Les événements se déroulent en 2020. Un complot engagé par l'extrême droite, un pape enlevé et séquestré, un gouvernement renversé, des assassinats, tous les ingrédients pour faire de ce roman, un bon thriller mystique.
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Une fièvre tenace ne le quittait plus. Les médecins n'avaient pas encore réussi à diagnostiquer son mal. Sans doute, une détestable hygiène de vie trouvait-elle là son triste aboutissement. Sam était convaincu qu'il n'en avait plus pour longtemps. Etonnamment, il avait retrouvé une inspiration qui l'avait fui depuis des lustres, comme si la présence de Giannalia et la proximité de la mort avaient réveillé sa fibre littéraire. "On écrit un roman avec un stylo tordu", se plaisait-il à répéter en forme de boutade. Et voilà que, sous l'emprise de la souffrance, son stylo se tordait à nouveau. Il n'avait eu alors qu'à puiser dans la citerne pleine à ras bord de ses succès et de ses échecs pour étancher sa soif d'invention. Dès les premières pages, le Taxidermiste halluciné, dont il avait lu le synopsis à un Remio enthousiaste, s'avéra riche en promesses de délires.
Quand tout sera terminé, il s'avérera que l'oppression aura été déterminante dans l'accomplissement de mon destin. L'âme au bain-marie dans le potage ecclésiastique, privé de liberté physique, miroir aux alouettes de bien des prétentions humaines, j'ai été acculé à me construire de l'intérieur sans disposer d'une boussole axiologique pour m'orienter. Longtemps j'ai séjourné dans une bulle aux contours délimités, m'adonnant à l'introspection et à la dérision. Quelle acrobatie pour s'extraire de soi. Mais c'est fait : la bulle a crevé. Mon âme s'éparpille dans toutes les directions, enfin disponible. Sans la contrainte extérieure, jamais je ne serais sorti de mon tombeau.
Cher père Meyer, la connaissance dépend de l'angle sous lequel on regarde une chose. Un fait anodin, un objet quelconque, un visage trivial, un mot usuel, un paysage, une fleur offrent des potentialités infinies de lecture. La plupart du temps, on se satisfait d'une interprétation, identique à celle du commun des mortels, une caricature du réel, parce qu'il est plus sécurisant de ne pas diverger de son voisin. Quand éventuellement se présente une disponibilité intérieure inaccoutumée - à l'occasion, par exemple, d'un profond sentiment d'insatisfaction - l'ordinaire apparaît soudain étrange, multiforme, et la sphère d'exploration du sens s'élargit.
Elle est loin, la petite sauterie bavaroise. Je me remémore les deux héros dont j'ai oublié les noms. Ce seraient actuellement de dangereux terroristes. Hier héros, aujourd'hui proscrits, et vice versa. Le pouvoir change, le vocabulaire s'inverse. C'est l'apanage des puissants de corriger le dictionnaire.
L'originalité de la peur réside dans le fait qu'elle est un des rares sentiments purs que nous éprouvions ; elle est sans arrière-pensée, viscérale. Avez-vous déjà connu la frayeur, Claudio, celle qui fait bleuir, transpirer à grosses gouttes ?
- Evidemment, Eminence. Maintes fois. Et vous, si je puis me permettre cette question indiscrète ?
- Comme vous, Claudio. Personne n'y échappe. Aussi humaine que l'erreur, la peur s'impose de l'extérieur. Faire peur est plus facile que faire rire.