Je m'attendais à trouver un polar. En réalité, l'intrigue n'est qu'un fond, un clair obscur qui met en évidence des aspects troublants de la société en milieu périurbain. Les détails sont souvent outrés comme taillés au couteau dans la peinture. Il y a beaucoup de désillusions et d'amertume dissimulées derrière un étonnement de façade chez le personnage principal et, dans tout ce gris, jaillit parfois un point lumineux, comme un sourire d'enfant trop rare.
Didier Daeninckx souffre clairement de voir sombrer cette banlieue qu'il aime tant, il ne fait pas que régler des comptes avec ceux qui à ses yeux ont trahis l'espoir mis en eux. Il y dénonce pêle-mêle les pires maux dont souffre ces lieux : trafics en tout genre, pression, clientélisme, radicalisation, viol, pédophilie, misère pensée comme une institution, impuissance.... Pour tenter de prendre du recul, il situe son narrateur habitant loin de cette ville qu'il a connue et se trouve contraint d'y revenir quelques jours après des années d'absence. Ne cherchez pas Courvilliers sur la carte, c'est une ville imaginaire. Je ne dirai rien de plus sur l'intrigue. Natif du coin que j'ai quitté il y a 50 ans, je n'y suis plus retourné depuis 20 ans, les lieux de ma petite enfance avaient déjà disparu, les vergers transformés en cité ou en cimetière (les Joncherolles par exemple) impersonnelles et impénétrable, les francs moisins bétonnés... C'est sans doute plus facile pour moi de comprendre le point de vue de l'auteur. Il n'empêche, c'est à lire d'urgence, c'est un témoignage capital. Tout ça finira par ne plus exister, soit par explosion soit par satellisation.