que la situation est désespérée, les hommes n'ont pas su s'accorder ni se partager l'espace et les ressources et l'humanité s'est retrouvée scindée en deux.
D'un côté les inutiles, les laissés pour compte, parqués dans les zones de confinement et porteurs d'une marque qui montre leur appartenance au groupe des indésirables.
De l'autre, ceux qui ont réussi à rester du bon côté, sans forcément le vouloir ni se battre pour appartenir à la caste des privilégiés.
Mais les zones de confinement débordent et malgré tout l'acharnement des nantis, les frontières entre les deux mondes ne sont pas imperméables. Les deux parties de cette même civilisation s'affrontent dans un conflit dont les origines restent vagues.
Les soldats eux-mêmes ne savent plus très bien quelle est leur mission, ni s'ils sont réellement différents de ceux qu'ils combattent ou si au commencement leur cause était plus légitime que celle de leur ennemi.
Avec
La peau, l'écorce,
Alexandre Civico nous offre une brillante métaphore de notre civilisation qui refuse d'admettre qu'elle court à sa perte : le monde qu'il décrit à travers ces deux récits entremêlés est usé jusqu'à la trame, il n'y a plus ni espoir ni joie, la voie est tracée et l'issue est inéluctable.
La responsabilité de ce naufrage n'incombe pas seulement à une poignée de dirigeants malades ou corrompus, mais aussi à une partie de la population occidentale qui n'a pas voulu renoncer à sa main-mise sur la planète, pensant qu'il serait possible de continuer à s'accaparer les ressources et à acquérir toujours davantage de confort sans se soucier du reste du monde qui tente avec peine de survivre.
C'est un roman noir, très noir, duquel on sort quelque peu abattu.
Mais c'est un roman indispensable, qui n'a rien de moralisateur et donne beaucoup à réfléchir.
Merci à Babelio et aux éditions Payot et Rivages de m'avoir permis de le découvrir à l'occasion de la dernière opération Masse Critique.