« L'enfer, c'est les Autres » (p.151)
Pour qui a vu ou lu la pièce, ou possède une connaissance, même sommaire, de Sartre et de l'existentialisme, le contresens n'est pas permis. La formule ne peut être séparée ni du contexte littéraire (nous sommes au théâtre où s'affrontent trois personnages) ni de la pensée philosophique de l'auteur dont le détail se trouve dans l'essai monumental de 1943, L'Être et le Néant.
« L'enfer, c'est les Autres » ne signifie pas qu'autrui me rend la vie impossible, absurdité incompatible avec les nécessités sociales de la vie humaine, mais que le regard d'autrui m'interdit de m'abandonner à la mauvaise foi. Si je vivais seul, je pourrais exercer ma liberté sans me soucier du jugement des tiers. La vision des autres, en revanche, contredit l'interprétation avantageuse du monde que je pourrais avoir et fait obstacle à ma liberté. L'autre me voit, me juge, me transforme en objet, et je ne redeviens sujet qu'en agissant de même à son égard. D'où le conflit permanent déjà évoqué.
Les éditeurs envoient une lettre de refus type car les auteurs tiennent finalement souvent peu compte des avis qu'on leur donne... Mais selon Paul Desalmand, auteur du Guide pratique de l'écrivain, un auteur qui a un vrai talent ne restera pas sur le bord de la route.