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Daniel Mauroc (Autre)
EAN : 9782020055376
608 pages
Seuil (01/05/1980)
4.8/5   5 notes
Résumé :

L'histoire de l'Amérique est avant tout l'histoire de la conscience d'un peuple. Disons plus l'histoire d'une succession de consciences. Et pour ce qui est de la mauvaise conscience qui travaille l'opinion " Made in USA ", on peut dire que la Guerre froide et le Maccarthysme, et leur extension la plus dure, l'exécution des Rosenberg en 1953, en constituent la phase exemplaire. De là date - un homme et une femme " brûlés " à l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
« le Bûcher de Times Square » est un roman de Robert Coover, traduit par Daniel Mauroc (1980, Seuil, 608 p.) de « The Public Burning » (1977, Viking Press, 544p.). C'est une satire violente des USA pendant le sinistre épisode du maccarthysme et de la guerre froide, avec le procès faussé des époux Rosenberg en 1953. Utile à relire alors que les républicains projettent de réélire un président populiste, avec des condamnations pénales à ses basques.
Robert Cooper, auteur américain né en 1932 dans lowa, il s'inscrit tout d'abord à la « Southern Illinois University » puis « Indiana University » avant de recevoir son avis de conscription et servir dans la Réserve navale américaine pendant la guerre de Corée, d'où il revient lieutenant. Puis mariage avec l'espagnole Maria del Pilar Sans-Mallafré en 1959. le couple revient aux USA, au « Bard College », New York. Il publie son premier roman « The Origin of the Brunists » (1966). C'est l'histoire d'une fondée, après un accident minier par le seul survivant, un catholique déchu, adonné à des visions mystérieuses. La secte gagne en notoriété internationale et ses membres se rassemblent sur le « Mont de la Rédemption » pour attendre l'apocalypse. Robert Coover met à nu la folie de la frénésie religieuse et la folie des citoyens ordinaires. Il remporte le prix William Faulkner du meilleur premier roman
Parmi l'avant-garde des écrivains postmodernes américains devenus majeurs à la fin des années 1960, Robert Coover est considéré comme un expérimentateur essentiel. Convaincu dès le début de sa carrière que les modes de fiction traditionnels étaient épuisés, il a introduit une variété de techniques narratives inventives, notamment des structures métafictionnelles complexes et des pastiches ludiques de divers genres pour satiriser la société américaine contemporaine, mettant ainsi le rôle essentiel des écrivains. Son travail donne un aperçu de la nature de la création littéraire, des formes narratives et des mythes culturels.

Best-seller controversé à sa sortie en 1977, « The Public Burning » est depuis devenu l'un des romans les plus influents de notre époque. Il est remis au goût du jour par l'actualité récente. Pour cela, l'auteur mêle des personnages et des événements réels, restitués ici avec une minutie étonnante, avec des personnages fictifs. le sénateur républicain Joseph McCarthy, nouvellement élu, se fait connaitre par un discours sur les « ennemis de l'intérieur » dans lequel il affirme détenir une liste de « membres du Parti communiste et [...] d'un réseau d'espionnage » qui « infestent » le Département d'État des États-Unis et « façonne sa politique ». Cela contribue à créer un climat de paranoïa anticommuniste, et une « Chasse aux Sorcières » (Second Red Scare).
Le roman réinvente les trois jours fatidiques de 1953 qui ont culminé avec l'exécution des prétendus espions atomiques Julius et Ethel Rosenberg. On y voit le vice-président Richard Nixon en mauvais garçon ambitieux du régime d'Eisenhower. C'est le narrateur dominant il y a aussi Ethel Rosenberg, qui joue un rôle essentiel. Mais aussi Nixon Crocker, Joe McCarthy, les Marx Brothers, Walter Winchell en tant que personnages secondaires. On lira avec attention le combat que se livrent les deux chefs de bande, Oncle Sam à la tête des Fils de la Lumière et le Spectre qui conduit les Fils des Ténèbres. C'est sous les traits de Yankee Peddler, l'esprit éternel d'une nation sous contrôle de Dieu, dans le rôle de « Slick Sam », le bonimenteur qui parle vite et qui vend de l'huile de serpent nationaliste à une population consentante.
Le tout est sous la direction du républicain Ike Eisenhower, encore sous l'aura d'avoir gagné la guerre, mais vieillissant tout de même. « Sa maladresse, pensais-je, fait partie de son déguisement, de son armure, d'une sorte de mécanisme d'auto-défense – il semble le plus sincère juste quand il a le moins de sens ». Sous ses ordres, le vice-président Richard Nixon. « Que le meilleur gagne tant que c'est moi… Je voulais que cela se joue avec la rhétorique et l'industrie, mais au fond, je savais que même dans ses aspects les plus insignifiants, la politique flirtait avec le meurtre et le chaos, le vol et le cannibalisme ». On voit que ce ne sont pas les scrupules qui l'étouffent. Avec lui Joseph McCarthy, le sénateur, tout d'abord républicain, qui est passé démocrate pour se faire élire plus vite. « Il défile comme un paon, arborant toutes ses médailles et pointant ses doigts trapus en signe d'indignation devant tout signe de taches roses sur la façade du monument ». le paon est paré pour l'hiver, ou du moins jusqu'à Thanksgiving, fin novembre. Des histrions, aux commandes d'une puissance qui a, pour l'instant, le quasi-monopole du feu nucléaire. le reste des administrés ? « Les doux n'ont hérité que de regrets et d'échecs dans ce monde ! ».
Comment diriger les choses ? du moins du point de vue de Nixon ? « Tout comme une nation n'a ni amis ni ennemis, seulement des intérêts, de même il n'y a pas de loyauté durable en politique, sauf lorsqu'elle est liée à des intérêts personnels ». Ces intérêts personnels sont cependant aussi compliqués que possible, et surtout bien enchevêtrés avec le bien commun. Par contre, ils montrent que « la politique est le seul jeu qui se joue avec du vrai sang ». de Nixon encore : « Voici une vérité politique : la sournoiserie remporte les votes. La malhonnêteté est souvent la meilleure politique ».
Nixon, sa grand-mère lui a inculqué les quatre valeurs : le respect de soi, l'autorégulation, la retenue et la réalisation de soi. Il est néanmoins devenu un animal politique dont la plus grande qualité est sa capacité de travail acharné « le zèle est mon charisme » et un soupçon d'opportunisme et de cynisme. « Une situation moche, mais, comme le dit l'homme, ce sont les conditions qui prévalent ! ». Nixon le savait avec tant d'ambition « n'est-ce pas une sacrée chose que le sort d'un grand pays puisse dépendre des angles de caméra ? » Il a finalement réussi à trouver le bon angle de vue, plus tard, lorsqu'il a déplacé son attention des communistes vers les noirs en tant que principale menace pour la nation. C'est bien le « Farting Quacker », indéfendablement stupide et flatulent.

On en arrive au procès et aux trois jours qui précèdent l'exécution de Julius et Ethel Rosenberg dans la soirée du vendredi 19 juin 1953. Ils ont été reconnus coupables de complot en vue et d'espionnage, lié à la transmission d'informations sur la bombe atomique à l'URSS. Pour cela, selon les accusateurs, ils n'ont ni directement volé des informations, ni transmis quoique ce soit à un agent soviétique. Au contraire, ils ont tous deux joué un rôle tout à fait insignifiant, comparé à ceux qui ont témoigné pour le peuple. L'idée du gouvernement était que les condamnations à mort imposées à un couple marié avec deux jeunes enfants les forceraient à avouer. Puis à identifier d'autres membres d'un réseau d'espionnage sûrement plus étendu. Leurs culpabilités ont été fabriquées de toutes pièces par deux des autres accusés que sont son frère et sa belle-soeur.
Le seul rôle d'Ethel était d'avoir rédigé des notes d'une réunion censée avoir eu lieu dans leur cuisine. Il a ensuite été prouvé que les preuves selon lesquelles elle avait agi ainsi avaient été montées de toutes pièces par David et Ruth Greenglass, le frère et la belle-soeur. Eux aussi sont accusés et avaient également de jeunes enfants, mais ils ne voulaient pas être exécutés. Bien après, David reconnaitra son mensonge
Historiquement, ils sont jugés coupables en avril 1951 et exécutés en juin 1953 dans la prison de Sing Sing. Dans « The Public Burning », un bûcher est monté à Times Square à New York, conformément au titre du roman. C'est écrit dès les premières pages. L'exécution « symbolise la fusion et l'organisation, la justice et le tempérament ; la ville célèbre cette année le tricentenaire de sa propre fondation sous le nom de New Amsterdam, son axe, la Times Tower, fête son jubilé d'argent, et la Statue de la Liberté - Notre-Dame du Port, Refuge des Indigents, Arche d'Alliance, Regina Coeli, Mère Pleine de Bonté, Étoile de la Mer et Joyau de l'Océan, a soixante-neuf ans ; Times Square lui-même est un lieu saint américain longtemps associé aux festivals et à la renaissance ; et le printemps est toujours dans l'air ». Tout ce qu'il faut, façon des dépliants touristiques autant à destination des touristes étrangers que des américains moyens ». Au passage, un gros clin d'oeil à la religion « Les voleurs de lumière doivent être brûlés par la lumière - avec la chaise électrique, car il est écrit que « tout homme qui est dominé par des esprits démoniaques au point de donner voix à l'apostasie doit être soumis au jugement des sorciers et des magiciens » ».
Roman qui se termine par deux scènes irracontables. L'une est un ultime effort de Nixon d'obtenir les aveux d'Ethel, qu'il va voir dans sa cellule « Elle a essayé de crier, mais j'ai étouffé sa bouche avec la mienne, gardant un oeil sur la porte au fond. Elle s'est tordue sous mon emprise, s'est battue, m'a frappé avec ses poings, mais j'ai tenu bon. Dans un accès de faiblesse, je me suis senti coupable de l'avoir maîtrisée ainsi, j'ai même commencé à la relâcher et à m'excuser – mais non, bon sang, ça avait été mon problème toute ma vie, je ne savais pas ce que je faisais mais je le savais ». Il en aurait presque des remords. le brave homme. Mais ils passent vite. « Je sais que j'en avais fini d'être poli, j'en avais fini d'être M. Nice Guy, j'en avais fini d'essayer de déjouer les femmes, ou les hommes non plus, y compris l'Oncle Sam, au diable le respect et la considération, je savais mieux. Si j'avais appris quelque chose de sept années de politique, c'est qu'on n'obtient rien en traitant poliment par faiblesse ! Les doux n'ont hérité que de regrets et d'échecs dans le monde ! ». D'ailleurs elle sur le bûcher ne lui donnera pas ces mêmes sensations. « Son corps, grésillant et éclatant comme des pétards, s'illumine avec la force du courant, projetant un rayonnement vacillant sur tous ceux qui l'entourent, et ainsi elle brûle - et brûle - et brûle - comme si elle était maintenue en l'air par sa propre volonté incandescente et auréolée ».
La seconde scène se passe entre, d'un côté, l'Oncle Sam, sans son pantalon à étoiles et rayures, et de l'autre, Richard Nixon, alors vice-président (et non président des vices). Cette scène li donne ainsi l'imprimatur pour un futur succès politique.

Le roman se compose de deux fils conducteurs, alternés et entrelacés. Dans les chapitres pairs, Coover utilise un narrateur omniscient à la troisième personne. Par opposition, les chapitres impairs sont ostensiblement racontés par le vice-président Richard Nixon. Non pas que ce dernier soit omniscient, ou son contraire, idiot. Non il est ambitieux.
Un de mes premiers livres de la littérature nouvelle américaine. A relire et à méditer au moment où les politiques populistes reprennent du poil de la bête. Il n'est pas anodin que certains parlent de « chasse aux sorcières », sachant ce que cela peut recouvrir.
Reste l'écrivain. Formant l'avant-garde des écrivains postmodernes américains devenus majeurs à la fin des années 1960. Il est reconnu comme un expérimentateur essentiel dont le travail stimulant continue de donner un aperçu de la nature de la création littéraire, des formes narratives et des mythes culturels. Il est convaincu dès le début de sa carrière que les modes de fiction traditionnels étaient épuisés. Il va donc être le pionnier d'une variété de techniques narratives inventives, notamment des structures métafictionnelles complexes et des pastiches ludiques de divers genres pour satiriser la société américaine contemporaine et le rôle de l'écrivain. Ce n'est pas pour rien qu'on le place à l'égal des Thomas Pynchon, William H Gass ou William Gaddis.


Il est très surprenant que ce livre n'ait pas eu plus de succès en France, tout comme sa renommée a fortement augmentée après les années Trump. A lire les critiques américaines, il y a deux phases. Dans la première, à la sortie du livre et dans le début des années 80, clairement, il y a ceux qui dénoncent la satire. Ceux qui n'y voient que cela pratiquement. Les passages plus osés sont considérés comme de la pornographie, sans plus de commentaires.
Les critiques changent vers 2018. La demande est alors que Robert Coover fasse une suite réactualisée. Il faut dire que son premier roman « The Origin of the Brunists » date de 1966, Coover avait alors 34 ans. Il a depuis publié une suite de près de 1000 pages « The Brunist Day of Wrath » le Jour de la Colère Bruniste) (2005, Dzanc, 1005 p.). On se dit qu'il n'est pas trop vieux pour faire une suite à « The Public Burning ». Trois générations sont passées, mais les problèmes restent entiers, gouvernés par la religion. « La simple vérité est que la vie est pour la plupart de la merde, qu'elle est très courte et qu'elle se termine mal. Peu de gens peuvent vivre avec ça, alors ils adhèrent à un environnement plus heureux ailleurs, un autre monde où la vie est ce que vous voulez qu'elle soit, où rien ne fait mal et où vous ne mourez pas. C'est la religion. C'est le cas depuis son invention. Totalement fou, mais totalement humain ». Par conséquent, toute religion n'est qu'un fantasme mais ce fantasme tend à se transformer en un dogme dominateur contrôlant la conscience. « Bienheureux les fantasmes car ils ne seront pas consternés par l'oubli ! Mais damnés soient ceux qui projettent leurs folles fantaisies sur les autres ! ».

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L'exécution « symbolise la fusion et l'organisation, la justice et le tempérament ; la ville célèbre cette année le tricentenaire de sa propre fondation sous le nom de New Amsterdam, son axe, la Times Tower, fête son jubilé d'argent, et la Statue de la Liberté - Notre-Dame du Port, Refuge des Indigents, Arche d'Alliance, Regina Coeli, Mère Pleine de Bonté, Étoile de la Mer et Joyau de l'Océan, a soixante-neuf ans ; Times Square lui-même est un lieu saint américain longtemps associé aux festivals et à la renaissance ; et le printemps est toujours dans l'air ».
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Richard Nixon :

Que le meilleur gagne tant que c'est moi… Je voulais que cela se joue avec la rhétorique et l'industrie, mais au fond, je savais que même dans ses aspects les plus insignifiants, la politique flirtait avec le meurtre et le chaos, le vol et le cannibalisme
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Dwight Eisenhower :
Sa maladresse, pensais-je, fait partie de son déguisement, de son armure, d’une sorte de mécanisme d’auto-défense – il semble le plus sincère juste quand il a le moins de sens
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Joseph McCarthy:

Il défile comme un paon, arborant toutes ses médailles et pointant ses doigts trapus en signe d'indignation devant tout signe de taches roses sur la façade du monument
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Tout comme une nation n'a ni amis ni ennemis, seulement des intérêts, de même il n'y a pas de loyauté durable en politique, sauf lorsqu'elle est liée à des intérêts personnels
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