J'ignorais tout de Joseph Delteil (1894-1978), écrivain et poète qui fut assez proche des surréalistes pendant un certain temps. Furetant dans la bibliothèque municipale – une occupation agréable pour moi – je suis tombé par hasard sur ce petit livre écrit par ce Joseph Delteil dont le nom ne me disait rien. Je l'ai emprunté et lu. J'ai découvert ensuite que sa publication, en 1925, avait irrité notamment André Breton. En effet, les nationalistes français, que les surréalistes détestaient, s'étaient déjà "approprié" cette héroïne nationale.
L'incroyable destinée de Jeanne d'Arc relève à la fois de notre histoire et de la légende. Mais elle est rarement un sujet traité par les écrivains. Joseph Delteil a eu un coup de coeur pour ce personnage, et il en est presque tombé amoureux ! Il a rédigé une jolie biographie (partiellement romancée) dont la forme est très originale, presque iconoclaste. Jeanne d'Arc est dépeinte avec une fraîcheur délicieuse. Son extraordinaire aventure est décrite d'une façon tout à la fois lyrique et picaresque. Le style de Joseph Delteil est agréable, simple et léger; le ton est tantôt alerte, tantôt sombre. Ce livre est une surprenante découverte pour moi…
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Ah ! Jeanne, Jeanne, te voici donc au faîte de ton rôle, dans toute la splendeur de ton Destin. Tu te dresses là-haut dans ta longue chemise blanche, là-haut. Tes pieds nus, tes odorants pieds de vierge éclatent à l'horizon de ma plume comme deux aurores roses. Ton cœur est plus chaud que les flammes. Tu te tiens mi-ployée sur tes hanches en fleur, et tes cheveux se répandent sur tes secrètes épaules, tes blonds cheveux de petite fille lorraine tout chargés des lueurs de la bière et des teintes de la chasteté. A travers l'étoffe de ta chemise, j'entrevois toute la fragile beauté de ton corps, et la lente hauteur de tes cuisses pleines, et l'établissement de ton nombril, et la chute de ton ventre, et la rédemption de la poitrine. Ah ! Pucelle, Pucelle de mon cœur, petit être de bon sens et de chair fraîche, voici que je pleure parce que tu as dix-neuf ans ! A peine si tes seins viennent d'éclore, tes seins ovales et grenus comme deux œufs (...)
Jeanne n’a rien d’un fade cœur. C’est une âme forte, sans sensiblerie, l’épée à la main. La hardiesse confine à la folie, à la naïveté. Jeanne la hardie est Jeanne la naïve. La naïveté est une arme de gros calibre. (…) La suprême vertu de jeanne, c’est son ignorance. Elle ne connaît pas la courbe, le cercle. Pour Jeanne, le plus court chemin d’un point à un autre, c’est la ligne droite. Elle n’use pas de l’intelligence; elle a mieux: l’instinct !
Jeanne avançait lentement, armée de toutes pièces, montée sur son gros cheval noir équarri à grands coups à la Michel-Ange; la tête nue et les cheveux coupés à la Jeanne d'Arc. Elle souriait au peuple.
Extrait du livre audio "Sur le fleuve amour" de Joseph Delteil lu par Richard Bohringer. Parution CD et numérique le 19 janvier 2022.
https://www.audiolib.fr/livre/sur-le-fleuve-amour-9791035404048/