Léonore Confino concilie les contraires à travers une pièce profondément absurde et sensible. Grande Monsieur est une créature féminine dans un corps d'homme. Petite Fille est un vieux sage à l'apparence d'un enfant-poisson : lorsque la vie l'étouffe, elle plonge dans la première baignoire venue et respire grâce à ses branchies. Pendant le week-end, elle apprendra que ses parents sont morts dans un accident de voiture –ce qu'elle ne vivra pas comme un désastre, contrairement à son hôte. Comment Grande Monsieur va-t-il faire pour l'adopter ? Lui qui semble avoir toujours haï les enfants et qui chérit tant sa solitude, naviguant entre son spa et son ordinateur, où il tchate avec d'autres passionnés de pratiques sexuelles extrêmes...
Prise de risque payante
Malgré des airs dramatiques, la pièce fait se succéder les situations drôles et loufoques.
Léonore Confino ne nous emmène jamais où on l'attend. Avec «
Le Poisson Belge », elle fait oublier le flop provoqué par sa dernière création, «
Les Uns sur les Autres » avec
Agnès Jaoui. Cette fois-ci, Marc Lavoine, dont se sont les premiers pas au théâtre, tient le haut de l'affiche. Si le chanteur a su faire reconnaître ses talents d'acteur au cinéma, il était attendu sur les planches. le pari est réussi. Lavoine nous marque par sa simplicité et l'évidente sincérité avec laquelle il joue Grande Monsieur, un personnage loin des clichés dans lesquels le chanteur aurait pu sombrer pour un premier rôle. Ici, il compose un personnage à mille lieues de l'image publique qu'il incarne. Il prend des risques, et c'est payant.
On est aussi marqué par le plaisir qu'il éprouve à jouer avec sa partenaire, le talentueuse Géraldine Martineau. Tous les ingrédients sont réunis afin de mettre en valeur celle qui n'est pas connue du grand public, mais appréciée déjà par les amateurs de théâtre et dont le génie brille ici de mille feux. Les mots semblent avoir été écrits pour elles, la mise en scène de Catherine Schaub laisse pleinement libre cours à sa folle fantaisie, marquant les contrastes hallucinants entre la maturité de son personnage et son apparence juvénile. Géraldine Martineau est «
Le Poisson Belge ». Au moment des saluts, Marc Lavoine ne s'y trompe pas et marque son retrait, élégant hommage à la jeune comédienne, sous les vivats du public
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