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Louis Valentin (Collaborateur)
EAN : 9782070427529
210 pages
Gallimard (13/02/2003)
3.56/5   81 notes
Résumé :
Les créateurs ont-ils le droit d'engloutir et de désespérer tous ceux qui les approchent ? Celle qui pose cette question difficile s'appelle Marina Picasso. Petite-fille du génie. Fille de Paulo, décédé. Sœur de Pablito, mort en avalant une dose d'eau de javel. L'art est souvent étroitement mêlé à la mort. Quelle autre œuvre que celle de Picasso illustre aussi bien cette union douloureuse ? Q... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (22) Voir plus Ajouter une critique
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"Les créateurs ont-ils le droit d'engloutir et de désespérer tous ceux qui les approchent ?
Leur quête d'absolu doit-elle passer par une implacable volonté de puissance ? Leur oeuvre, fût-elle lumineuse, mérite-t-elle un aussi grand sacrifice de vies humaines ?"(p. 15 / Folio Gallimard, 2018)

Un récit fort , bouleversant, épuré, sur le grand Homme rédigé par sa petite -fille, Marina Picasso, de longues années après... les souffrances et les chocs de sa jeunesse !.

Une lecture qu'un ami vient de m'offrir...Ami avec qui j'ai partagé des années communes de "libraire" aux Musées Nationaux !

Un récit lu quasiment d'une traite... des mots d'une adulte blessée qui a dû passer plus de 10 années, en analyse, pour évacuer les trop violentes souffrances d'enfant, face à un géant de grand-père, centré sur son art, se nourrissant de ses proches pour son parcours d'artiste...Un hommage très tendre à une grand-mère adorée, Olga... et surgissent dans mes yeux, les extraordinaires portraits d'Olga, la première femme de Picasso,que ce dernier immortalisa, tout en la rejetant ensuite, dans une détestation grandissante et l'oublia, sans que celle-ci n'exprima un mot négatif à son encontre... en présence de son fils, Paulo, ni ses petits-enfants, Marina et Pablito...

"Pourquoi n'ai-je pas compris que Picasso était indifférent à tout ce qui n'était pas son oeuvre ? le coeur de sa vie n'était ni Pablito, ni moi, ni mon père, ni ma mère, ni Olga, ma grand-mère, ni les femmes qui sont mortes pour lui. Une seule chose comptait: la peinture et rien d'autre. Pour créer, il lui fallait anéantir tout ce qui gênait sa création. "Un tableau" , disait-il à Christian Zervos, le fondateur de la revue -Cahiers d'art-, " un tableau est une somme d'additions. Chez moi, un tableau est une somme de destructions. " (p. 94)

Il est toujours extrêmement complexe et ambigu de lire des histoires familiales douloureuses de personnes célèbres... là, on ressent si fort les douleurs insupportables de la petite Marina, en relation fusionnelle avec son frère "siamois", Pablito, qui se suicidera très jeune, le jour même de la mort de Picasso...Tous ces morts, ces existences finissant dramatiquement... Quel prix à payer pour l'oeuvre et le sacre du Grand Homme !!!

Troublante et dérangeante histoire qui donne la part d'ombre d'un artiste de génie...narcissique et obsédé par son oeuvre, au détriment des êtres les plus proches... qu'il a dévorés sur son passage !

"A aucun moment l'ensemble de ma famille n'a pu se soustraire à l'étau de ce génie qui avait besoin de sang pour signer chacune de ses toiles: le sang de mon père, de mon frère, de ma mère, de ma grand-mère, le mien et celui de tous ceux qui, croyant aimer un homme, ont aimé Picasso." (p. 15)

Marina, pour sa grand-mère vénérée, Olga, son frère adoré disparu tragiquement... parviendra à transformer les ruines , en champ d'espoir, à aider les enfants du bout du monde...à créer une vraie famille aimante, des enfants à elle et trois enfants vietnamiens adoptés...
Un beau parcours de vie, de résiliente....Une Renaissance, une Reconstruction qui forcent l'estime et l'admiration face à cette femme qui a transformé en lumière éclatante les ombres si pesantes du passé !
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Marina Picasso après de longues années d'analyse pour guérir d'une douleur étouffée depuis l'enfance, fait dans ce récit un retour sur son passé tragique. Bien évidemment, les détracteurs pourront en dire qu'il s'agit là d'une affaire de famille et qu'il y a là un petit côté malsain à regarder par le trou de la serrure ; mais il me semble que ce récit, hors le fait qu'il lui a été dicté sans doute à dessein d'exorcisme supplémentaire pour elle, doit être regardé avec distance. Bien sûr son témoignage est bouleversant, et le premier mouvement est de prendre partie : « quel sale type quand même ! » car quoi de plus terrible et choquant que la détresse d'un enfant qui cherche désespérément sa part d'amour... Bien sûr certains passages vous coupent le souffle et forcent l'incrédulité sinon la colère devant tant de cruauté :" - Monseigneur ne veut pas qu'on l'ennuie.Tête basse, nous rebroussions chemin. Grand-père appartenait aux autres. Il n'était pas pour nous.Nous n'arrivions pas à comprendre pourquoi tant de gens l'admiraient. A t-on le droit d'admirer une personne qui refuse sa porte à des enfants ?"
Mais petit à petit, Marina pose et se pose, au fil de son analyse, les vraies questions : "Les créateurs ont-ils le droit d'engloutir et de désespérer tout ceux qui les approchent ? Leur quête d'absolu doit-elle passer par une implacable volonté de puissance ? Leur oeuvre, fût-elle lumineuse, mérite-t-elle un aussi grand sacrifice de vies humaines ?"
Voilà me semble-t-il toute la question que pose ce récit.

Et, comme l'avait prédit le maître: «Quand je mourrai, ce sera le naufrage; beaucoup seront aspirés par le tourbillon»
Effectivement, Pablito le frère de Marina s'est suicidé deux mois après les obsèques de Picasso. Leur père est mort de son alcoolisme peu de temps après. Parmi les compagnes de Picasso, Marie-Thérèse Walter s'est pendue en 1977 et Jacqueline Roque sa deuxième épouse s'est tiré une balle dans la tête en 1986. Dora Maar est morte dans la misère au milieu des toiles de Picasso qu'elle refusait de vendre afin de garder pour elle seule sa présence. C'est beaucoup de dégâts j'ai envie d'ajouter à la gloire d'un seul homme !

Mais malgré tout, malgré autant de souffrance et peut être à cause de tant de souffrances, Marina un peu réconciliée avec son passé à pu prendre la mesure des parts de chacun dans son histoire et sinon pardonner, du moins laisser à son grand père celle qui lui revient : “A travers le prisme de mon père, il était méprisant et avare. A travers celui de ma mère , il était pervers et insensible. Jacqueline, avec ses “Monseigneur”, nous assénait le coup de grâce. ... Nourrie de cette légende, je l'ai longtemps tenu pour seul responsable de notre détresse.” .... Aujourd'hui – et c'est pour cette raison que j'ai voulu ce livre- je découvre que mon grand-père nous a été volé. Alors que nous aurions pu glisser librement dans sa vie..."
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J'ai été sensible à ce récit. Poignant. MP a visiblement réussi à s'affranchir d'un héritage familial toxique. Lourd. Elle s'est donnée de la peine. Ecrire pour ne pas subir. Elle avait besoin de faire la paix avec elle-même: de comprendre. L'effort de comprendre. Dépasser l'émotion, faire face, oser parler ouvertement de la souffrance familiale, cachée, étouffée, quitte à ternir, égratigner une image, un poncif médiatique, un tabou. MP a su se réapproprier, comme on dit, son histoire. Elle s'exprime sans pathos, en femme équilibrée. Apaisée. Elle est pertinente. Convaincante. Elle parle de son grand-père avec bon sens. Bon sens qui, comme on le sait, n'est pas la chose la mieux partagée au monde, loin de là, et qui n'exempte pas les artistes. Son récit sonne juste, il est recevable, parfaitement entendable. Une histoire vécue et vieille comme le monde .. .
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Depuis la mort de Picasso, beaucoup de vrais traits de caractère de ce monstre sacré ont été découverts et je pense que le récit de Marina, bien que subjectif, contient une grande part de vérité.
Que de souffrances a dû endurer sa famille, ultra complexe du fait des nombreuses femmes et enfants légitimes ou illégitimes
qui ont fait partie de sa vie.
On peut ainsi se demander comment un homme qui avait adulé son fils enfant a pu le rejeter adulte en lui interdisant d'exercer les métiers qu'il aurait aimé exercer, en le traitant comme un serviteur.
Avait-il peur qu'il lui fasse de l'ombre?
Il n'y avait peut-être de place que pour un seul Picasso.
Vraisemblablement, ses passions ne permettaient pas à Picasso d'aimer autrui.
Seul lui pouvait l'être, tout en dédaignant ceux qui tentaient de lui manifester un peu de tendresse.
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Quelle déception pour quelqu'un comme moi qui aime les oeuvres de Picasso de découvrir un homme tel qu'il est décrit dans ce livre ! Même si l'idée générale du livre n'est pas vraiment quelque chose de nouveau pour moi, puisque j'ai eu l'occasion d'écouter des reportages sur Picasso ou d'autres dans lesquels intervenait Marina Picasso.

Mais alors que l'on imagine que les gens qui ont de l'argent doivent faire le bonheur autour d'eux, en fait ici on se rend compte qu'au contraire ils détruisent les autres.
Est-ce un besoin inconscient du créateur qui ne peut réaliser son oeuvre qu'en détruisant ceux qui l'entourent, auprès de qui il puisse sa source, son énergie, son inspiration peut être aussi.

On ne peut que souffrir de ces souffrances vécues par les enfants et les petits enfants du maître. Mais on peut s'étonner aussi de leur manque de réaction. En fait, ici j'ai l'impression que l'artiste à un tel charisme que nul n'ose s'en séparer, s'en détacher, tout en sachant qu'il détruit ceux qui l'aiment, ceux qui on aussi besoin de lui que lui à sans doute besoin d'eux. Impossible de s'éloigner, tout en sachant que Picasso détruit leur vie et celle de leurs proches. Et puis j'ai aussi l'impression qu'il exerce une telle attraction sur les êtres que chacun cherche à le garder pour soi, au risque de le détruire : N'est-il pas obligé lui aussi de se construire une personnalité insensible, dure, pour pouvoir poursuivre sa création, mener à bien son oeuvre envers et contre tous.
Impossible pour un géant de vivre normalement ?
Impossible s'il décide aussi de vivre de cette façon, au mépris des sentiments, des besoins, des autres.

Il semble bien difficile de vivre à l'ombre de Picasso, comme elle nous le dit, presque tous ceux qui l'ont côtoyé et tant admiré, aimé, sont morts dans la douleur de sa perte ou bien ont été détruits par sa présence, mais aussi et surtout par son absence dans leur vie.

On dirait que Marina avait besoin de ce livre, au même titre que de son analyse, pour faire son deuil de ce grand-père si présent, si exclusif, pour renaître de sa douleur, de la perte de ceux qu'elle aimait tant.
J'ai eu l'impression qu'elle avait également besoin du regard des lecteurs pour finir son travail de deuil, un peu comme si nous étions là pour donner un sens à sa douleur, pour l'excuser puisque la puissance du maître est si présente que nul n'aurait pu y échapper, alors pourquoi elle ou Pablito auraient-ils pu y arriver mieux que les autres : le lecteur devient témoin, mais aussi celui qui valide les faits, qui leur donne leur raison d'être.

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Citations et extraits (55) Voir plus Ajouter une citation
Ma mère a toujours pensé qu'être la belle-fille de Picasso relevait du droit divin. Elle n'a jamais pensé à ce qu'on serait plus tard puisqu'une bonne étoile avait fait de nous des Picasso comme elle.
Picasso était devenu l'image essentielle de sa vie. Elle ne voyait que par lui, ne pensait qu'à travers lui, ne parlait que de lui : aux commerçants, aux gens qu'elle croisait dans la rue même si elle ne les connaissait pas.
"Je suis la belle-fille de Picasso."
Un trophée, un passe-droit, un prétexte à toutes les excentricités.
Je me souviens encore de la honte que j'éprouvais lorsqu'en été, à la plage, elle venait en bikini argenté ou doré, au bras d'un éphèbe de quinze ans son cadet, de mon humiliation lorsque, toute jeune adolescente, je la voyais apparaître en mini-jupe à une réunion de parents d'élèves en compagnie d'un blanc-bec guère plus âgé que moi, des efforts que je devais faire pour l'appeler Mienne - le diminutif d'Emilienne - parce que ça faisait plus jeune et style américain, de la peur que j'avais lorsqu'elle ouvrait la bouche, du malaise que je ressentais lorsqu'elle expliquait la peinture de Picasso, elle qui n'avait jamais vu un catalogue ni même une brochure des oeuvres de mon grand-père.
Son discours variait selon les gens qu'elle rencontrait. Lorsqu'il s'agissait de personnes qu'elle connaissait à peine, elle hissait Picasso sur un piédestal : "Mon beau-père est un génie. Je l'admire et je sais qu'il m'apprécie beaucoup." Avec ceux qui étaient plus intimes, sans retenue, elle racontait toutes nos difficultés : "Vous rendez-vous compte qu'avec toute sa fortune, ce salaud nous laisse sans un sou."
Les gens riaient. Les gens rient toujours quand ces choses-là arrivent aux autres.

Je ne me souviens pas que ma mère nous ait raconté des histoires comme Le Petit Chaperon rouge ni qu'elle nous ait amenés faire un tour de manège. Je sais seulement qu'en dépit de toutes ses dérives pathologiques, elle était la seule à nous protéger. A part elle, personne ne voulait de nous dans cette famille. En dépit de sa folie des grandeurs et de ses turbulences, elle nous apportait la chaleur de sa présence, de son parfum de mère, de sa voix, de ses rires, même s'ils étaient le plus souvent forcés. Elle nous offrait la niche de l'appartement avec tous ces repères affectifs qui peuplent une petite enfance : la bouilloire qui chante sur le feu, la table de la cuisine et sa toile cirée, l'eau de l'évier qui goutte, la chaise chancelante sur laquelle "il ne faut pas s'asseoir", le bouquet desséché dans son vase, le cocon de cette chambre bleue ou Pablito et moi pouvons nous isoler : trésors incomparables lorsqu'on est orphelin.
Pour le reste, avec les moyens du bord qui lui étaient offerts, elle a fait ce qu'elle a pu.
Ce n'était pas génial.
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Lorsque notre grand-mère Olga s'en est allée, ni Pablito ni moi n'avons pleuré. Notre désarroi était au-delà des larmes. (...)
Ses pinceaux ne lui ont-ils jamais rappelé à quel point elle était magnifique et royale lorsqu'elle posait pour lui ? Egoïsme, avarice de coeur, lâcheté, barbarie, pourquoi l'a-t-il reniée après l'avoir tant de fois glorifiée sur ses toiles : - Olga à la manille, Olga au col de fourrure, Olga lisant, Olga pensive et tant d'autres Olga dont cette Olga dans un fauteuil qui illumine le hall de ma maison, vestale noble et énigmatique qui veille sur ma vie et celle de mes enfants. (p. 74)
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A aucun moment l'ensemble de ma famille n'a pu se soustraire à l'étau de ce génie qui avait besoin de sang pour signer chacune de ses toiles: le sang de mon père, de mon frère, de ma mère, de ma grand-mère, le mien et celui de tous ceux qui, croyant aimer un homme, ont aimé Picasso. (p. 15)
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Approchez, nous dit-il toujours en souriant. Nous avançons, timides et, les yeux mi-clos, ouvrons grande la bouche. Doucement, presque religieusement, grand-père y dépose la friandise.
Une sorte d'eucharistie.
,,,
Plus tard, bien plus tard, je devais apprendre que les figues et les dattes fourrées de noix que grand-père nous proposait systématiquement à chacune de nos visites s'appelaient des « mendiants ».
On ne devrait jamais apprendre certaines choses.
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Les créateurs ont-ils le droit d'engloutir et de désespérer tous ceux qui les approchent ? Leur quête d'absolu doit-elle passer par une implacable volonté de puissance ? Leur oeuvre, fût-elle lumineuse, mérite-t-elle un aussi grand sacrifice de vies humaines ? (p. 15 / Folio Gallimard, 2018)
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