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EAN : 9782738414663
176 pages
Editions L'Harmattan (18/01/1993)
3.5/5   2 notes
Résumé :
D'ici-même.
De là où je vous parle.
A là-bas, là-bas, là-bas...

Les autres pages.
Où plein de blanc...
Les hirondelles s'envolent entre les lignes.

Vous les verrez.
A vous de les suivre.
De ne plus les compter.

De sillonner tout ça.

Vous pouvez lire dans le désordre.
Lentement.
Avec modération.
Lentement.

Prenez le temps.
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Ce Matin, je poursuis mon périple algérien. Après les clés retrouvées de benjamin Stora, je me retrouve dans Souvenirs d'Algérie Heureuse de Jean-Philippe Brette, connu ici sous le pseudo de Dourvach.
Lui n'est pas né en Algérie, mais a eu la chance d'y faire un service civique en tant que médecin, en Haute Kabylie, à Bordj, entre 1982 et 1984.
Le texte qu'il nous propose, - jusque dans la typographie et la composition - est à l'image du choc qu'il a connu en arrivant en Algérie. Choc de culture, choc de paysage, choc tout court, regrets mêlés de nostalgie, sentiment d'abandon et de retrouvailles, blessure ouverte et jamais refermée.
« Quel est le Pays?
Celui qu'on perd, peu à peu ?..
Celui qu'on retrouvera, un jour?..
Celui qu'on n'attendait pas:
L'embaumé personnel
« Ensoleillé des après-midi en terrasse »,
Nostalgique,
Hors-colonial... .
Un qui ne fait pas de bruit. »
Pays que l'on ne quitte jamais sans pleurer en l'imaginant devenir différent de celui que l'on a connu, les amis livrés à on ne sait quelle galère :
« Première ville rencontrée de nuit. 1982.
Bordj a-t-elle changé depuis?
Près de dix ans après...
Probable.
Les allumés du FIS y ont fait leur apparition, discrète ou bruyante, théâtrale! Barbes au carré, chemises de nuit boutonnées jusqu' au cou. Bistouquettes tristes qu'on imagine là-derrière. Et grande misère, psychologique, physiologique, spirituelle, affective et sexuelle: «la totale» des intégristes! Désintégrés, comme étrangers à eux-mêmes. « Atypiques en leur propre pays» : ce qu'on espère... Chefs et disciples, porteurs de « kâmis» (camisoles !). Lueur pois-chiche derrière les yeux. Carencés vitaminiques. Front supranational et connerie exportable. »
Et Lounès ?, le copain algérien, celui qui l'a guidé dans son séjour, qu'est-il devenu, sa femme Malika, fan de Hocine Aït-Ahmed (le fringant leader du FFS – décédé en 2015- NDLR - ) est-elle contrainte à porter le voile ?
« Bordj est une ville bleue.
Comme El Oued est le jaune et l'or des sables qui parcourent
ses rues, l'envahissent d'aurores »
Et cette couleur bleue, Jean-Philippe la retrouve chez les habitants, ceux-là qui, parce qu'il est français, paradoxe des paradoxes, payent son addition au restaurant :
« Ici la patrie du sourire... de l'addition réglée pour vous, de l'une des tables voisines: au restaurant, des inconnus, partis depuis longtemps, qui mangeaient en silence... Voisins de table; pas un mot. Que leur ai-je fait? »
Et le petit vieux qui ne lui fait pas payer les clous qu'il vient d'acheter :
« Client: rôle accessoire au théâtre marchand. Voilà qu'il ne veut pas me faire payer ses clous! Il a juste une envie de parler, de ses cousins de France, de la France... Incompréhensible! Me parler de la France... et à moi: il n'a que moi sous la main! »
D'étonnements en surprises, devant cette société d'hommes, usée,
où les femmes se cachent pour apparaître sans voile :
« Prenons la rue des jeunes filles. La rue parallèle, abritée. Elles y viennent seules et sans voile, d'un point à l'autre... Elles ressentent le soleil. Infirmières, accoucheuses, élèves, lycéennes. Elles passent ici; à quelques maisons de la grand-rue aux hommes. Loin des trente-et-mille paires de regards terribles. Ici est un monde différent. Un endroit calme, protégé... Loin des regards. de leurs regards... Les hommes évitent cette rue. »
…où tout respire l'ennui :
Plantés là, silencieux, les yeux fixes. Tous bien groupés, hommes et femmes. Alanguis, juste troublés par la chasse aux insectes. « Médecine hommes », « Médecine femmes» : sortis de leurs «pavillons »...
…où les femmes sont inaccessibles :
« Melha a l'intelligence de ses yeux et la finesse qui sort de ses mains. Longs doigts promis à des mains inconnues: ces mariages arrangés qu'on ne peut que retarder... Un temps. Un long temps... Elle a cette force. Sûre d'elle, en tout cas! »
« Melha-aux-mille-malices, Melha l'agile, tant.. aimée de ses collègues! Et Patrice le- timide. le désirant. Subjugué. A côté. Pourquoi n' a-t-il rien tenté... »
Les jours succèdent aux jours, alternant la découverte du pays, à vélo, les visites, les malades, les incompréhensions, l'amitié vaine, la peur, l'étonnement permanent, tout est prétexte à découverte tant ce pays et ses habitants sont loin de nous.
« Bureau de métal. Table d'examen trop haute, que les vieilles, toutes drapées de blanc, escaladent comme leurs montagnes...Couleur de suaire des murs. »
« La terrasse encore baignée par le soleil. Mille soirs défilent. Mille soirs, qui ne font rien d'autre, ici: apparaître, disparaître... . Se suivre sur les fils d'or du crépuscule. Chaque soir. Ces mêmes lumières. Les mêmes fêtes. Toujours. La magie de l'or sur les arbres entoure ce village-là. Timezrit... . »
« Pièce sinistre. Des heures vont s'y succéder: entre table d'examen, chaise et gratteries de papier, à ce bureau... Diagnostic-tic à consigner sur le cahier, ou à dicter à Omar ou Nissa s'ils ont le temps. Infirmier, infirmière, et traducteurs aussi.. .Et l'ordonnance - « triple exemplaire» : « Un pour Dieu, un pour l'administration, et un pour le malade! », dit Hamidane. En attendant, il range toutes celles des deux premiers types dans un carton, en vrac... Les met de côté: au cas où... _ Superstitieux. Il n'ose pas jeter! Et : ça pèse, ça s'empile... Ça commence à envahir son cagibi! » Mais il reste stoïque. Intraitable. « Conscience tranquille ».
Et puis vient le retour et la nostalgie du souvenir :
« La vie de Patrice: je ne l'ai pas « partagée», bien sûr... Nous cohabitions (en bons mozabites) : un an et demi, sans homosexualité refoulée particulière... Temps de l'Algérie. Politesse. Sans heurts. Puis habitudes ou amitié? On s'y mit à chaque « vacances»... reconstituant, au retour, la tribu miniature, estivale: Patrice seul, la Déesse et moi, et d'autres amis... Remâchant de l'Algérie-souvenir, sur des routes de montagne, nos vélos trop chargés, suant à l'heure de midi... Evocation en situation. Routes et sentiers déserts. Nature enchevêtrée. France du sauvage! Rendez-vous annuel et congés regroupés... Aventures. Amitié trop sereine... »
Une vision très personnelle de l'Algérie qui « mérite le détour », on y trouve l'essentiel de ce pays, ses paysages, sa géographie, ses habitants livrés à eux-mêmes et fliqués par un pouvoir absurde et insidieux.
J'y ai retrouvé certains peurs, inexplicables, de mon enfance…
Et comme Jean-Philippe Brette cite Isabelle Eberhardt
« Il y avait des myrtes verts et des lauriers roses étoilés au bord des oueds paisibles, à travers les jardins de figuiers et les oliveraies grises… Les fougères diaphanes jetaient leur brume légère sur les coulées de sang des rochers éventrés, près des cascades de perles, et les torrents roulaient, joyeux au soleil, ou hurlaient dans l'effroi des nuits d'hiver. »
Isabelle Eberhardt Pages d'Islam -

Lien : http://desecrits.blog.lemond..
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Premier livre de l'auteur, "Souvenirs (...)" parut Oncques jadis en 1992 [*] et reçut ce généreux (et supposé NON-flagorneur) accueil critique [**] :

I - Tout d'abord, ce charmant petit texte critique de l'hebdomadaire [depuis longtemps défunt] "L'EVENEMENT DU JEUDI", 10 au 16 juin 1993, p. 113 :

"De 1982 à 1984, Jean-Philippe Brette fut médecin coopérant en Algérie, "un médecin captif, prisonnier de légendes... un rêveur." Il a sillonné le pays de dispensaire en dispensaire et prescrit desordonnances. Rédigés dans un style télégraphique, afin de capter au vol les impressions les plus fugaces, ces "Souvenirs" restituent le climat embaumé de la Kabylie, le scintillement de son feuillage, la terre ocre et poudreuse qui aurait enflammé Corot, les après-midi alanguis de chaleur, les parties de dominos dans les arrières-salles des cafés, la cérémonie du thé à la menthe, l'attente du soir et de l'autre, et " ce pays, couvert de cimetières... qui donnent l'envie de mourir. Dans la beauté. Dans l'ombre de l'olivier. Dans la voûte étoilée". [M.S.]

II - Un peu auparavant, cette note bienveillante du critique Michel CYPRIEN dans le bi-hedomadaire [& toubibal] "Le généraliste", le 28 janvier 1993 :

" L'auteur [...] profondément marqué par son séjour et sa rencontre avec les habitants de cette région, la Kabylie [...] réussit brillamment un exercice périlleux : le mélange des genres, car à travers une dizaine de récits qui ressortissent à la fois du document vécu et de la poésie, du témoignage quasi sociologique et de l'envolée mystique, il parvient à communiquer sa fascination nostalgique pour des personnes qui lui ont inspiré amour ou amitié, pour une terre forte mais si féminine dans sa manière de capter les émotions. "

III - Puis vint ce petit mot chaleureux de Julien GRACQ pour l'ouvrage suivant ("Un retour à l'Algérie Heureuse", 2005) qui sera notre second volet d'un "Triptyque kabyle" (**) :

"Un retour à l'Algérie heureuse" semble aller dans le sens d'une poésie du brut -- elliptique -- visant à réduire le texte au squelette, à l'os. C'est peut-être votre direction, mais c'est à vous seul d'en juger ; tous les chemins peuvent être bons, en littérature, à condition qu'ils soient bien les vôtres : croyez que personne ne s'en assurera à votre place". (courrier-réponse à l'auteur, 4 août 1996)
_____________________________________________________________

[*] Pour votre plus complète information & curiosité éventuelle, voici la composition dudit "Triptyque kabyle" :

- [1°] "Souvenirs d'Algérie Heureuse", L'Harmattan (Paris), 1992, 176 pages, avec repro. de 2 dessins à la mine de plomb + cahier central de 9 photos en noir-et-blanc [tirage : 500 ex.]
- [2°] "Un retour à l'Algérie heureuse", An-nafs auto-édition (Foix), 2005, 322 pages, avec 12 photos noir-et-blanc et 2 photos couleurs en pages de couverture [tirage : 50 ex.]
- [3°] "Plantes médicinales de Kabylie" [paru sous le pseudonyme de "Mohand Aït Youssef"], Ibis Press (Paris), 2006, 350 pages [tirage : 200 ex. - ouvrage épuisé]

[**] Oui, rêvons un peu... Je crois cependant avoir dû ce beau "papier" de L'EVENEMENT (...) à l'entregent et la sympathie [a priori désintéressées] de Jérôme Garçin, romancier et animateur de l'émission "Le masque et le plume", personne que je n'avais d'ailleurs jamais eu l'occasion de rencontrer... ce que je regrette d'autant !

Lien : http://www.latribudhotel.can..
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Le « sêr'louell » : ce pantalon qu'elles portent, femmes, par dessous leurs robes. Presque le même que celui des hommes; nom identique. Evasé aux hanches, serré aux jambes... et teint, bien sûr, de couleurs vives! Elles en portent presque toutes...
Une femme debout, comme une statue. Elle a enlevé l'une de ses robes. Restent d'autres par dessous, toutes aussi colorées et humides que la première... Couches de pétales humectés de rosée! Une consultante-fleur... «At-choum! » : elle s'enrhume.
Patrice, assis devant la consultante (visiteuse? consultée? On ne sai t jamais... Pas d'im portance !)... Patrice, travailleur efficace: s'essayant, lui aussi, sans interprète... Récemment assimilées, les bases de cette belle langue, orale et tendre! Kabylité... : s'y voit lancé... Fierté de s'y voir, en si bon chemin! « Ikssèss... » (Enlève...) La femme est stoïque. Ce genre tranquille - soumise? - . Très calme, en surface. « Que me veut-il encore? » Quelque chose comme ça. En muet. Ce qu'il veut? Voir ses jambes, bien sûr! Elle vient de s'en plaindre. .. « Ikssèss... Ikssèss' sêrr' ouel' inou ! »
Patrice a parlé mais la femme blêmit... . Voilà qu'elle se rhabille, vite, très vite! Fébrile... « ... M'enfin !... ... S' qu'y s' passe?»
Curieux, ça! La femme veut prendre la porte... Quelqu'un la rattrape, par l'épaule: Nissa, peut-être... ; traductrice-correctrice, elle observait la scène en silence... Gesticulation. La femme, plus qu'émue... : paniquée? Nissa la retient par les plis de sa robe... ... Evite la sortie, le scandale, le couloir pris d'assaut... Les portes défoncées à la hache! Barricade ou prison...
Nissa, cramponnée à la femme, ... sort de sa stupeur, de son silence: « Comment, Docteur, vous n'savez pas? Vous lui avez dit: « H. Enlève mon pantalon» Votre pantalon! Il fallait dire: «Ikssèss sêrr' ouell' inem' !21 ! »... « Ton pantalon» : son pantalon à elle !
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" Alors, Omar, tu fais entrer la première... "
— Une seule, Docteur ?
– Bon, avec le numéro deux, mais c'est tout ! Vraiment dans l'ordre, tu vois... (ton visiblement agacé : Omar vient de placer un "Docteur" strictement hiérarchique entre nous...)
– Et dans le couloir ?
– Dans le couloir, uniquement les numéros... "trois" ou "quatre", c'est ça ! Et si elles se taisent... Et uniquement dans l'ordre d'arrivée... Que les gens à numéros ! Personne d'autre dans ce couloir... on y va, tu fais entrer la "un"...
– Bon...

[Jean-Philippe BRETTE, "Souvenirs d'Algérie Heureuse", L'Harmattan, 1993, chap. VII : "LAVISITE", page 104]
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« Bordj», petite ville sans reliefs... Escale de plaine entre Alger et Tizi I. Bordj n'est que bordure. Lisière. Porte d'entrée sans importance. Pour la Haute-Kabylie se profilant derrière, dans la lumière du sud... Rideau de fumée des maisons et des rues devant le voile des montagnes. Il y a des « réalités socio-économiques », à Bordj, comme des voiles de matière. Un « monoprix » textuel y a ouvert, en 83. Un événement couleur d'orange. Riche de monde, de denrées, puis de vides... Avant de devenir le « SuperMakache» 2 des jours ordinaires. Passée l'euphorie des mines radieuses, des cinq cents œufs en équilibre sur une tête... Dévalisée, l'euphorie! Œufs en folie bien empilés. Le « trabendo » bien installé: dans le noir de ses loges en carton, faisant une ombre à l'enfance. Par des secrets d'équilibriste... Petit marché ambulant, dont seuls les pieds dépassent! S'il y a soleil, c'est « marche au noir» : on ne peut marcher ailleurs... Là où enfances et adultes se rejoignent. Pieds dans la poussière des ruelles. Responsables. Ailleurs, c'est quelques rues plus loin: le « marché du paysan », sur un terrain vaguement rêveur. Un « soukh-elfellah» d’état. Là où la ville se finit, en contrebas de la route. Entrepôt. Solennel. Des plafonds aux nuages. Un couvert métallique. Verreries, quincailleries en dessous, mandarines en montagne, dans un immense vide. Des vendeurs. Des clients. Clairsemés; figurants... Ce magasin, « présent dans toute l'Algérie» : comme un frère vieilli de l'autre. Trop d'espaces et de vides... Expression « Temple du commerce ». Voix qui résonnent. « Arrivages de gruyère? » « Bientôt... » « Repassez! » « Une semaine?». « Avec l'aide de Dieu... » Lieu de culte pour quelques officiants. De l'espace en dedans. Le désert au-dehors... Et la mosquée, bien sûr... Ah, les «allah ouaqbar» au crépuscule! L'appel à la prière du soir... Ces haut-parleurs dans un ciel serein. « Maghreb»...
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Dans ces chemins de pierres, vous vous élevez, vous faites le tour de l'univers... Vous revenez sur vos pas.
Une salamandre est couchée sur la terre orange.
Immobile comme un acteur au théâtre.
L'air qui fraîchit tient déjà le grand rôle : un souffle qui parcourt toute la montagne autour d'elle.

[Jean-Philippe BRETTE, "Souvenirs d'Algérie Heureuse", éd. L'Harmattan (Paris), 1993 — chap. V : "UNE RENCONTRE AU CREPUSCULE", page 74]
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