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EAN : 9782253109075
254 pages
Le Livre de Poche (31/01/2005)
3.78/5   681 notes
Résumé :
Salie vit en France. Son frère, Madické, rêve de l'y rejoindre et compte sur elle. Mais comment lui expliquer la face cachée de l'immigration, lui qui voit la France comme une terre promise où réussissent les footballeurs sénégalais, où vont se réfugier ceux qui, comme Sankèle, fuient leur destin tragique? Comment empêcher Madické et ses camarades de laisser courir leur imagination, quand l'homme de Barbès, de retour au pays, gagne en notabilité, escamote sa véritab... >Voir plus
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Fatou Diome a 32 ans quand elle écrit « Le ventre de l'Atlantique ». Enfant illégitime, Fatou est née au Sénégal puis elle a émigré en France, à Strasbourg, où elle termine en 2003 un doctorat de lettres modernes. Rejetée par les siens pour cause d'illégitimité, elle se propose dans cet ouvrage de nous expliquer l'Afrique, mettant l'accent sur la vraie nature de l'Eldorado que représente la France pour les jeunes Sénégalais.

Dans ce premier roman, Fatou se met en scène : elle raconte, sans pudeur, son émigration, ses joies et ses déboires. Son regard est lucide, acéré et sans complaisance : elle dénonce les obstacles à l'immigration, les rigueurs de l'hiver strasbourgeois, les chimères, la pauvreté, la précarité des exilés, leur misère, la promiscuité des foyers Sonacotra, la ségrégation, le racisme et la solitude de ses frères Sénégalais, partis à la recherche d'un petit coin de paradis. La France, terre d'accueil, a un gout amer pour Fatou Diome. Elle se souvient. Son frère, voulait la rejoindre pour entrer dans un club de foot, devenir un champion et gagner des millions : l'argent, synonyme d'ascenseur social, était censé faire des miracles. Il la relançait au téléphone, sans arrêt, et lui demandait de lui payer un aller simple en avion pour venir en France. Fatou arrivera à l'en dissuader. Elle a eu du mal à lui faire comprendre et à faire admettre aux siens que cette France mythique vers laquelle ils portaient tous leurs regards ne valait pas leur petit coin de terre, Niodor, petite ile située au sud-ouest du Sénégal, lieu de naissance de la narratrice.

Le style de Fatou Diome est vivant, assez coulé, attachant, fleuri et parfois passionné. Vous découvrirez des scènes de vie du village, la gastronomie locale réduite au couscous de poisson, au thiéboudjéne et au poulet yassa, les coutumes ancestrales, les marabouts qui promettent monts et merveilles (« elle courra derrière toi comme un chien derrière son maitre »), les parents qui marient leurs filles de force, les petits commerce, les dettes qu'on ne peut rembourser, des émotions, des cris de désespoir et des joies. Dans le récit de Fatou Diome, l'Afrique en prend également « pour son grade », car, voyez-vous, l'Afrique n'est pas un Eldorado sauf pour quelques quinquagénaires occidentaux attirés par les beautés locales, tentés par de petits trafiques et se soulant au whisky dans des hôtels cinq étoiles pour touristes. Quelques touches de poésie émaillent l'ouvrage. Les personnages sont très typés : il y a Salie (en fait l'auteure) qui vit en France, Mandické qui veut devenir champion de foot dans un club Français, Sankélé jeune femme au destin tragique (puisque son mari jette en mer le fruit illégitime de ses entrailles), El-Hadj, l'homme de Barbès, revenu à Niodor après s'être enrichi à Paris, Paolo Maldini, superbe idole du football Italien, Ndogou, ex-collégienne et responsable du centre téléphonique de Niodor, Ndétaré, l'instituteur marxiste et syndicaliste qui apprendra quelques rudiments de français à Mandické, Moussa, immigré qui reviendra au pays en charter, encadré par les gendarmes, et qui se suicidera, incapable de se refaire une vie convenable au pays, Gnarelle, une seconde épouse (au Sénégal, c'est la polygamie), qui pour récupérer son mari n'hésitera pas à coucher avec un marabout, Garouwalé, grand adolescent toujours prêt à dire et à redire, et encore bien d'autres ...

Alors, ce premier roman vaut-il le détour ? Oui, si vous êtes passionné par les problèmes de l'immigration. Mais, autant vous le dire, dans cet ouvrage le football est partout, alors si vous n'êtes pas accroc à ce sport vous aurez probablement du mal à poursuivre votre lecture. Un autre point à noter, « Le ventre de l'Atlantique » a manifestement été écrit par une auteure que les thèses marxistes ne laissaient pas indifférente : en Europe, vous êtes d'abord noirs, accessoirement citoyens, définitivement étrangers (page 202). Alors, au-delà de l'absence de concessions, vous aurez peut être l'impression de lire un tract stigmatisant la condition ouvrière des immigrés Africains en France car l'Afrique y apparait comme manifestement manipulée par l'occident : génération africaine de la mondialisation, attirée, puis filtrée, parquée, rejetée, désolée, nous sommes les Malgré-nous du voyage (page 250). Un peu grosse, la ficelle ? Peut-être, car si l'Afrique peine à retenir les siens c'est aussi parce qu'elle ne se presse pas de bâtir les conditions de la confiance dans un avenir local. Maintenant, prenons un peu de recul. Ce que nous conte Fatou Diome, c'est le mal-être de tout être humain déraciné. Elle sent manifestement qu'elle n'est plus tout à fait Sénégalaise et qu'elle ne sera jamais tout à fait Française. C'est probablement la triste réalité de tout immigré, qu'il soit Africain, Brésilien, Russe, Chinois ou d'une autre nationalité. Fatou est une exilée en permanence (page 294); elle est désespérément en quête d'une terre d'accueil (page 295). Douce utopie ? On est toujours rattrapé par son histoire personnelle, accroché à ses racines. Alors oui, Fatou Diome souffre : elle écrit, répondant à une voix intérieure qui lui intime d'obéir, pour dire et faire tout ce que sa mère n'a pas osé dire et faire (page 262) mais aussi pour exprimer sa solitude d'immigrée et son regret d'être rendue si loin du rugissement des pagaies, des parfums de la mer et des algues de l'Atlantique. le mal du pays dans toute sa splendeur !

Un livre authentique, simple, à mi-chemin entre politique et roman auto-biographique. A ne pas négliger.
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Sous le charme de ce roman aussi solaire que mélancolique, c'est un périple au coeur du Sénégal qui vous attend à l'approche de ce magnifique livre.

L'auteure y relate dans une écriture incandescente les désillusions pour les immigrés à vouloir rejoindre la France, Terre de toutes les promesses. de chez elle à Strasbourg, elle est parvenue à échapper à la pauvreté de son pays ayant un don certain pour l'écriture. Elle se débat entre les rêves déchus de ses proches, la réalité ombragée de la France, la nostalgie qui peuple son coeur au souvenir de son pays.

Ce livre est une pépite qui ravira les amateurs d'histoires et légendes africaines. L'auteure nous raconte les secrets de sa Terre, les marabouts, les coutumes ancestrales, la surnatalité, les croyances dépassées. le tout s'articulant autour du football, coupe d'Europe, coupe du monde, une passion pour son frère et beaucoup de jeunes qui pensent être la prochaine star du ballon rond. Mais seules les noix de coco fracassent les têtes, la réalité est amère, un monde sépare l'Afrique et la France qui n'ont pas toutes deux les mêmes préoccupations.

La plume de Fatou Diorme est habillée d'une élégance folle, il y a comme de l'envoûtement dans ses mots tant toutes ses descriptions sont à fleur de peau. On pourrait souligner tout le livre tant il résonne au son du tam tam africain ou des rêves qui se fracassent par terre.

Un magnifique livre ode à l'espoir, la liberté sous un ciel qui est pourtant et au final, le même pour tous.
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Voilà un premier roman enthousiasmant qui montre avec un regard acéré, la chimère que représente la France pour de jeunes africains. Salie elle, est sur le sol français, seule après un mariage et un divorce qui la laisse seule et désemparée, elle découvre bien vite que l'Eldorado est jonché d'obstacles, bien loin de l'image rêvée. Que la précarité est le lot de nombreux exilés. Son jeune frère Madické, plutôt bon footballeur rêve de rejoindre sa soeur pour lui aussi « profité du Paradis idyllique ».
Un double regard que Fatou Diome (qui elle-même a vécu cette expérience en débarquant à Strasbourg) sait de quoi elle parle.
Son roman est réussit car il n'est jamais dictatique, l'auteur manie avec talent humour, légèreté, pour porter un regard lucide sur une triste réalité. le tout dans un style fluide, généreux et très attachant. L'espoir fait vivre, mais combien de temps ?
Un joli roman pour découvrir l'univers de Fatou Diome.
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Le Ventre de l'Atlantique c'est l'île de Niodior, île sénégalaise dans la région du Sine-Saloum. Sur ce morceau de terre battu par les marées les quelques habitants vivent essentiellement de pêche, d'agriculture vivrière et de rêves. Rêves d'évasion, rêves de richesse, rêves de sportifs adulés, tout les portes vers la France. Il reste à Niodior "une sorte de colonisation mentale". "À leurs yeux, tout ce qui est enviable vient de France."

L'héroïne, enfant illégitime, a fini par s'exiler et vit en France. Ce choix ne s'est pas fait de gaieté de coeur et elle ne vit que pour sa passion de l'écriture et pour son demi-frère Madické. Fatou Diome réussit à nous faire emprunter sa souffrance, sa double appartenance, elle est partout chez elle mais ne se sent nulle part légitime, Noire en France, égoïste et individualiste dans son village natal.

Madické est trop jeune pour comprendre et dédie tout son temps libre à sa passion, le football. Admirateur du joueur de la Squadra Azzurra Maldini, qu'il rêve de rencontrer une jour, il n'a d'yeux que pour la France et son équipe nationale composée de nombreux joueurs sénégalais. Lui et ses jeunes compagnons de jeu n'ont qu'un voeu : partir pour la France et y faire fortune. Les rares exilés rentrés avec succès au bercail, les poches pleines et la bouche conteuse, les poussent en ce sens.

Mais où est la vérité dans ce jeu de dupes ? Les hommes rentrés au village racontent-ils vraiment la façon dont la France, pays des Droits de l'Homme les a accueillis ? La vie en France est-elle aussi facile qu'il y semble ?
La soeur de Madické, elle, sait que le racisme y est toujours vivace, que le chômage y est bien présent et que, sans papiers et sans qualifications, la course à l'emploi est une chasse au trésor qui mène le plus souvent au poste de police. Après un petit séjour en cellule on vous remet finalement votre trésor, "une IQF, une invitation à quitter la France". Elle sait aussi que, "Blottis sous les ponts ou dans les dédales du métro, les SDF doivent parfois rêver d'une cabane en Afrique."

Aidée de Ndétare, l'instituteur du village qui tente sans repos de raisonner les jeunes de l'île, elle fait tout son possible pour que son petit frère adoré ne se trompe pas de chemin. Mais comment faire entendre raison à des enfants innocents ? Comment affronter son frère, ce jeune homme prêt à sortir ses griffes si on l'empêche de suivre son destin ?

C'est ainsi que Fatou Diome, utilisant adroitement sa propre expérience, aborde les différents problèmes liés à l'émigration et à l'immigration, sans langue de bois, sans épargner personne. D'une franchise absolue et avec beaucoup d'humour, elle dénonce aussi bien les indélicatesses de la France et son racisme perfide, que le poids du devoir qui accompagne la vie sur son île, une vie âpre et dédiée au partage. En comparaison, la vie occidentale et sa culture de l'individu libère des contraintes de la communauté mais en contrepartie confronte à "l'Ultra Moderne Solitude".

Le style de Fatou Diome est très abordable et sans fioritures, il a seulement manqué pour moi de fluidité et de constance : il est à la fois truffé de magnifiques perles telles :

"Pêcheur de fortune, il se sentait pris dans les filets du destin. Son horizon se liquéfiait sous ce longs cils noirs."

"Seul, face à l'eau, il dérivait comme une barque vers la mer noire de ses souvenirs."

"Sur ce coin de la Terre, sur chaque bouche de femme est posée une main d'homme."

"Le sentiment d'appartenance est une conviction intime qui va de soi ; l'imposer à quelqu'un, c'est nier son aptitude à se définir librement."

mais aussi de longueurs, entre autres sur le football qui occupe une grande place dans le roman. Non pas que je déteste ce sport (faux !), mais le résumé de la finale de la Coupe d'Europe France/Italie 2000 ne fût pas vraiment une sinécure pour moi... J'ai noté toutefois que c'était l'occasion pour Fatou Diome de dénoncer un marché juteux et une belle hypocrisie comme le recrutement de jeunes joueurs étrangers à qui on promet monts et merveilles mais qu'on renvoie sans scrupules et sans ballons dans leur pays d'origine s'ils ne tiennent pas leurs promesses. La peau noire est acceptable à condition de faire honneur au pays mais gare au faux pas ou de fabuleux français, vous redevenez juste Noir.

Bref, un bon premier roman avec de très belles choses et quelques longueurs qui me font baisser la note, mais "C'est un beau roman, c'est une belle histoire" et j'en recommande la lecture.

Je remercie chaleureusement mon ami aouatef79 qui m'a fait découvrir cette auteure vers laquelle je reviendrai sans hésitation.
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Renaud l'avait dit :
C'est pas l'homme qui prend la mer
C'est la mer qui prend l'homme
Fatou Diome nous le chante mille fois mieux : la mer, celle dont on prend ses enfants les poissons, et qui se venge en prenant les hommes, celle dont le ventre recueille les morts et fait vivre les pêcheurs, celle qui berce les palmiers et adopte les racines des palétuviers, celle qui gronde parfois et se gonfle, la mer/mère /ventre de l ‘Atlantique, me paraît le principal protagoniste du roman.
Elle représente, cette mère, la tradition basée sur la nécessité d'accueillir l'autre en son sein, sur l'amour bienveillant des grand mères, sur des dictons (parfois antédiluviens), et aussi tout le carcan des traditions patriarcales: la mise au monde d'un enfant hors mariage, le retour d'un immigré qui devrait rapporter richesses et honneurs, et qui n'ose pas dire ses espoirs déçus, son vécu illégal dans un bateau français,(en Atlantique Nord) sa prison, son rapatriement honteux, sa déchéance, enfin, l'amour non accepté par le père, l'amitié entre deux hommes jugée honteuse, tout cela est rejeté dans les flots.

La marée montait, dit l'auteur en s'exprimant par vagues répétées. La marée montait comme la rumeur, comme les mauvaises pensées, comme la tradition fixiste, intolérante, cette marée qui charrie la boue, jointe à la brise nauséabonde.
La marée monta.
Et emporta dans son ventre amer celui qui déçoit le village.

L'ile de Niodior , au large du Sénégal, ressemble, effectivement, à un petit ventre, entouré par les deux bras de l'Atlantique.
Fatou Diome tisse les rêves de son frère avec sa réalité à elle, et pour cela, elle parle de son ile et d'elle même, pratiquement dans la même phrase. Puis elle détricote au fur et à mesure ces rêves de venir la rejoindre, elle dont la subsistance dépend du nombre de serpillères qu'elle use, étant femme de ménage à Strasbourg et pas invitée par Louis XIV.

Elle épingle les faux espoirs des petits footballeurs du village, pensant tous devenir un Zidane. Elle épingle les footballeurs français complètement incultes et pourtant se croyant drôles. Elle épingle la polygamie, bien sûr, dangereuse par l'excédent de population pauvre alors que la terre et la mer ne sont pas extensibles. Elle épingle la fausse amitié européenne, parlant des négros dans leurs dos. …. Elle épingle les femmes de l'ile dont l'avenir est de se marier, d'enfanter des garçons, parce que les filles iront se marier ailleurs, à quoi ça sert de nourrir des bouches inutiles. Elle épingle la cupidité lorsqu'elle revient au pays, elle épingle les français portant bannière des sportifs africains, sans pour autant leur donner un statut fixe. Elle épingle le tourisme sexuel, venant « visiter des paysages de fesses noires, au lieu d'admirer le Lac rose, l'ile aux oiseaux, nos greniers vides et nos bidonvilles si pittoresques. »
Dans une langue chantante, digne de Youssou N'Dour, mettant toujours le doigt sur chaque faiblesse, et drôle aussi par son retour au plus important dans la vie : Cupidon, ou « lézard frétillant, » Fatou Diome nous parle de son ile natale, de l'appartenance, de la difficulté de faire racine dans un pays, pourquoi lui et pas celui de sa naissance ?

Choisit-on l'endroit où l'on nait ?
Choisit-on l'endroit où on veut vivre ? Ou n'est-on pas toujours trimballés entre les nostalgies et les envies de retour, l'amour du pays de sable blanc, et le désir de culture occidentale ? Comment choisir ? et d'ailleurs , est on obligés de choisir ?
La meilleure manière de parler de ce superbe livre, c'est de laisser la parole à l'auteur, dont le nombre de mes citations.
Petit bémol, les longues pages décrivant des matchs de foot, qui remplace le sport national, la lutte( Cf Aminata Sow Fall) et entraine des envies de s'expatrier basée sur des chimères de richesse.
Ne pas rester sur ce bémol, cette coquine de Fatou Diome nous pique souvent : devant les publicités de couple qui s'enlace devant une canette de Coca ( qui ne fera pourtant pas, dit-elle, pousser le Sahara) les enfants de Niodior se posent la question : qu'est-ce qu'il va lui faire ?
Réponse : « t'es idiot ou quoi ? il va la niquer ».
Allez, un verre de bissap, son arôme, son piquant, jus d'hibiscus délectable.
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Citations et extraits (140) Voir plus Ajouter une citation
page 121
[...] Authentique guelwaar, Moussa flânait, altier, les mains dans les poches, les yeux gourmands d'images, les poumons remplis d'aise, se laissant guider par les fantaisies des urbanistes. Il ne remarqua qu'au dernier moment ce comité d'accueil, qui l'avait repéré à son air ébloui et le suivait depuis quelques dizaines de mètres.
- Tes papiers !
Il se retourna, surpris par l'ordre, et vit un képi qui ombrageait des sourcils fournis et deux miniatures d'océan. Un soleil frileux lança un dernier clin d’œil et se retira sur la pointe des pieds pour aller rendre compte à Dieu.
- J'ai dit tes papiers, négro !
- Ils sont chez le patron, dit-il, confiant.
- Quel patron, et puis où ça ? hurla l'autre képi.
- Le patron du bateau, là-bas, au port, assura-t-il.
- Voyez-vous ça, commenta le premier képi, monsieur est un seigneur, il a besoin d'un porteur pour ses papiers ...[...]
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"Il arrive qu’un individu devienne le centre de votre vie, sans que vous ne soyez lié à lui ni par le sang ni par l’amour, mais simplement parce qu’il vous tient la main, vous aide à marcher sur le fil de l’espoir."
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Chez moi ? Chez l'Autre ? Être hybride, l'Afrique et l'Europe se demandent, perplexes, quel bout de moi leur appartient. Je suis l'enfant présenté au sabre de Salomon pour le juste partage. Exilée en permanence, je passe mes nuits à souder les rails qui mènent à l'identité. L'écriture est la cire chaude que je coule entre les sillons creusés par les bâtisseurs de cloisons des deux bords. Je suis cette chéloïde qui pousse là où les hommes, en traçant leurs frontières, ont blessé la terre de Dieu. Lorsque, lasses d'être plongées dans l'opaque repos nocturne, les pupilles désirent enfin les nuances du jour, le soleil se lève, inlassablement, sur des couleurs volées à la douceur de l'art pour borner le monde. Le premier qui a dit : « Celles-ci sont mes couleurs » a transformé l'arc-en-ciel en bombe atomique, et rangé les peuples en armées. Vert, jaune, rouge ? Bleu, blanc, rouge ? Des barbelés ? Évidemment ! Je préfère le mauve, cette couleur tempérée, mélange de la rouge chaleur africaine et du froid bleu européen. Qu'est-ce qui fait la beauté du mauve ? Le bleu ou le rouge ? Et puis, à quoi sert-il de s'en enquérir si le mauve vous va bien ?
Le bleu et le rouge, les chants et les loups, je les ai dans la tête. Je les emporte partout avec moi. Où qu'on aille, il y aura toujours des chants et des loups, ce n'est pas une question de frontières.
Je cherche mon pays là où on apprécie l'être-additionné, sans dissocier ses multiples strates. Je cherche mon pays là où s'estompe la fragmentation identitaire. Je cherche mon pays là où les bras de l'Atlantique fusionnent pour donner de l'encre mauve qui dit l'incandescence et la douceur, la brûlure d'exister et la joie de vivre. Je cherche mon territoire sur une page blanche ; un carnet, ça tient dans un sac de voyage. Alors, partout où je pose mes valises, je suis chez moi. Aucun filet ne saura empêcher les algues de l'Atlantique de voguer et de tirer leur saveur des eaux qu'elles traversent. Racler, balayer les fonds marins, tremper dans l'encre de seiche, écrire la vie sur la crête des vagues. Laissez souffler le vent qui chante mon peuple marin, l'Océan ne berce que ceux qu'il appelle, j'ignore l'amarrage. Le départ est le seul horizon offert à ceux qui cherchent les mille écrins où le destin cache les solutions de ses mille erreurs.
Dans le rugissement des pagaies, quand la mamie-maman murmure, j'entends la mer déclamer son ode aux enfants tombés du bastingage. Partir, vivre libre et mourir, comme une algue de l'Atlantique.
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Mieux que le globe terrestre, le ballon rond permet d'arrêter un instant le regard fuyant de l'Occident, qui, d'ordinaire, préfère gloser sur les guerres, les famines et les ravages du sida en Afrique, contre lesquels il ne serait pas prêt à verser l'équivalent d'un budget de championnat.
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Raconter ou pas raconter ? Comment raconter ? Avec ou sans pointillé ? Alors, que faire ? Quelques lignes se dessinent sur le plafond : narrateur, ta mémoire est une aiguille qui transforme le temps en dentelle. Et si les trous étaient plus mystérieux que les contours que tu dessines ? Quelle est donc cette part de toi qui pourrait remplir les trous de ta dentelle ? Qui es-tu?
Métamorphose ! Je suis une feuille de baobab, de cocotier, de manguier, de quinquéliba, de fégnéfégné, de tabanany, je suis un fétu de paille. Faux, puisque le vent ne m'emporte pas ! Métamorphose ! Je suis un bloc de ce mur, un carré de marbre, de granit, une boule d'onyx. Je suis un buste de Rodin, une statue de Camille Claudel. Le temps de la vie me contourne et je suis ce trou dans la dentelle du temps.
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Vidéo de Fatou Diome
Au verbe contraint par les exigences d'un éditeur, Fatou Diome, pour qui l'écriture est pourtant une jouissance, une revanche, une nécessité, préfère le silence. C'est la thèse de l'essai flamboyant, drôle et imagé qu'elle publie en cette rentrée chez Albin Michel.
#littérature #écriture #rentréelittéraire
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