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EAN : 9782754825450
288 pages
Futuropolis (10/03/2021)
3.98/5   107 notes
Résumé :
Un livre d'une brûlante actualité sur le choix des dirigeants européens, depuis le début des années 1980 jusqu'à aujourd'hui, de sacrifier l'emploi... et les effets dévastateurs de ce choix. C'est une enquête fouillée, documentée, riche des témoignages d'anciens ministres, de conseillers de présidents de la République, d'anciens directeurs du Trésor ou du FMI, de banquiers, d'économistes, de juristes, de sociologues et de philosophes... Benoît Collombat, journaliste... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (18) Voir plus Ajouter une critique
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Le lien à un monde collectif : la solidarité ou l'intérêt privé
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Ce tome contient un essai complet indépendant de tout autre. Il s'agit d'une enquête sur la gestion du chômage en France de 1981 à 1989, et de l'évolution de la situation ensuite. Il s'agit d'une bande dessinée en noir & blanc de 277 pages, dont la première édition date de 2021. Elle a été réalisée par Benoît Colombat et Damien Cuvillier, avec un lettrage réalisé par Stevan Roudaut. Cet ouvrage s'ouvre avec une préface de Ken Loach qui évoque le développement du néolibéralisme en Angleterre et les quatre leçons à en tirer. Il se termine avec quatre pages de références des différentes citations incluses dans l'exposé.

Prologue. Fin 1973, Georges Pompidou entre dans la salle du conseil des ministres. Il annonce une nouvelle terrible : la France va passer le cap des 400.000 chômeurs. Chapitre 1 : on a tout essayé. À Saint Malo en octobre 2016, au Festival Quai des Bulles, Benoît Colombat discute à table avec un éditeur de Futuropolis : il indique qu'il aimerait écrire sur la violence économique. L'éditeur propose qu'il le fasse en bande dessinée et le dessinateur à côté de lui indique que c'est un sujet qui l'intéresse. Il se souvient quand il était petit et qu'il accompagnait sa mère à l'autre bout du département en Picardie pour se rendre à l'Agence Nationale Pour l'Emploi. Sa mère aura été au chômage, entrecoupé de petites missions par-ci, par-là, avant d'être définitivement radiée, en 2005. En août 2019, les deux auteurs se retrouvent devant un monceau de documents, et se demandent par où commencer. Ils sont frappés par la continuité du discours des politiques sur le sujet, et par le fait que la dernière réforme sur l'assurance chômage s'inscrit dans un cadre idéologique qui est resté le même depuis quarante ans.

En France la barre du million de chômeurs est franchie en 1977, celle des 2 millions en 1983. En 1993, 3 millions. Et aujourd'hui : 2,4 millions selon l'INSEE. En réalité, plus de 6 millions de personnes inscrites à Pôle Emploi. Et 9 millions de précaires. Avec des conséquences aussi sur la santé des populations. En fait, le chômage et la précarité tuent, au sens propre. Selon une étude de l'Inserm, entre 10.000 et 14.000 décès peuvent être attribués chaque année au chômage : suicides, maladies ou rechutes de cancers. En passant en revue des articles de journaux, les auteurs retrouvent des chroniques écrites par François Hollande pour le journal le Matin, développant un discours libéral. Quand Emmanuel Macron accède à la présidence, Jean-Pierre Mignard, avocat proche de Hollande et de Macron, reconnaît dans son projet, celui qu'il avait décrit avec Hollande, Jean-Yves le Drian et Jean-Pierre Jouyet en 1985, dans un livre intitulé La Gauche Bouge. Les deux auteurs se mettent à la recherche de cet ouvrage : un exemplaire disponible chez un vendeur berlinois. L'enquête peut démarrer sur ce fil conducteur présent déjà dès les années 1980, et intact en 2019. Elle commence au printemps 2017. Elle va durer trois ans et demi, jusqu'à l'automne 2020. Ils vont interviewer des hommes politiques, des hauts fonctionnaires, et ils commencent avec le porte-parole du Mouvement national des chômeurs et précaires.

Parmi les premiers interlocuteurs que les auteurs interviewent, l'un d'eux fait la réflexion que le format choisi (une BD) fait que c'est un livre pour les jeunes. le prologue commence doucement avec simplement l'annonce du premier ministre en 1973. À partir de la page 16, le lecteur parvient à la densité d'informations qui va être présente tout du long du récit. Elle est élevée et il en est ainsi pendant tout l'ouvrage, ce qui correspond bien à une approche adulte. Celui-ci se focalise beaucoup sur le premier septennat (1981-1988) de François Mitterrand, en le complétant par d'autres éléments antérieurs ou postérieurs. le lecteur voit ainsi passer beaucoup d'hommes politiques de cette époque, et également un peu d'avant et d'après : Michel Debré, De Gaulle, Raymond Barre, René Monory, Maurice Papon, Jean-Pierre Chevènement, Pierre Mauroy, Jacques Delors, Pierre Bérégovoy, Laurent Fabius, Édouard Balladur, Dominique Strauss-Kahn, Helmut Kohl, Margaret Thatcher. S'il a été témoin de cette époque, ou s'il l'a déjà étudiée, l'assimilation des nombreuses informations lui en est facilité. de même, les auteurs font appel à de nombreux experts : les ministres eux-mêmes, mais aussi le secrétaire général de l'Élysée, le Porte-parole du Mouvement National des Chômeurs, des sociologues, un maître de conférences en sociologie, un directeur du trésor, des directeurs de cabinet de ministre, un Commissaire au Plan, des économistes. Ils font oeuvre de pédagogie et de vulgarisation, mais le sujet exige qu'ils développent de nombreux points bien au-delà de la vulgarisation.

Les lecteurs annoncent explicitement dans le premier chapitre leur objectif : essayer de retracer les moments de bascule historiques relatifs à la gestion du chômage, retrouver les pièces à conviction correspondant aux grands choix économiques. L'ouvrage est divisé en 5 chapitres, avec un prologue, un épilogue et un post-scriptum : 1 On a tout essayé, 2 Des protections inadmissibles, 3 Vive la crise !, 4 Les vents dominants, 5 Y a pas d'argent magique. Ils commencent par s'interroger sur le début de la mondialisation, l'arrivée du libéralisme en France, le genre de ce libéralisme (en l'occurrence Ordolibéralisme), l'idée que le marché se régule lui-même, la crise et la rigueur budgétaire, les paramètres qui font que le chômage ne fait que croître et à qui ça profite. Cette enquête les amène à évoquer de nombreux phénomènes historiques qui ont contraint la France, ou justifié ces choix : les accords de Bretton Woods, le lien entre les banques de dépôts et les banques d'affaires, la financiarisation de l'économie, la construction du Deutsch Mark, la conversion du patronat français à l'ouverture à la concurrence internationale, la désindexation des salaires du coût de la vie, la désinflation compétitive, le plan Marshall, le traité de Rome en 1957, la construction d'une monnaie unique en Europe, etc. Ils éclairent certains faits récents à l'aune de ces choix : le référendum de 2005, la crise financière de 2008, la crise grecque de 2009, les Gilets Jaunes. Afin d'expliquer tous ces choix, ils citent également des économistes et des conseillers en économie tels que John Maynard Keynes, Walter Lippman, Friedrich Hayek, Jean Monnet, Robert Marjolin, Ludwig Erhard. Enfin, ils soulignent l'importance des idées et des actions de Jacques Delors, Michel Camdessus (directeur du Trésor), Tomaso Pado-Schioppa. À quelques reprises, le lecteur peut souffler un peu, par exemple avec les spots publicitaires où Paul-Loup Sulitzer explique la libre concurrence.

Très rapidement, le lecteur constate la densité des informations et le fait que les chapitres sont thématiques, ce qui entraîne des va et vient chronologiques. À l'évidence, il ne s'agit pas d'une bande dessinée qui raconte une histoire, mais effectivement d'une enquête qui développe une thèse. le titre est explicite : les responsables politiques ont fait le choix du chômage, et il s'agit d'une violence économique. En fonction de ses convictions, le lecteur peut souscrire à ce point de vue a priori, ou y être opposé : les auteurs sont transparents sur leur point de vue, et la manière dont ils présentent les faits. le lecteur se rend vite compte des limites d'un tel ouvrage sous la forme d'une bande dessinée, mais aussi que ce format apporte à cet exposé. Bien souvent les auteurs exposent des faits historiques, des explications économiques, des avis d'experts, des prises de position d'élus et de leurs conseillers. C'est ce qui rend l'ouvrage dense, et ce qui rend compliqué la mise en images. L'artiste sait représenter les personnalités connues qui sont immédiatement reconnaissables. En fonction des passages, il met les intervenants en situation : à la tribune, dans leur fauteuil, en train d'écrire, en réunion, sur le terrain, dans leur bureau, chez eux. C'est le premier effet du format BD : montrer des individus prononçant ces propos, les rendre concrets, mais aussi de simples êtres humains. En outre, les auteurs se mettent en scène de manière chronique pour montrer leurs difficultés, ou un entretien, ce qui sert également à expliquer visuellement le travail qu'ils ont accompli, ce qui permet au lecteur de ressentir une forme d'empathie pour leurs efforts, et de mesurer l'énormité des décisions de simples êtres humains, engageant la vie quotidienne des citoyens d'une nation.

La narration visuelle ne se limite pas à des individus en train de discuter, d'expliquer ou de discourir. Tout au long de ces 277 pages, le dessinateur utilise de nombreuses mises en scène différentes : des schémas, des reproductions d'articles, des références culturelles comme Charlot dans le film Les temps Modernes, l'âne du parti démocrate, Marianne, un match de boxe, Tintin en train d'expliquer une leçon à de jeunes africains comme dans Tintin au Congo, la différence entre la carpe et le brochet, une étape du Tour de France, une scène de théâtre, l'aigle américain, un sorcier avec un chapeau pointu. Il représente également des événements historiques comme le général De Gaulle descendant les champs Élysées, ou la chute du Mur de Berlin. le lecteur peut ne pas y prêter attention s'il est fortement concentré sur le texte : l'artiste change également de registre graphique pour des séquences particulières, passant d'un registre réaliste et descriptif, à un registre simplifié, ou de contours avec des traits encrés, à un rendu en nuances de gris. Cette variété et ces images permettent au lecteur de plus facilement fixer son attention, et d'associer un visuel à une séquence, ce qui la démarque mieux des autres et la rend plus facilement mémorable. Même si ce n'est pas forcément perceptible tellement les images sont subordonnées au texte, le travail du dessinateur est remarquable de bout en bout et apporte beaucoup au texte, à son animation, à sa clarté, à sa compréhension.

Quelles que soient les convictions et le niveau de connaissance du lecteur, cet ouvrage est remarquable. Il aborde des notions basiques telles que les 3% ou les différentes formes de libéralisme économique (La galaxie libérale : Adam Smith, Milto, Friedman, Friedrich Hayek & Ludwig von Mises, Walter Eucken & Wilhelm Röpke), et propose une logique de progression historique qui fait froid dans le dos. Sa structure est rigoureuse : par exemple, le lecteur a bien noté la distinction entre les banques de dépôts et les banques d'affaires faite à l'occasion de la crise de 1929 aux États-Unis, et il la retrouve à la fin de l'ouvrage, cette distinction prenant une tout autre ampleur. le lecteur en ressort avec la sensation que l'avènement planétaire du néolibéralisme était inéluctable, et qu'il fut porté par les socialistes en France, ainsi qu'avec une vision claire du détricotage du programme du Conseil nationale de la Résistance. Après coup, il se rend compte du travail de narration visuelle, vivant et diversifié, un défi pour un ouvrage de cette nature.
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Je fondais de grands espoirs en cette bande dessinée.
Parce que le sujet m'intéresse.
Parce que j'ai vu récemment une interview de l'auteur sur une chaîne vidéo dissidente.
Hélas, même si je trouve que c'est fort bien fait, que les dessins sont soignés, plaisants (c'est drôle de reconnaître toute la ménagerie politique qui s'est produit dans notre petit écran de théâtre), je ne suis pas parvenu à accrocher véritablement.
Les incessants allers et retours chronologiques liés aux interlocuteurs rencontrés par les auteurs, la difficulté à passer d'une notion à l'autre m'ont empêché de suivre un fil qui me semble indispensable pour ce genre de sujet.
Et puis, il n'y a pas véritablement de méchants désignés comme tels...
Des opportunistes, des cyniques, des profiteurs qui répondent gentiment aux questions posées.
De M. Lamy à M. Trichet en passant par M. Camdessus (pour ne citer d'abord que des non-politiciens professionnels), ils réclament tous des "réformes structurelles" synonymes de plus de privilèges pour les uns (dont ils font partie comme par hasard) et de précarité pour les autres.
Les pires déclarations politiques sont simplement rappelées, sans plus, mais 9 français sur 10 les ont sans doute déjà oubliées, sevré qu'on est aux chaînes de propagande en continu.
Bref, une grande tristesse m'a étreint en lisant cette bande dessinée. Ce doit être l'effet du noir et blanc...
Oui, c'est cela, le noir et blanc.
Le noir et blanc...
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Il est difficile de résumer cette grosse BD de 283 pages, très dense, ramifiée en plusieurs chapitres et par moment assez ardue par les rouages économiques qu'elle explique. Au début, je dois le dire, j'ai été un peu déçu par le chapitre 1. Non pas que, rétrospectivement, après avoir terminé l'ouvrage, il ne soit pas dans le ton du récit, mais parce qu'il indique très tôt, trop tôt sans doute, à quel point la conversion au libéralisme du PS vient de loin, depuis le début des années 80 par le courant proche de Jacques Delors auquel appartenait… François Hollande.
Le chapitre 2 révèle l'origine et le développement de ce que les auteurs appellent « la galaxie libérale ». C'est le chapitre un peu ardu, assez abstrait, où la lecture est un peu lente pour bien suivre l'idéologie libérale et son évolution.
C'est au chapitre 3 que la BD devient passionnante. Elle explique le dilemme qui s'est posé peu après l'arrivée de la gauche au pouvoir. le Franc était surévalué (par rapport au Mark allemand) et la compétitivité des marchés français en souffrait. On pouvait dévaluer, comme souvent depuis la libération. Une monnaie plus faible redonne de la compétitivité sur les marchés étrangers (nos produits sont moins chers), les usines produisent de nouveau, l'emploi est préservé. le seul écueil est l'inflation, mais l'indexation des salaires sur les prix permettaient aux salariés de ne pas voir baisser leur pouvoir d'achat.
A cette époque, pour dévaluer, il fallait sortir de ce qu'on appelait le Serpent Monétaire Européen (SME) qui fixait les taux de change entre les monnaies européennes et empêchait la dévaluation. La lutte fut rude au sein du PS, mais le choix de Mitterrand (une buse en économie) sous l'influence de Jacques Delors et d'un cercle étroit qui travaillait avec lui, fut de ne pas sortir du SME, donc de ne pas dévaluer, d'inventer une règle sortie du chapeau et absolument non scientifique comme quoi le déficit de la France ne devait pas être supérieur à 3% et enfin, comble du comble pour un parti qui se prétendait de gauche, de supprimer l'indexation des salaires sur les prix. C'est la conversion au libéralisme et le début du déclin français. C'est aussi la fin de la gauche.
Non dévalué, le Franc fort ne permet plus de vendre nos produits (trop chers et les autres pays préfèrent alors acheter à l'Allemagne), en conséquence notre industrie se délite, les délocalisations s'accélèrent, les usines ferment, le chômage augmente, sans compter que les salaires sont bloqués puisqu'ils ne suivent plus l'inflation qui, certes, est réduite (environ 2%) mais bien réelle néanmoins.
Stopper l'inflation n'est d'ailleurs qu'une préoccupation des financiers, des créanciers et des rentiers, qui voient leur profit diminuer quand elle est forte et aiment la voir contenue dans des limites faibles.
Je n'ai pas l'intention de décrire tout le contenu de cette BD mais le chapitre sur la construction européenne, entièrement basé sur la mise en place d'une économie libérale (vous savez, les fameuses réformes structurelles ?) est tout à fait passionnant et d'une tristesse aussi, à pleurer.
Accompagnée et même cornaquée par le PS au cours des deux mandats de Mitterrand, cette construction européenne se termine en apothéose par l'instauration de l'euro, c'est-à-dire une monnaie trop forte (l'ancien Mark allemand) qui a coulé les pays du sud, les a privés de leur souveraineté monétaire (donc de leur souveraineté tout court) et de l'arme de la dévaluation pour demeurer compétitifs.
Notons par ailleurs que cette construction européenne, qui part de loin elle aussi, dès la libération avec Jean Monnet, sera un temps freinée par De Gaulle, trop nationaliste pour abdiquer la souveraineté de son pays et accepter l'instauration d'une institution supranationale (la commission européenne) qui prive les pays membres de toute décision politique. De Gaulle souhaitait une union européenne, mais intergouvernementale et politique, et non une Europe supranationale, économique et libérale. Il faudra attendre son départ et l'arrivée de Pompidou pour reprendre cette trajectoire funeste qui nous a conduits où nous sommes : un pays qui n'a plus d'industrie, avec un effondrement des salaires, une augmentation de la précarité et toujours, encore et encore, un chômage de masse bien pratique pour taire les revendications salariales (« si vous refusez cet emploi, dix personnes sont prêtes à le prendre »…).
Le néolibéralisme conduit aux drames à venir. L'augmentation des inégalités (effarantes) et la misère poussent la population à rejeter les politiques, à devenir violents, et les gouvernements à se servir de la violence policière pour la faire taire. Ceci ouvre la porte au néofascisme qui grimpe et s'installe un peu partout dans le monde. C'est un vent mondial.
A ce propos, les auteurs finissent sur une conclusion à laquelle je crois depuis longtemps. Une union se fera tôt ou tard entre la finance libéralisée et les partis néofascistes. Elle a déjà commencé du reste, puisqu'en Europe plusieurs gouvernements d'extrême droite sont au pouvoir et restreignent les libertés sans que la commission européenne n'y voie rien à redire. Les loups entrent dans la bergerie tout simplement parce que, dans la bergerie, ils trouvent d'autres loups prêts à s'allier avec eux.
C'est pourquoi, petite réflexion personnelle pour finir, ceux qui votent Macron au second tour, acceptant à contre coeur le libéralisme et son lot de misère pour éviter le néofascisme, se trompent du tout au tout. Au final, ils auront les deux.
Une BD à lire impérativement pour mieux comprendre l'ampleur du désastre.
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Rien que le titre est déjà très évocateur. Ces journalistes sont arrivés à la conclusion que nos hommes politiques depuis l'époque de Georges Pompidou ont fait le choix délibéré du chômage afin de satisfaire les tenants du grand capital. L'Etat s'est mis au service du capital.

On sait pourtant que le chômage est l'un des plus grands maux de nos sociétés modernes. Il apporte la misère, la pauvreté et le malheur à des millions de gens. Par ailleurs, ceux qui sont de l'autre côté pensent que ces gens profitent du système avec les maigres compensations qu'ils reçoivent sans comprendre véritablement le fond du problème.

J'ai voulu me laisser tenter par cette BD qui est surtout un historique de l'émergence du capitalisme économique qui a pris le pas sur le politique. Elle est loin l'époque du président Roosevelt qui avait bien saisi le problème en indiquant dans un discours en 1936 : « Nous savons maintenant qu'il est tout aussi dangereux que d'être gouverné par l'argent organisé que par le crime organisé ». Cet homme était un visionnaire.

On apprendra que c'est la gauche et notamment sous la présidence de François Mitterrand que le pouvoir politique a cédé progressivement sa place à l'économie en trahissant au passage des millions de votants qui croyaient que leur vie allait changer et que le chômage serait vaincu. Évidemment, les gouvernements même de droite qui se sont succédés sont restés sur la même ligne. On a vu le président Nicolas Sarkozy faire accepter par sa majorité parlementaire le Traité de Lisbonne alors que les français avait répondu « Non » à près de 55% à un référendum sur ce sujet d'une Europe libérale avec une participation de 70%. Même le socialiste François Hollande va assumer une politique très libérale malgré un discours électoral très remonté contre le monde de la finance.

La démonstration qui est faite est glaçante car la vérité est parfois assez dure à entendre. La politique n'a plus le pouvoir sur l'économie et le financier. Ainsi, même la crise grecque est vu sous un autre angle que celui que l'on nous avait servi. Comme quoi, il ne faut pas faire confiance aux médias et se forger parfois sa propre opinion. A noter que la BCE avait mené une action diplomatique hostile contre la Grèce qui avait mis au pouvoir un parti radical de gauche ce qu'elle jugeait inacceptable. le peuple grec l'a chèrement payé avec la rigueur et l'austérité pour faire un exemple sur les autres grands pays européens tentés par une aventure politique non compatible.

C'est très bien dessiné bien que j'ai eu du mal à tractionnaire certains personnages comme par exemple Jacques Chirac. Cette oeuvre est traitée à la manière d'un documentaire avec différents témoignages. Quelque soit le bord politique que nous avons, c'est parfois bien de se tourner vers ce type d'ouvrage afin de comprendre notre monde. Cela sera parfois assez difficile avec toutes ces théories économiques mais on en perçoit l'essentiel.

Les idées de Friedrich Hayek et son école de Chicago ont fini par contaminer toute l'Europe à partir des années 70. Désormais, nous vivons avec une monnaie unique et un pouvoir économique transféré à Bruxelles. Tout ce que craignait justement le Général de Gaulle qui voulait conserver la suprématie de la France sur son destin.

Voir également le passage assez intéressant où le président Georges Pompidou était presque au bord des larmes car la France avait 400.000 chômeurs. le pauvre, s'il savait que désormais, ce sont des millions dont certains ne sont pas comptabilisés par Pôle Emploi.

Le président Emmanuel Macron à la tête d'un parti démocrate sera également montré quand il a eu cet échange avec ce jeune jardinier qui cherchait désespéramment un travail. Ce dernier lui avait rétorqué qu'il suffisait de traverser la rue pour aller travailler dans un restaurant comme si l'être humain devait continuellement s'adapter en passant de l'agriculture au commerce afin d'être corvéable à merci. Quelle brutalité dans les propos ! Mais bon, c'est le discours ambiant que j'entends également dans ma propre entreprise. La capacité d'adaptation est un atout.

Un grand rôle sera également attribué à Jean Monnet et à Jacques Delors. Ces deux hommes ont contribué à imposer le libéralisme économique en Europe sans mesurer les dangers que cela impliquait également.

On ne sait pas de quoi sera fait le futur. Il est clair que le changement climatique ou le monde de l'après-virus imposera de nouveaux choix pour une société plus juste. Cependant, il est également possible que ce mouvement néolibérale s'associe avec des nationalistes et se retrouvent dans un mélange de réformes néolibérales et de politiques xénophobes et autoritaires.

Au final, un bel ouvrage qui est un très bon résumé de l'économie et du néolibéralisme en particulier.
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Cette lecture me confirme que je suis vraiment une buse en économie, j'avoue avoir par moment peiné, cette lecture a été assez laborieuse. Les concepts sont parfois un peu compliqués, mais la présentation sous forme de bande dessinée ne facilite pas non plus la lecture avec la multiplication des phylactères, du coup, la lecture est saccadée, pas vraiment fluide, l'ordre de la lecture est souvent pertubé par une mise en page confuse et trop dense, l'aspect crayonné des illustrations nous perd dans un maelstrom de gris, il y a tant d'interlocuteurs, on passe de l'un à l'autre pour deux ou trois phylactères, j'avoue avoir trouvé cette lecture assez pénible. Pourtant le propos est passionnant et je dois dire assez révoltant.
Ce livre nous invite à comprendre un sujet qui nous concerne tous et qui pourtant est assez difficile à aborder, il apporte de la réflexion, de la connaissance, et invite aussi à se révolter ou du moins à s'indigner de la direction prise par nos gouvernants, mais malheureusement je ne pourrai pas mieux argumenter après cette lecture, trop d'interlocuteurs et d'acteurs, trop historique et pas assez de schématisation.
Ce livre confirme ce que je pensais déjà sans éclaircir mon argumentation, il a le mérite d'exister, mais il ne correspond pas vraiment à mes attentes, mes connaissances économiques restent toujours autant dans le flou.
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critiques presse (1)
Sceneario
25 mai 2021

Par son engagement, sa pédagogie illustrée et sa perspective historique, “le choix du chômage” constitue à n’en pas douter un ouvrage indispensable pour comprendre l'Europe et la France d’aujourd’hui.
Lire la critique sur le site : Sceneario
Citations et extraits (34) Voir plus Ajouter une citation
cit. 3 : [Barbara Stiegler, philosophe, mai 2019] : « Le propre du néolibéralisme, c'est d'assumer le libéralisme économique en prônant une politique d'éducation, un discours sur le sens de la vie, la valorisation de la mobilité... une "fabrication du consentement", pour reprendre l'expression de Lippmann.
Il faut introduire le brochet de la concurrence internationale... pour que nos carpes nationales perdent le goût de la vase. […] Raymond Barre personnalise la France par la carpe, c'est-à-dire un vieil animal qui peut avoir jusqu'à 800 ans... Ça évoque l'imagerie du château, des douves... ça renvoie à l'archaïsme français... d'où le goût de la vase... […] Le brochet, lui, symbolise la prédation. Les carpes sont du côté de la mort, tandis que le brochet est plutôt du côté de la vitalité, de la mobilité. La France a le goût invétéré du protectionnisme. La fibre protectionniste est, avec la fibre paysanne, l'une des deux fibres notables du tempérament français. […] Ça signifie qu'il faut effectuer tout un travail de pédagogie pour que ce discours soit audible par ce pays qui souffre en fait d'un retard culturel. Et ça, c'est un marqueur du néolibéralisme. […] Comment adapter notre espèce à son environnement et à la mondialisation en accélération constante ? Il y a vraiment une filiation avec ces nouveaux libéraux français, qui vont plus loin que le libéralisme classique de manière assez transgressive en disant qu'il faut transformer les peuples. » (pp. 60-62)
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Cit. 11 : [Romaric Godin, journaliste à Mediapart et auteur de _La Guerre sociale en France_ répondant à Bruno Le Maire, ministre de l’Économie] : « BLM – Dans une famille, on ne dépense pas plus d'argent qu'on en gagne. Je souhaite qu'en France ce soit exactement la même chose.
RG – Cette métaphore ménagère de la dette est utilisée pour que le public adhère à une politique qui en réalité n'a aucun sens sur le plan économique. Mais elle a un sens sur le plan social. C'est un choix de classe qui permet de détourner des ressources publiques vers les détenteurs de la dette publique et de déshabiller l’État pour justifier ensuite des politiques de destruction de l’État social.
Le premier ferment de la guerre sociale, c'est quand vous dites aux gens : "Si vous n'acceptez pas de baisser votre salaire, vous allez perdre votre emploi." La "paix néolibérale" consiste à demander aux gens de se satisfaire de la violence qu'ils subissent au quotidien : chantage à l'emploi et violence managériale. Confronté à ses propres contradictions, le "modèle" néolibéral n'a désormais plus d'autre solution que de faire taire la contestation par la répression et le contrôle de la parole publique, à l'université ou dans les médias. Avec un risque de fuite en avant et la recherche de boucs émissaires.
Pour moi, le danger réside dans une convergence entre ces néolibéraux et une extrême droite qui n'a pas de projet économique, mais qui a un projet de société autoritaire. Il est possible que ces mouvements, néolibéraux globalistes et néolibéraux nationalistes, se retrouvent dans un mélange de réformes néolibérales et de politiques xénophobes et autoritaires. » (pp. 282-283).
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Cit. 8 : [Coralie Delaume vs. Denis Kessler, PDG de la société de réassurance SCOR, vice-président du MEDEF de 1998 à 2002] : « CD – Les classes dirigeantes françaises ont ce désir d'imposer des politiques néolibérales, il est donc bien pratique pour eux que ces politiques aient été constitutionnalisées dans des traités européens. Une politique, ça devrait pouvoir varier en fonction des alternances. Or, là, toute la politique économique est prédéterminée dans des traités de rang quasi constitutionnel. Il n'y a plus rien d'autre à faire que de laisser les choses se produire... Les élites françaises utilisent l'Union européenne pour imposer l'austérité, et l'argument allemand pour imposer la déflation salariale.
DK – Le modèle français est le pur produit du Conseil national de la Résistance. Un compromis entre gaullistes et communistes. Il est grand temps de le réformer, et le gouvernement s'y emploie. Les annonces successives des différentes réformes par le gouvernement peuvent donner une impression de patchwork, tant elles paraissent variées, d'importance inégale et de portées diverses : statut de la fonction publique, régimes spéciaux de retraite, refonte de la Sécurité sociale... La liste des réformes ? C'est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s'agit aujourd'hui de sortir de 1945 et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance. » (pp. 232-233)
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cit. 1 : [Pierre-Edouard Magnan, porte-parole du Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP), juin 2019] : « On a vraiment l'impression que les chômeurs sont comme des enfants qu'il faut éduquer et "responsabiliser" ! Cette infantilisation se conjugue à une forme de racisme anti-chômeurs, régulièrement présentés comme des feignants ou des fraudeurs, qui ne seraient pas très autonomes, qu'il faudrait un peu "gronder" et "guider". Tout cela fait un peu penser à l'esprit colonial, à la façon dont les Noirs étaient représentés dans les livres d'école à la fin du XIXe siècle.
Le choix du chômage a été fait parce qu'il sert notre système économique. Le but, c'est de transformer le plus possible les chômeurs en pauvres et en main d’œuvre taillable et corvéable à merci. C'est nécessaire au fonctionnement du système. S'il y avait le plein emploi, le rapport de force serait différent... Les conditions de travail seraient différentes, les salaires seraient plus élevés, le rapport de force avec l'actionnaire et l'employeur ne serait pas le même. Si on veut que les actionnaires continuent de gagner très bien leur vie, que les patrons continuent de "patronner" tranquillement et si on veut que les salariés ferment leur gueule... il faut beaucoup de chômeurs et de précaires. » (p. 23)
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Cit. 6 : [Rawi Abdelal, professeur à la Harvard Business School] : « Ce ne sont pas les États-Unis qui ont mené le combat pour institutionnaliser les règles et les obligations d'un marché financier libéral. […] C'est le consensus de Paris et non celui de Washington qui est avant tout responsable de l'organisation financière mondiale telle que nous la connaissons aujourd'hui. Cette évolution est le résultat d'une confluence d'événements, mais elle n'a pu se faire que grâce à l'intervention décisive de trois personnages : Henri Chavranski – Président du comité des mouvements de capitaux à l'OCDE de 1982 à 1994 -, Jacques Delors – que l'on ne présente plus – et Michel Camdessus – Directeur du FMI de 1987 à 2000. Sans eux, un consensus en faveur de la codification de la norme de la mobilité des capitaux aurait été inconcevable. L'histoire de l'instauration du libéralisme sur les marchés financiers du monde développé n'est pas, comme on l'assène volontiers, celle de la capitulation de la gauche européenne. Au contraire, la gauche française a fait beaucoup plus que se laisser briser par les réalités de la mondialisation. Beaucoup de socialistes français se sont ralliés sincèrement au marché. » (p. 199)
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