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sur 2392 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Non, rassurez-vous, je ne vous ferai pas l'affront de vous raconter, comme si vous l'ignoriez, l'histoire de Robinson Crusoé (parfois orthographié Crusoë, comme pour le mot canoë, mais bref, on s'en fiche, dans l'original anglais, il n'y avait pas d'accent et l'auteur cherchait juste à faire rimer le nom de son héros avec son propre patronyme). Je me souviens toutefois que Jack London avait cette formule : « Le vrai n'est parfois pas vraisemblable. » Il entendait par là que pour écrire un roman crédible, il fallait parfois amoindrir la réalité, la déformer, la remodeler, l'approcher un peu d'une forme de normalité attendue, car quiconque n'ayant pas vécu la chose la jugerait sans quoi incroyable, au sens de « pas digne d'être crue ».

Daniel Defoe s'est ainsi rendu célèbre en mettant la main sur une histoire proprement incroyable, dont il rendit un récit affadi, alourdi, abâtardi mais pourtant tellement détonnant, par rapport à ce qui s'écrivait à l'époque — le livre parut en 1719 —, qu'il eut malgré tout le succès phénoménal et la postérité que nous lui connaissons : Stevenson aurait-il écrit son Île au trésor sans Robinson Crusoé (je pense notamment très fort au personnage de Ben Gun et à la mutinerie) ? Swift son Gulliver ? Marivaux son Île des Esclaves ? Tournier son Vendredi ou les limbes du Pacifique ? Bernardin de Saint-Pierre son Paul et Virginie ? Et combien, combien d'autres encore ?

(Rousseau considère dans Émile que c'est le seul livre digne d'être présenté à un enfant encore jeune que l'on souhaite éduquer ; Maupassant l'évoque également mais pour en dire qu'eu égard à son côté consensuel, c'est à peu près le seul roman que vous pouvez lire sans qu'un oeil inquisiteur ne vous taxe jamais de dépravation.) Et je ne parle même pas des multiples adaptations cinématographiques et déclinaisons diverses dont Tom Hanks et Hollywood ont su tirer quelques substantiels bénéfices.) Colossal ensemble, donc — si l'on y adjoint les publications jeunesse — qu'on nomme d'ailleurs maintenant des « robinsonnades ».

Indubitablement, ce roman a valeur de mythe, comme Dom Juan, comme Frankenstein, comme Faust, comme Don Quichotte et quelques autres qui jonchent l'histoire littéraire et culturelle du monde occidental. Mais quelle est, au juste, la valeur de ce mythe ? La rédemption par l'ascèse, une forme de retour à la sagesse, aux vraies valeurs et au droit chemin PAR la nature et SANS la société, une forme de retour au paradis perdu, presque, pas très différente, sans doute, des aspirations à la condition d'ermite. C'est aussi l'apologie de la survie dans l'adversité. Ça vous parle, non ?

C'est en effet très à la mode aujourd'hui, et le succès populaire (et qui fait long feu !) d'un programme tel que Koh-Lanta a sûrement quelque chose à voir avec cela. Defoe avait-il perçu tout ça ? J'en doute fort et les malheureuses suites qu'il a voulu donner à son roman, fruit de l'enthousiasme suscité par sa publication, attestent du fait qu'il n'avait absolument rien compris de ce qui en faisait l'essence et le succès.

Car Defoe n'est que le fade interprète, le fortuit géniteur, d'un mythe qui lui était préalable et fort éloigné. le « véritable » Robinson Crusoé, à savoir le têtu marin écossais Alexander Selkirk, avait d'autres visées, d'autres idéaux, d'autres codes de conduite, d'autres buts dans la vie que le cupide commerçant, citadin et volontiers politicard qu'était Daniel Defoe.

Contrairement à l'auteur, Selkirk se souciait fort peu de politique, c'était une forte tête, un querelleur, une trempe sans incrustation, un gars qui disait sans détour ce qu'il pensait et qui se souciait peu de froisser durablement ses interlocuteurs, fussent-ils de la police, ou fût-il embarqué avec lesdits interlocuteurs sur un navire à l'autre bout du monde. C'est ce qui lui valut le luxueux privilège d'être débarqué tout seul sur une île rocailleuse et inhabitée de l'archipel Juan Fernandez, située à environ 600 km au large du Chili.

L'île, en soi, était suffisamment paumée pour s'y sentir bien coupé de tout, mais offrait cependant des dimensions — à la louche une quinzaine de kilomètres d'est en ouest et à peu près cinq kilomètres du nord au sud avec un littoral très tortueux et chaotique qui en décuple le périmètre — suffisantes pour s'y dégourdir les jambes, y trouver accessoirement à manger et n'en pas tout explorer en dix minutes chrono. Or Selkirk, en sa qualité d'à peu près pirate, en tout cas d'insoumis, n'était pas du style à s'en laisser compter ni à se déjuger : c'était le genre de gars qui assume ce qui lui arrive, surtout s'il l'a provoqué. Il fit preuve sur cette île d'un sens de la survie et de la débrouillardise qui enthousiasma Defoe au point qu'il voulût en narrer les exploits, mais en prenant soin d'en gommer les trop fortes aspérités, en en faisant un vieux monsieur, comme lui l'était alors, tandis que ledit Selkirk était bien plus jeune que Defoe au moment de l'écriture du roman.

Voilà pourquoi le narrateur de Robinson Crusoé est un si vieux bonhomme, un gars qui, de vaguement indiscipliné dans sa jeunesse, est devenu scrupuleux, aimable, affable, prudent, un brin peureux même, sage et pieux sur son île, passant son temps à ânonner les évangiles. Il est vrai que Selkirk n'avait pour seul bouquin qu'une bible et qu'il s'en faisait régulièrement la lecture afin de ne pas trop perdre son anglais, mais il n'était pas devenu sacristain pour autant, n'hésitant pas à se refaire pirate dès qu'il fut libéré par le passage d'un adorable flibustier dont il se fit plus ou moins l'ami et l'homme de main.

Defoe s'est également servi d'un authentique amérindien, Will, de l'ethnie des Mosquito, qui avait été débarqué sur l'archipel et abandonné par accident, qui, lui aussi, y avait survécu des années (c'était bien sur la même île, mais vingt ans avant Selkirk, que ce dernier ne rencontra donc jamais) pour forger son personnage de Vendredi. Cependant, il en fait une sorte de grasse caricature du bon sauvage : c'est très paternaliste, très dégoulinant de « mission civilisatrice », comme ça se disait et se pratiquait à l'époque (sans parler de commerce triangulaire, qui était la norme aussi à l'époque et auquel Defoe ne trouve rien à redire, nonobstant la soupe à la morale chrétienne qu'il nous sert sans arrêt dans l'ouvrage).

Pourtant, malgré tout le poussif dont l'auteur affuble cette remarquable histoire réelle, le roman demeure, plus de 300 ans après sa publication, d'une tenue et d'une fraîcheur qui méritent le respect. Certes l'auteur ne l'a pas fait exprès, mais le sujet était tellement bon, il résonnait si fort en chacun de nous, qu'il ne pouvait pas être gâté, même par les maladresses d'un Defoe en petite forme créatrice.

Cela reste donc, en dépit de tout ce que je viens d'en dire, un roman admirable, car sa matière première, celle qui provenait du destin particulier de Selkirk, en était exceptionnelle, luminescente et subjuguante, et en dépit de toute cette mélasse pro-religieuse et moralisatrice, des balourdises à propos de Vendredi et du retour en Europe (l'épisode des loups et de l'ours au pied des Pyrénées françaises est à pleurer de nullité), cela reste un très grand roman, dont Defoe a su maîtriser la narration, notamment dans la phase « découverte et débrouillardise » de l'oeuvre.

Je tiens à préciser aussi que Defoe, qui était un excellent connaisseur des récits de piraterie de son temps, aborde, par exemple, un élément fort peu mentionné ni repris par ailleurs et qu'on redécouvre de nos jours, à savoir la piraterie dite « barbaresque » (entendez par là du Maghreb). En effet, Robinson Crusoé se fait alpaguer au départ par un pirate de Salé (au Maroc), puis, vers la fin, un bateau en partance de Lisbonne n'arriva jamais en Angleterre en raison d'un équipage pirate algérien (Defoe écrit « Algerines » dans la version originale du roman, ce qui signifiait manifestement Algériens au sens d'Algérois). Ce n'est que très récemment que j'ai entendu parler de l'ampleur et de l'existence de cette vaste entreprise de piraterie sur plusieurs siècles et qui aboutit à la création rien moins que de l'US navy pour y faire face, rendez-vous compte !

Oui, on devrait relire plus souvent nos classiques car, typiquement, c'est le genre de roman qu'on a tous l'impression d'avoir déjà lu avant de l'avoir lu et qui, malgré tout, est toujours intéressant et surprenant à la lecture. Pour vous en convaincre, je vais vous proposer une question, exactement du même acabit que celles qu'une amoureuse des quiz sur Babelio vous concocterait avec gourmandise.

Question 1 : Quel est le prénom de Robinson Crusoé ?
a. Crusoé
b. Robinson
c. Bartholomew
d. Bob

Je sens que ça fume… Eh bien, je ne vais pas vous faire lanterner plus longuement, mais au risque de vous surprendre — et preuve qu'il n'est pas totalement inutile de le lire pour en avoir une vision précise — son prénom est Bob (mentionné une seule fois dans l'ouvrage). Robinson est le nom de sa mère et Crusoé une déformation de Kreutznaer, le nom de son père, natif des Pays-Bas, comme le propre père de Defoe, bien entendu.

Et maintenant, posons-nous honnêtement la question, si d'un coup, là tout de suite nous étions privés de notre informatique, de notre électricité, de nos maisons, de nos magasins, de nos moyens de transport, du secours même de demander du secours, que ferions-nous ? Qu'entreprendrions-nous pour assurer notre propre survie « into the wild », si j'ose écrire ? Si la réponse vous intéresse, alors je vous conseille la lecture de cet archi-classique en vous spécifiant une fois encore que ceci n'est que mon avis, seul au monde, échoué sur l'île bossuée de ma subjectivité, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Une oeuvre mythique, découverte à 10 ans, relue plus tard dans sa version originale, feuilletée sans cesse, qui fleure l'aventure et la débrouillardise, dans laquelle le thème de la solitude est aussi superbement traité, bref un classique incontournable à découvrir ou redécouvrir.

Robinson, c'est l'archétype du héros qui va survivre à tout prix, qui va même parvenir à aller au-delà de la survie, en perfectionnant l'agencement de ses installations, en améliorant son alimentation grâce à ses semis de légumes, à son utilisation des ressources que l'île met à sa disposition.

Bien sûr, son quotidien est aidé par la récupération de nombreux éléments du contenu du bateau naufragé, mais c'est son ingéniosité que Daniel Defoe développe dans le livre. Même s'il souffre de la solitude, il parvient à s'en accomoder, à admirer la nature autour de lui, la mer, installé confortablement dans son repaire.

Et puis arrive l'épisode des cannibales, le sauvetage de Vendredi et la vie qui s'organise à deux. Dommage que l'auteur insiste autant sur la supériorité de Robinson sur le sauvage, elle est évidente et incontestable. Mais, était-il nécessaire d'insister autant ?

La dernière partie du livre peut paraître moins passionnante, elle dégage néanmoins une pensée philosophique aboutie et démontre tout les travers de l'humain, même chez celui qui a subi exil et solitude, angoisse et désespoir. Robinson paraît avoir oublié son vécu ou alors il aurait eu un comportement différent.

L'ensemble reste un très bon roman où l'aventure côtoie la réflexion métaphysique et offre de très bons moments de lecture.
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Comment réussir vos vacances en naufrage ? Première fonction du livre : l'apologie du système D. La psychologie est assez inexistante. de nos jours, l'étude fait plutôt sourire, entre autres pour son puritanisme aussi. Robinson ne cesse de se repentir de ses aventures, d'avoir renié son père et Dieu. En ce qui concerne les sauvages, il y a d'abord le commerce triangulaire et ensuite l'éducation de Vendredi (le jour où Robinson l'a trouvé). À noter l'importance des dates que Robinson retient et mentionne scrupuleusement, ainsi que le fait que Defoe se soit inspiré d'une histoire vraie.
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C'est avec un peu d'émotion que j'ai relu les aventures de Robinson. 25 ans plus tard mon regard n'est certainement pas le même, mais c'est avec nostalgie que j'ai parcouru de nouveau ces pages.
Robinson n'était pas un innocent, il participait au commerce des esclaves, bizarrement j'avais occulté ce passage de la vie du héro.
Mais j'ai retrouvé le plaisir que j'avais ressenti au récit de la découverte d'un territoire vierge et de sa reconquête, de la survie de l'homme seul face à lui même.
J'ai certainement eu aussi un regard plus critique sur la relation de domination de Robinson sur le bon sauvage dont il fait la rencontre et qui est caractérisé par sa naïveté et son insouciante paresse.
Mais c'est l'esprit d'aventure toujours présent au long de l'ouvrage qui m'a de nouveau saisi et capté avec en toile de fond l'émotion de la jeunesse quelques instants retrouvée...
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J'étais persuadée d'avoir déjà lu Robinson Crusoé. Ah, bien sûr, j'ai avalé les réécritures de Michel Tournier et sans doute 2 ou 3 versions jeunesse. Mais j'ignorais tout de l'original dont les aventures ne se réduisent pas à sa longue reclusion sur une île qui d'ailleurs ne porte aucun nom. Oui, quand on s'aperçoit que Robinson vient d'être recueilli par un navire alors qu'on n'est qu'à grand peine à la moitié de ses aventures, on se dit que ça va être long. Et de fait, oui, on baille pas mal, surtout vers la fin.
Mais quand même ! La puissance du mythe est incontestable, d'autant plus qu'il naît dans ce qui pourrait s'analyser comme un condensé du Xviii ° siècle. Defoe reprend le canevas du roman picaresque (Un roman picaresque se compose du récit censément autobiographique d' un jeune homme en rupture de ban, vivant des aventures souvent extravagantes au cours desquelles il entre en contact avec toutes les couches de la société). Il y ajoute l'Encyclopédie: Robinson recrée le monde civilisé en reprenant toutes les techniques de son époque et que ce soit en matière de fromage de chèvre, de génie civil ou de création vestimentaire, il dresse un incomparable panorama du génie humain. À cela s'ajoute une longue réflexion sur la Providence par laquelle Robinson s'efforce de justifier son sort. Il attend un bateau et non pas Godot et pour ne pas devenir fou s'accroche à la rationalité. Bien sûr que son sort se justifie, qu'il mérite d'avoir été puni par Dieu, étant donné les épouvantables péchés par lui commis! Bon, le lecteur se dit qu'il s'est fait avoir et qu'on lui a sucré la description de toutes les turpitudes dans lesquelles son héros s'est vautré; mais, plus vraisemblablement, les péchés ne sont invoqués que pour que Robinson se sente appartenir au grand dessein divin et non expédié loin de tout tel une crotte de nez négligeable.
Mais ce qui fait surtout de Defoe un écrivain des Lumières, c'est l'égalité qu'il professe entre les hommes. Ben si. Oui, bien sûr, les Noirs sont des cannibales même pas fichus de respecter la syntaxe anglaise et Vendredi pose le pied de Robinson sur sa propre tête pour montrer sa pleine conscience de la supériorité de l'homme blanc. Faut pas rêver, ce livre a été écrit il y a 3 siècles. Mais Defoe a une capacité incroyable à dépasser bien des préjugés de son temps - et du nôtre. Par exemple, il explique que si le cannibalisme est vraiment horrible, ce n'est finalement pas pire que les crimes de l'Inquisition. D'autant plus que les sauvages ont le bon goût de ne manger leurs ennemis qu'après leur mort alors que les inquisiteurs ne manquent pas de les torturer avant! Parole de protestant en haine des papistes? Même pas: c'est à un prêtre français que Robinson confiera le soin de catéchiser son île.
Car après avoir recréé la civilisation à lui tout seul, Robinson observera comment l'homme fait société en retournant sur une île désormais habitée et partagée entre natifs, Anglais et Espagnols. Il est clair que l'île correspond à l'Eden où Dieu plus malin que la première fois a envoyé à son Adam non une Ève tentatrice mais un serviteur asexué (C'est sidérant de voir à quel point personne ne s'intéresse au sexe dans cette histoire). Quand la population de l'île s'accroît, Robinson se fait Dieu, envoie de l'aide et prêche la bonne parole, puis s'esquive et abandonne tout ce beau monde comme une espèce de mise en abyme de la création. Les mecs, je comprends que vous comptiez sur moi, mais j'ai autre chose à faire dit Robinson-Dieu en substance.
Robinson abandonne son île comme il a abandonné ses parents puis ses enfants et après avoir vécu à l'Ouest part à l'Est où là, je l'admets, s'étale un racisme décomplexé et du coup presque drôle contre les Japonais cruels, les Tatars brutaux et les Chinois prétentieux. Mais qu'est-ce qu'il leur passe aux Chinois ! D'ailleurs, dit-il, ils ne seraient même pas capables de défaire une ville comme Dunkerque...
Et le roman s'arrête, pourquoi là ? Si Defoe donne finalement une égale dignité aux sauvages et aux civilisés, il ne supporte pas ce qu'il considère comme un entre-deux autant éloigné de la nature que de la culture. C'est pourtant dans cet Est honni que Robinson prendra une leçon d'humilité : lui qui, après avoir chanté les vertus régénératrices de son île, s'en est tiré vite fait dès qu'il l'a pu, a rencontré un exilé à qui il offre la possibilité de revenir chez lui. Mais l'exilé a chanté les vertus du renoncement et s'y tient: lui reste dans sa prison.
La toute dernière partie du livre est donc bien détestable : Robinson y renie son refus du fanatisme, il a troqué sa caravelle pour une caravane et son aventure sombre dans la mauvaise foi. Il était temps que ça s'arrête.
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Je n'avais jamais lu ce grand classique du roman d'aventure. Oubli réparé.
J'ai bien fait car j'ai vraiment apprécié.
D'abord, les aventures de Robinson sont vraiment rocambolesques. Avant de lire le livre, je pensais que cela se limitait à un naufrage et un isolement sur une ile. Mais pas du tout ! Ce cher Robinson vit plein d'autres aventures tout aussi épiques.
Ensuite, j'ai aimé la relation qu'il établit avec Vendredi. Si on la replace dans le contexte de l'époque, on se rend compte combien Daniel Defoe avait des idées et des conceptions avant-gardistes. Cela fait du bien, surtout à moi qui vient juste de lire "Voyage au bout de la nuit" dans lequel Céline ne considère pas les blacks en égaux, loin de là.
Bref, j'ai passé un bon moment, très divertissant.
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Bien calée dans le sable d'une plage battue par les vents, j'ai lu Robinson Crusoé. Surprise qu'il date autant (1719), je me réjouis immédiatement de l'écriture confortable qui en découle, et prends la mer avec le héros (inspiré d'un personnage réel). Robinson est un aventurier dans l'âme : Il a tout sur le continent pour vivre comblé mais, contre les avertissements de ses parents, il décide de prendre le large. Sauf qu'il se repentira de ne pas avoir su apprécier ce qu'il avait, car tout va lui être enlevé. Une succession de péripéties en mer aurait pu lui faire entendre raison, mais Robinson a soif de liberté et d'aventure. Lorsqu'il repart en mer, son navire est pris dans une tempête. Tout le monde périt sauf lui, bon nageur que le hasard ou la providence va échouer sur une île… plus ou moins déserte.


Il va y rester presque 30 ans. Pourtant, aucune longueur dans le texte de Defoe. On se prend au jeu au contraire : on se cherche un coin sur l'île où être abrité tout en pouvant surveiller d'éventuels bateaux, puis on vide l'épave du navire pour sauver de quoi vivoter un temps. On se construit un nid douillet, on le fortifie contre d'éventuels envahisseurs bestiaux ou humains, on finit par regretter qu'aucun envahisseur ne vienne nous tenir compagnie, on tombe sur une vieille bible dans une vieille caisse et on renoue avec Dieu ; on apprend à apprécier ce que l'on a : être en vie sur une île fournissant à boire et à manger, c'est déjà tellement extraordinaire ! Alors on chasse, on cultive, on apprend à se faire du pain et puis du beurre, on s'invente des barbec' à la broche et, par nécessité, on s'initie à la poterie. On se forge un troupeau de chèvre, on apprivoise Poll le perroquet pour qu'il nous fasse un peu la conversation. Et l'on continue de méditer sur le destin et d'invoquer le réconfort de Dieu, qui jusqu'alors n'était pour nous qu'un vague concept…


On a tout le temps pour fabriquer un bateau mais le manoeuvrer seul dans ces courants est impossible. Pourtant, le bout d'île que l'on aperçoit au loin est tentant. Et effrayant aussi : si elle était peuplée de ces sauvages cannibales dont la côte regorge ?
Les années filent, on coche les jours ; plus de quinze ans déjà et… Mais que vois-je ? Une empreinte de pas plus grande que la mienne …?!…


*****

Même si l'histoire est connue, j'ai redécouvert certains « détails » déformés par le dessin-animé de ma jeunesse « Flo et les Robinsons suisses », comme l'apparition de Vendredi, la découverte d'ossements dans une crique, etc…
Il y a peu, je vous disais qu'« Au nom du Japon » m'avait déçue car on ressortait de cette lecture sans savoir ce que le soldat japonais avait bien pu faire concrètement de ses trente années sur l'île. Dans Robinson au contraire, on éprouve avec le personnage le contenu de ce temps élastique. Les petites aventures du quotidien, des explorations aventureuses, quelques rencontres inattendues, et de grandes frayeurs ponctuent le récit.


La démarche n'est pas celle d'un retour à la nature volontaire et militant comme avec Thoreau ou Abbey. Mais on y retrouve, une fois qu'on y est, l'apprentissage puis l'acceptation de la solitude, ainsi que la valeur du travail autant pour survivre que pour s'occuper et vivre dans le présent.
Et ne pas devenir fou. Car on imagine que trente années de solitude forcée doivent finir par peser. Cependant, même retourné à une sorte de vie sauvage, Robinson ne semble jamais faire l'objet de pulsions comme dans certains autres romans (« sa majesté des mouches », « l'île », etc…) : il n'est jamais question de femmes, jamais d'envie de mourir mais au contraire une volonté farouche de vivre, même si c'est pour rester seul sur l'île ; et jamais non-plus d'envies de meurtres même après trente ans de vie sauvage : Quelle que soit la créature, il ne tuera toujours que par nécessité et avec respect.


Qu'est-ce qui protègera Robinson de tout cela, à part son flegme britannique ? Probablement sa redécouverte de la vieille bible, qui l'invite à méditer sur le concept de possession quand on n'a presque rien, de chance dans un malheur qui aurait pu plus mal tourner, et de signes du destin prouvant que Dieu ne l'a pas abandonné, et qu'il n'est pas seul. Les pires moments ne sont-ils pas souvent les plus propices pour se raccrocher à la foi ? Il retrouvera ainsi l'émerveillement de ce que la vie nous prodigue et qu'on ne voit pas toujours. Pour autant la religion n'y est présente qu'en tant que faisant partie intégrante de notre société, mais il s'agit d'un roman d'éducation au sens plus large, d'évasion et d'aventure. Etrangement d'ailleurs, une notion ne quittera jamais Robinson malgré toutes ces années : celle de propriété, de possession ; et celle de « cheffer ».


Une (re)découverte idéale pour les vacances estivales !


« Le plus haut degré de la sagesse humaine est de savoir plier son caractère aux circonstances et se faire un intérieur calme en dépit des orages extérieurs. »


Je vous fais des bises salées et m'en retourne à mon yoga sur la plage !
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A la différence notoire des autres oeuvres suivantes que Daniel DEFOE écrira après "Robinson Crusoé", cet ouvrage a acquis une dimension quasiment mythique au point d'être rapidement devenu un classique de la littérature mondiale.
Quel enfant n'a pas été sous le charme de l'émerveillement dans la description de l'île ou Robinson s'échoue ? Qui n'a pas été ému en s'imaginant tel le héros, perdu et seul au monde dans un décor paradisiaque dont il ignore tout et face auquel il doit au quotidien s'apprivoiser ? Et que dire de la "rencontre" fortuite avec le "Sauvage" ?
Ce roman a émerveillé bien des générations et continue de faire rêver encore aujourd'hui.
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On ne présente plus Robinson Crusoé. J'ai ressorti ce classique pour le lire avec mon fils de 7 ans. Littérature un peu complexe pour ce jeune âge avec son langage un peu désuet mais mon fils a apprécié sa lecture du soir. On se laisse vite embarquer par les aventure de Robinson Crusoé.
Pour la maman, c'est une lecture agréable, très facile à lire. Un récit d'aventures humaines où l'homme va devoir se réapproprier la nature pour subvenir à ses besoins primaires. Etre perdu sur une île paradisiaque et déserte peut sembler idyllique à première vue. Mais Robinson Crusoé nous prouve qu'il faut s'armer de patience, d'ingéniosité pour dompter ne serait-ce qu'un peu cette nature sauvage.
Enchantée d'avoir relue les aventures de Robinson et de les avoir partagées avec mon fils.
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Dès notre plus tendre enfance, notre imaginaire est nourri de contes, légendes et histoires dont on a parfois du mal à connaître l'origine mais qui finissent par nous être si familières qu'on se retrouve tout étonné, lorsque parvenus à l'âge adulte, nous redécouvrons ces personnages et aventures fabuleuses et que nous nous apercevons à quel point ces petites histoires que l'on croyait enfantines sont riches en enseignement et bien plus complexes qu'elles ne le laissent paraître.
Robinson Crusoé fait partie de ces mythes littéraires qui font la richesse de notre patrimoine culturel mondial. Précurseur d'un genre , la vie de cet aventurier fictif créé par Daniel de Foe a inspiré par la suite nombre d'autres récits, films et oeuvres en tout genre que l'on a coutume de désigner sous le nom explicite de « Robinsonnades ». Les exemples sont légion mais parmi les plus célèbres on peut citer le Robinson Suisse de Johann David Wyss, Sa Majesté des Mouches de William Golding, L'Île mystérieuse de Jules Verne et la célèbre réécriture Vendredi ou les limbes du Pacifique par Michel Tournier.
Je me souviens qu'en classe de 5ème, ma professeur de français avait choisi de nous faire étudier la version pour enfants du roman de Michel Tournier : Vendredi ou la vie sauvage. Et je me rappelle à quel point j'avais été déçue de ce choix car « je connais déjà l'histoire euh ! Moi je veux lire Fantômette !». Plus de vingt ans après et sur les conseils insistants de mon mari, j'ai voulu revenir à la source et redécouvrir les aventures de Robinson Crusoé par Daniel de Foe.
Je sais qu'il existe une traduction toute récente du roman, néanmoins j'ai lu celle qui faisait foi depuis le XIXème siècle c'est-à-dire la traduction de Petrus Borel que j'ai beaucoup appréciée malgré quelques tournures étonnantes ( apparemment le style de De Foe n'a pas été respecté) et les quelques coquilles que comportait mon édition. A ce propos, j'ai lu une édition poche GF-Flammarion vieille de vingt ans et pourtant le livre est comme neuf, les pages sont toujours d'un blanc éclatant, je ne peux pas en dire autant de mon édition du même âge d'Une vieille maîtresse de Barbey d'Aurevilly chez Folio … ( les éditions GF-Flammarion sont définitivement mes éditions poche préférées !)
Premier constat, je me suis rendue compte que j'ignorais complètement ( ou avait complètement oublié ?) quelle avait été la vie de Robinson avant le naufrage et son arrivée sur l'île c'est-à-dire de quel milieu social il était, quelles étaient les raisons de son voyage en mer et quelles étaient les circonstances du naufrage etc … Et j'ai donc découvert un jeune homme de condition moyenne que son père souhaitait voir prendre le même chemin que lui : celui d'une vie douce et tranquille, certes modeste mais à l'abri des vicissitudes de la pauvreté et de l'ambition. Mais la jeunesse est folle et veut voir le monde, Robinson fait peu de cas des désirs et des avertissements d'un père au discours prophétique et fuit le foyer familial. Ses premiers pas chaotiques sur les ponts des navires sont bien près de le faire revenir à la raison et par là même à la maison. Mais la jeunesse est folle et surtout entêtée. Robinson persiste dans sa voie maritime, traverse moultes péripéties qui sont pour le personnage autant de mauvais présages et pour le lecteur autant d'occasions d'appréhender la mentalité de l'époque ( nous sommes au XVIIème siècle) que de s'en offusquer. Ne serait-ce qu'à travers les raisons qui poussent Robinson à effectuer le voyage au cours duquel il fera naufrage. Seul rescapé de la catastrophe, Robinson nage jusqu'à une île déserte et doit alors organiser sa survie.


Critique très longue donc suite (pour les courageux) sur le blog :

http://cherrylivres.blogspot.fr/2015/06/robinson-crusoe-daniel-de-foe.html
Lien : http://cherrylivres.blogspot..
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