"Le ciel dans un étable" : un très court texte dédié à l'association italienne Antigone, dont l'objectif est le contrôle du respect des droits de la personne en milieu carcéral, un objectif militant également partagé par l'auteur, qui est très souvent intervenu pour le prêt de livres aux détenus, notamment.
Ici Erri de Luca, dans la prose pudique et nostalgique qui est la sienne, évoque la manière dont sont père, le sous-lieutenant Aldo de Luca, s'est évadé de Sorrente, encore sous occupation nazie en 1943, vers l'île de Capri, reprise par les Alliés, de nuit, sur une petit canot, uniquement mu à force de rames.
On y voit d'abord la cache trouvée par ces quelques hommes, soldats d'une armée vaincue et débandée : une étable dont le toit percé laisse entrevoir les étoiles, où les rejoint un homme âgé, de religion juive, fuyant les persécutions et les lois raciales.
Ces cinq hommes entreprennent à la force de leurs bras les trois heures de trajet en mer, par une nuit sans lune, calme et propice. L'auteur ennoblit ces souvenirs que lui a transmis son père, leur donne toute leur portée, non de fuite, mais de libération, saluée par une prière du vieil homme.
Si l'anecdote, reprise dans un autre récit, est authentique, il est sûr qu'elle convient fort bien aux buts visés par l'association Antigone. Il s'y mêle aussi, bien sûr, une réflexion désabusée sur l'absurdité de la guerre.
Lu en V.O.
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Un court récit pour Antigone, association qui s'occupe de justice pénale et défend les droits et garanties individuelles à l'intérieur du système pénal et pénitencier.
Fin août 1943,le sous-lieutenant Aldo de Luca,au sein des troupes italiennes en Albanie, est rendu à la liberté suite au bombardement de sa maison.
Le roi de Savoie et Badoglio signent l'armistice et les troupes allemandes,les alliées de hier,deviennent les troupes d'occupation.
Les jeunes gens se cachent,entrent en Résistance.
Aldo de Luca se réfugie dans une ferme,à Sorrento. Avec lui,quatre autres.
Un jour,le fermier en amène un de plus,un homme âgé,un juif qui a réussi à se cacher.
En face,c'est Capri, la liberté possible.
Le fermier prépare leur traversée en barque à rames.........
Vingt ans plus tard,Aldo de Luca raconte son histoire à son fils Erri .........
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Il rythmait bien la distance avec la terre ferme, prison et prisonnière. Il souriait de la voir s'effacer dans l'obscurité et avec elle, ses mille deux cents jours de guerre. Ils les avait comptés et il les échangeait contre des coups de rame. Il calculait : vingt coups par minute en font mille deux cents par heure. Je rame pendant une heure, et de cette façon, je les aurai purgés
ce furent les très longues semaines de septembre 43,tout se décidait d'heure en heure. Napoli était sous les bombardements aériens fournis, les alliés avaient débarqué à Salerno,le golfe était miné,les allemands ratissaient les hommes entre dix-huit et trente-trois ans ;
Pour Aldo,athée de guerre pour évidente incompatibilité entre Dieu et le malheur sur terre,les coutumes du juif lui semblaient exagérément opposées.
L'horreur des lois raciales:une des imitations serviles du fascisme pour plaire au peuple allié, plus fort.
Quand la nécessité s'impose,les privilèges et préséances sautent.
Rencontre animée par Olivia Gesbert
De la bibliothèque paternelle à l'ombre de laquelle il a grandi jusqu'aux chantiers où il a été ouvrier, Erri de Luca a noué avec la lecture, puis avec l'écriture un rapport particulier pour bâtir une oeuvre double, celle d'une fiction romanesque aux forts accents autobiographiques et celle d'une réflexion sur l'Écriture. Depuis trente ans, c'est une oeuvre foisonnante et protéiforme qu'il bâtit, caractérisée par un style limpide, poétique, épuré. Ponctués de pensées, de métaphores, d'aphorismes, ses récits endossent souvent la forme d'une fable, d'une parabole empreinte d'une touche de merveilleux, dans une langue unique.
Pour cette édition Quarto, ont été retenus une dizaine de textes publiés auxquels s'adjoignent cinq textes inédits, qui portent en eux la puissance de l'écriture d'Erri de Luca dans des genres littéraires variés, sa réflexion sur l'appartenance et l'identité, le poids du passé et l'importance de l'histoire, sur la fragilité et l'importance des relations humaines.
« Nous apprenons des alphabets et nous ne savons pas lire les arbres. Les chênes sont des romans, les pins des grammaires, les vignes sont des psaumes, les plantes grimpantes des proverbes, les sapins sont des plaidoiries, les cyprès des accusations, le romarin est une chanson, le laurier une prophétie. »
Trois chevaux, Erri de Luca
À lire – Erri de Luca, Itinéraires, Gallimard, coll. « Quarto », 2023.
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