Folie douce

Une couverture en guise d'épitaphe.
Ci-gît le passé mouvementé de C.W.Sughrue qui raccrocha ses santiags après une ultime enquête, sans doute la plus personnelle.

Folie Douce, outre le titre du bouquin, est certainement ce qui caractérise le mieux cet enquêteur attachant à la peau aussi dure et la dangerosité aussi définitive qu'un ours noir du Montana tiré de sa somnolence hivernale alors qu'il rêvait libidineusement d'un certain Nounours, proche ami des tout petits en mal de sommeil et désormais orphelins de leur grosse peluche virtuelle.
Une enquête mexicaine d'où il réchappait de peu aux morsures de plomb des Serpents de la Frontière et c'est à Meriwether, en compagnie de Whitney et de son pote Mac assorti d'une Lorna aussi pudique et conviviale qu'une hyène en chaleur, qu'il est venu cicatriser.
Repos de courte durée pour Sughrue lorsque Mac lui avouera connaître de gros soucis dans son boulot de psy et notamment le piratage informatique de certains dossiers confidentiels.
Dieu est bon, C.W. vise le podium en acceptant, et ce malgré le départ imminent et prolongé de Whit pour une contrée lointaine, de s'occuper d'une affaire aux méandres insoupçonnés.

Last but not least.
Une ultime virée en compagnie de Sughrue, ça ne se refuse pas.
Crumley, fidèle à lui-même, maltraite son héros comme jamais avec le bagou qu'on lui connait. de situations délirantes en contextes flirtant traîtreusement avec le grand sommeil, l'auteur joue avec sa création en le poussant à épouser une douce folie journalière. Des gueules comme s'il en pleuvait, tout comme les emmerdes, Crumley s'est fait plaisir avec ce trombinoscope de malades. Au diable la crédibilité si le sentiment qui prédomine est le plaisir. Plaisir du bon mot, des situations ubuesques surmontées. Cocasserie à tous les étages. Cette Folie Douce essaime tranquillement, contaminant finalement le lecteur que plus rien n'étonne.
Bien triste de se dire que l'on ne croisera plus la grande carcasse balafrée et alcoolisée de ce trublion hors normes.
Un suprême récit testamentaire qu'il convient de boire comme du p'tit lait, au grand dam de C.W. .
Santé !

Voilà, c'est fini…

Avec Folie douce, James Crumley tire sa révérence et Jacques Mailhos achève son cycle de retraductions gallmeisteriennes. Une série en forme d'hommages à l'homme de Missoula devenu en quelques livres, une des voix les plus marquantes du polar et du noir US.

On retrouve ainsi une dernière fois Chaucey Wayne Sughrue - C.W. pour les intimes - ce privé atypique dont la descente aux comptoirs des bars de Meriwether et d'ailleurs, en fait probablement le détective le plus imbibé de la littérature US. Imbibé souvent, mais clairvoyant toujours.

Tout juste remis de ses dernières aventures à la frontière mexicaine et aspirant à un peu de repos, CW va à contre coeur reprendre du service pour aider son ami Mac, psy aux affaires flamboyantes, à retrouver l'indélicat qui lui a piqué toutes les archives de ses clients. Avec manifestement du lourd dedans.

Si l'enquête va s'avérer un peu alambiquée et parfois confuse à suivre, on ne peut s'empêcher de déguster ce livre avec un peu de nostalgie, reprenant le fil de la vie compliquée de CW avec sa compagne Whit, les liens qui continuent de se tisser avec leur fils Lester ou cette quête du repos enfin gagné dans le Montana auquel CW aspire.

Et apprécier une dernière fois ce ton atypique de Crumley qui souffle comme personne le chaud et le froid, arrivant à mélanger dans une même page le sarcasme cash mais lucide de ses personnages et la nostalgie quasi poétique de ses paysages.

Voilà, c'est fini, mais c'est sûr : je relirai Crum' !

Aha aux USA, il n'y a pas que les thrillers tranquilles et pépères qui se jouent dans les palais de justice par joute verbale interposée. Il y a aussi une grosse armoire à glace, force tranquille qui colle des pains à tout va, écluse sec, fume en s'étant arrêté de fumer, sort des aphorismes bien sentis, poursuit la vérité au bout du pays, s'envoie des lignes de temps en temps, ses principales connexions il les tient de ses soirées de beuverie sur les 30 dernières années de sa vie et contrairement à son ami le psychiatre il préfère le Wild Turkey à Freud.

Vous l'aurez compris ici c'est plus "La horde sauvage" que "12 hommes en colère".

C'est plus San-Antonio et le mythe du Mâle que Sherlock Holmes, l'instinct animal Vs la sagesse et la déduction.

Notre privé est déterminé et/mais faillible c'est ce qui le rend attachant.

C'est vite lu, ça détend, ça fait rire, c'est déjà pas mal...

D'une façon plus pragmatique ce bouquin est le dernier mettant en scène l'antihéros C.W. Sughrue, je ne pense pas que soit le meilleur, je pencherais pour les serpents de la frontière

James Crumley (1939-2008) est un écrivain américain né dans une région rurale reculée du Texas. Après avoir fait ses études et servi pendant deux ans dans l'armée, il devient professeur de composition littéraire. Il est ainsi embauché successivement par de nombreuses universités mais il a la bougeotte et le métier de professeur ne lui convient guère. Installé dans le Montana, il est terriblement ancré à Missoula comme tous les autres écrivains du coin, « ce coin de paradis où règnent tolérance, bonne humeur, où l'alcool coule à flots. » Considéré par ses pairs comme un des plus grands auteurs de polar, les romans de James Crumley mettent principalement en scène deux détectives officiant à Meriwether dans le Montana, C.W. Sughrue et Milo Milodragovitch. Folie douce qui vient d'être réédité, est le quatrième et dernier volet de la série C.W. Sughrue.
Quand le docteur MacKinderick, psychanalyste, et ami de Sughrue vient le solliciter parce qu'on a dérobé dans l'ordinateur de son cabinet les données confidentielles de ses patients, notre détective commence par renâcler puis accepte le job bien payé. Mauvaise idée ! Son enquête à peine entamée, des suspects sont assassinés sous les yeux incrédules de Sughrue qui pourtant en a vu d'autres… et ceux du lecteur qui ne va pas lâcher ce bouquin d'une semelle avant la fin, car bientôt c'est MacKinderick qui disparaît !
Une fois encore je ne vais pas m'étendre sur l'intrigue, premièrement parce que c'est un polar et que je ne peux vous en gâcher la lecture mais surtout, parce qu'elle est trop compliquée, tentaculaire avec un paquet de personnages qui entrent et sortent, parfois les deux pieds devant, disons simplement que son « ami » Mac ne lui a pas tout dit au départ et qu'il est question d'une escroquerie, fraude à l'assurance maladie. Voilà.
Pourquoi lire ce polar me demanderez-vous ? Il est très bien écrit, le récit est dense, très détaillé, l'écrivain semble parfaitement bien savoir de quoi il parle (alcools et les verres n'ont jamais le temps d'être vides, armes à feu, véhicules, paysages…), la lecture en est rendue agréable et même quand on se perd (moi, en tout cas) dans ce noeud d'évènements, on se laisse bercer par le rythme mid-tempo de l'histoire, qui soudain de place en place, laisse éclater une bulle de folie douce, scènes de crimes croquignolets ou de (rares) sexe saugrenu ! Scènes qui en vérité font plus rire qu'autre chose et nous ramènent à ce genre très américain du « Pulp fiction » qui atteint son apothéose dans la séquence finale en Ecosse, après nous avoir trimballés du Nord au Sud des Etats-Unis !
Un polar classique dans ses grandes lignes, complexe dans son intrigue, avec des rebondissements bien barjots ici et là. J'adore.

De retour dans le Montana, CW Sughrue se voit bien détective retraité. C'est sans compter sur son ami psychiatre Will MacKinderick qui lui demande d'enquêter sur un vol de documents confidentiels dans son cabinet. Quand les cadavres commencent à pleuvoir, Sughrue comprend qu'il a mis les pieds dans un drôle de guêpier.

Les éditions Gallmeister en finissent avec les rééditions des romans de James Crumley retraduits pour l'occasion par Jacques Mailhos. Ce "folie douce"a la particularité d'être le dernier roman écrit par Crumley, Un roman qui sent la fin, celle de Sughrue d'abord qui donne l'impression de livrer un ultime combat.

Anti-héros parfait, CW Sughrue ressemble étrangement à son créateur. Vétéran du Viêt-Nam, un penchant pour l'alcool, les drogues et les femmes, surtout les vénéneuses, autant d'ingrédients bien présents dans cet ultime récit de Crumley mort en 2008.

Petit bonus de ces rééditions, après Aude Samama, Rabaté ou Baudoin, c'est au tour d'Hugues Micol (Agughia, Black-out...) de placer ici et là, au fil du récit, quelques illustrations de bon aloi : Un apport que j'ai particulièrement apprécié !