C'est avec beaucoup d'émotion que j'ai lu ce volume qui clôt les aventures de Jonathan. Je me rappelle avoir assisté à sa "naissance" dans le journal Tintin au milieu des années 1970 et j'ai relu avec plaisir au début de ce dix-septième tome le texte que
Cosey avait écrit pour présenter son "ami" Jonathan en 1975 ! Ce regard vers le passé, nous le trouvons aussi dès la couverture avec le reflet de Jonathan dans le rétroviseur de sa moto. Belle évocation de l'esprit de cet album ! Et une invitation à relire peut-être l'ensemble de la série, en attendant que sorte le dernier volume de l'anthologie qui rassemblera les tomes 15 à 17...
Les images et la mise en page sont de toute beauté. Comme toujours, il y a une foule de détails dans chaque image. Les couleurs sont magnifiques, notamment le bleu des ciels (dès la première planche) et les différents blancs de la neige comme sur la première case de la planche 50. Pour les planches en noir-blanc qui présentent des flashback,
Cosey utilise une belle gamme de gris. J'ai aussi été séduit par les planches 38 à 43, qui sont le carnet de voyage de Jonathan que Drolma est en train de lire.
Comme dans toutes les oeuvres de
Cosey, le découpage des planches est très inventif. Il y a des cases sans bordures, des cases incrustées dans d'autres, des tailles et des cadrages très variés. Une jolie trouvaille, c'est le dessin du monastère de Yéshé dans la silhouette du lion des neiges du drapeau tibétain au bas de la planche 49. J'ai aussi beaucoup apprécié quelques dessins de Drolma, par exemple quand elle lit le carnet de Jonathan au bas des planches 37 et 43. Il y a aussi une forte tension dramatique au bas de la planche 36 quand Drolma "retrouve" Jonathan.
"La piste de Yéshé" aurait aussi pu s'appeler "Le retour de Drolma" ou "En attendant Drolma" tant son arrivée se fait attendre à Yéshé où elle a demandé à Jonathan de se rendre ! Pendant les trois mois de cette attente imprévue, Jonathan s'occupe comme il peut : il suit le programme quotidien du monastère ; il aide le moine Chamba à réaliser des thangkas ; il va nourrir la Lionne des Neiges, une ermite guérisseuse ;il écrit à son ami C… et surtout il revient vers son passé, en rencontrant des personnes qui l'ont connu la première fois qu'l est venu au Tibet, pour y retrouver Saïcha. Au bout des trois mois, la neige arrive, Jonathan part à moto à la rencontre de Drolma et c'est là que se joue le drame.
Depuis le jour où elle courait « pieds nus sous les rhododendrons », Drolma a toujours été mon personnage préféré dans cette série et que je suis content de la retrouver, adulte, en couple et mère de deux filles qui ont l'air d'avoir de fortes personnalités. Elle est restée fidèle à la culture tibétaine et elle travaille pour la sauvegarde de son patrimoine.
Après la publication de "Celle qui fut" en 2017, un journaliste avait demandé à
Cosey si ce serait la dernière aventure de Jonathan. Il avait répondu : " En principe oui. Jonathan retrouve Saïcha, la Tibétaine du premier album. La boucle se ferme. Si tout à coup je trouve une idée géniale, j'en dessinerai un dix-septième. Mais je pense que Jonathan a fait son temps. Seize albums depuis 1975..." Finalement, il a trouvé son idée géniale
: faire mourir son héros sans qu'il soit réellement mort !