J'ai reçu le livre de Georges-Paul Cuny «
100 millions de Français» dans le cadre d'une Masse Critique Babelio.
Merci aux Editions Salvator et à Babelio.
Un essai de 122 pages sur un sujet d'actualité, brûlant, l'accueil des réfugiés par la France.
Le texte est volontiers polémique. le raisonnement s'appuie sur un extrait de
Tristes tropiques de
Claude Lévi-Strauss, cité en exergue :
«Si, pourtant une France de quarante-cinq millions d'habitants s'ouvrait largement (...) pour admettre vingt-cinq millions de citoyens musulmans, (...) elle n'entreprendrait pas une démarche plus audacieuse que celle à quoi l'Amérique dut de ne pas rester une petite province du monde anglo-saxon. (...)»
Affirmation audacieuse et courageuse dans la France de 1955, en pleine guerre d'Algérie...d'autan,t plus que
Lévi-Strauss rajoute :
«(...) ils firent et gagnèrent un pari dont l'enjeu était aussi grave que celui que nous refuosn de risquer. le pourrons nous jamais ? (...) Nous nous sauverions nous-mêmes.»
Quelque part Georges-Paul Cuny réédite l'exploit de
Claude Lévi-Strauss, en se situant, dans cet essai, à contre courant de la classe politique, des média et de l'opinion qui tout en rejetant l'accusation de «racisme» avancent des éléments «objectifs» pour justifier une position frileuse de non-accueil à bras ouverts.
Charles de Gaulle, mais apparemment pas le même que celui cité par Nadine Morano, est appelé à la rescousse :
«Confondre l'intérêt permanent de la France avec un grand idéal humanitaire, voilà qui serait beau et en même temps profitable.»
Charles de Gaulle,
Vers l'armée de métier, 1934.
Quel visionnaire ce grand Charles....
Le texte se lit facilement. Il nous renvoie une image sombre mais réaliste de la société française de 2016 :
La métaphore du plombier
Sarkozy est comparée aux déclarations de «l'Auvergnat» en 1945 (
Pierre Laval) :
«(...) c'est comme quand on habite dans un immeuble : il vaut mieux commencer à s'entendre avec son voisin de palier avant de chercher à le faire avec ceux des autres étages...»
Bons sens populaire qui cherche à complaire à la majeure partie de l'opinion en se démarquant des «élites» qui ne pensent pas mais raisonnent !
Les exemples des contre-vérités, des prudences excessives proférées sur le sujet par les uns et les autres abondent :
Les plus prudents se réfugient derrière le «droit de la mer» pour justifier leur position interventionniste sans se démarquer du bon sens qui juge qu'«on ne peut pas accueillir toute la misère du monde»
L'auteur rappelle cette déclaration de Hitler après l'échec de la Conférence d'Evian du 6 juillet 1936 réunissant 32 nations à l'initiative de Roosevelt «afin de chercher une solution concertée qui permît aux Juifs d'échapper à la persécution nazie.» :
« C'est honteux de voir les démocraties dégouliner de pitié pour le peuple juif et rester de marbre quand il s'agit vraiment d'aider les Juifs.»
(Silence honteux)
Seule Angela Merkel dans le climat de consensus glauque qui régna sur la réunion de Bruxelles supposée trouver une solution européenne à l'accueil des migrants, aura le courage d'affirmer :
«(...) Si l'Europe échoue sur la crise des réfugiés, ce lien avec les droits universels sera cassé, il sera détruit.»
Consensus glauque renforcé par les média, les politiques, les réseaux sociaux où chacun y va de son like haineux.
Société de communication paradoxale, qui s'émeut devant la photo du petit Aylan sur le sable d'une plage grecque, mais reprend aussitôt son antienne détestable une fois l'émotion passée.
Nous assistons impuissants à l'annonce quotidienne des naufrages dans les eaux de la Méditerranée comparable dans notre indifférence au héros de la Chute de Camus qui passe son chemin en voyant une jeune femme sauteur du parapet du Pont Royal...
«Ô jeune fille, jette-toi encore dans l'eau pour que j'aie une seconde fois la chance de nous sauver tous les deux !»
Cette peur du migrant est-elle justifiée, quand au vu des statistiques d'Eurostat un constat s'impose :
« (...) «la patrie des droits de l'homme» est une des plus dures envers les demandeurs d'asile, l'Allemagne et la Suède se montrent dans ce contexte plus généreuse que nous.
En 2015, Allemagne : 1,1 million de réfugies, Suède : 153 000, France : 30 000 en deux ans -
Fermez le ban !
La deuxième partie de l'essai cherche à répondre à cette question :
- Pourquoi, en dépit des chiffres qui montrent que la France n'est pas «submergée» par une arrivée massive de migrants, l'opinion est-elle défavorable à leur accueil ?
Pourquoi aucun homme politique français n'a-t-il pas le courage de Angela Merkel «Si maintenant, nous devons commencer à nous excuser quand nous montrons un visage amical face à des gens en détresse, alors ce n'est pas mon pays. »
Méconnaissance de l'histoire, gouvernance politique dictée par les sondages, recherche de parts de marchés par les média, de nombreuses causes expliquent cette démission de la société française face à la question migratoire qui, « (...) n'est pas un accident de l'événement. Elle fait partie de cette trame de l'histoire ordinaire discrète, mais qui ne surgit qu'à l'occasion de la confrontation de l'humanité avec son devenir historique.»
Pour Georges-Claude Cuny, les tenants du «on voudrait bien» mais «on ne peut pas» renforce la société française dans ses communautarisme, pas seulement au sens religieux ou ethnique, mais dans cette logique d'enfermement, qui nous pousse à être « (..) toujours plus arcboutés sur nos corporatismes, nos communautarismes à la française, , chaque Français ne sera-t-il pas bientôt un communautarisme à lui seul, prétendant seul à son droit de se dispenser de la loi dont il veut accabler ses concitoyens ?»
La démonstration de Georges-Claude Cuny est sans appel. Elle ne peut que convaincre. Une seule question se pose : sera-t-elle entendue, lue, commentée diffusée, ? Je ne peux hélas, qu'en douter.
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