Dans un monde obscur battu par les pluies, le jeune Yorsh, dernier des elfes (race exterminée par les humains qui en ont peur), a dû fuir son village dévasté. Un homme et une femme vont le conduire jusqu'aux terres du dernier dragon, en prenant tous les risques car c'est interdit par la loi de se trouver en présence d'un elfe. Là, il doit accomplir une ancienne prophétie en devenant le gardien du dragon. Mais c'est sans savoir qu'une autre prédiction l'attend encore, qui l'entraînera plus loin.
Je rends quand même tout de suite justice à la plume de Silvana de Mari : le texte est fluide, l'écriture est bonne (ici, la traduction), le tout s'enchaîne plutôt bien, tout est clair et on peut plonger facilement dans l'histoire.
Cependant, ce qui fait que je n'ai absolument pas accroché, c'est sa reprise des figures fantastiques. Elle a essayé d'insuffler à ses personnages ultra classiques, de nouvelles personnalités, qui pourraient les démarquer des figures qu'on a l'habitude de voir. Mais, pour moi, elle a été trop loin.
Je me représente les elfes comme des êtres majestueux, d'une suprême intelligence (ce qui en fait des êtres un peu/beaucoup, imbus d'eux-mêmes), possédant une magie hors du commun mais délicate, et étant très proche de la nature (ce qui leur permet d'avoir une très grande sensibilité émotionnelle et une grande force de compassion envers tous les êtres vivants). Cette représentation est tenace et on la retrouve dans tous les grands classiques, littéraires ou cinématographiques. Avec des petits changements de-ci de-là pour varier les plaisirs. Mais Silvana de Mari a ici touché à ces fondements, d'un peu trop près.
Yorsh, le jeune elfe est un être capricieux et qui ne comprend absolument pas le monde qui l'entoure. Dans toutes les représentations d'elfes que je connais, même si ces êtres vivent différemment des humains, ils connaissent la façon de vivre de ces derniers et ne se formalisent donc pas forcément des écarts de comportements qu'il peut y avoir entre les deux peuples. Ici, Yorsh, non seulement ne comprend pas au premier abord ces différences, mais ne les acceptent pas par la suite et fait des sortes de crises pour obtenir que les humains se conforment à sa pensée. Il faut se visualiser qu'au début du récit, Yorsh ne doit pas avoir plus de 4 ans. Cependant, pour moi, l'intelligence des elfes se déclare très rapidement, leur empathie également et jamais je ne verrais un elfe réagir comme le fait Yorsh, si jeune soit-il. D'autant plus que son âge n'excuse rien puisqu'en grandissant et en devenant adolescent, il ne s'améliore pas du tout.
On peut prendre comme exemple plus précis un comportement typique d'elfe. Etant très proche de la nature, étant capable de ressentir les émotions de n'importe quel être vivant, Yorsh ne mange surtout pas de viande. Seulement, il fait des crises quand il voit ses compagnons humains tuer un animal pour se sustenter, au point que ceux-ci se retrouvent dans l'interdiction de manger leur butin (que le petit elfe s'empresse d'ailleurs de réanimer). Les deux humains continuent donc d'avoir faim car ils ne trouvent rien d'autre à manger. L'empathie de l'elfe s'arrête donc aux animaux et ne s'étend pas à des êtres pourtant plus proches de lui, les humains. Il ne peut pas comprendre qu'eux ont besoin d'animaux pour se nourrir. Tant pis s'ils ont faim. Cet aspect d'empathie totalement loufoque m'a complètement dépassée.
Mais le comportement des humains aussi est irréel. Ils pouvaient tout aussi bien passer outre les crises du jeune elfe. Crises qui de toute façon duraient encore longtemps après le « meurtre » de l'animal, donc finalement autant le manger, la crise n'en aurait pas forcément était plus grave. Les deux humains qui rencontrent Yorsh n'ont donc aucune fierté et se laissent totalement amadouer par une pauvre petite créature très énervante…
En ce qui concerne les autres personnages, ça peut aller. D'autant plus qu'ils ne sont pas forcément très développés. Cependant, l'un d'entre eux m'a encore chiffonnée : le dragon. La représentation classique en est un animal majestueux, puissant, traversant les siècles, dont la mémoire se déverse dans ses descendants, ce qui en fait un être d'une extrême intelligence, très imbus de lui-même, arrogant, parfois cruel, s'estimant supérieur à tous. On a l'habitude de ce personnage-là, même avec des variantes, même s'il peut être plus gentil que ce portrait.
On rencontre deux dragons dans ce roman. le premier est geignard, faible, chochotte. On comprend pourquoi au bout d'un moment, mais j'ai tout de même trouvé cette représentation grotesque. J'ai également trouvé grotesque que Yorsh n'ait aucune compassion pour les humains et que ces derniers soient à sa botte, tandis qu'avec le dragon, le petit elfe se laisse totalement dominer (alors qu'il pourrait s'en aller et le dragon ne lui ferait même pas de mal) et les rôles sont inversés. Incompréhensible.
Le second dragon, dans une moindre mesure est geignard également (surtout quand monsieur doit marcher au lieu de voler). Mais surtout c'est son changement radical de comportement entre son état de bébé et son état d'ado qui m'a choquée. Je ne peux pas en dire plus ici, sinon je spoile tout, mais le retournement de situation est incompréhensible.
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