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Bernard Lortholary (Autre)
EAN : 9782070705580
256 pages
Gallimard (03/01/1986)
4.14/5   28 notes
Résumé :
"Un beau matin, un jeune homme..." : ainsi commencent deux des trois romans de Robert Walser, tous trois écrits en quelques semaines en 1907-1909, tous trois largement autobiographiques et tous trois fidèles à la tradition classique du "roman d'éducation" allemand... à laquelle l'auteur ne peut plus croire !
Le "commis" et son unique "année d'apprentissage" sont particulièrement révélateurs de cette impossible fidélité : ce jeune homme n'aboutit ni à l'intégr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Joseph Marti, alias Robert Walser est un jeune homme de vingt-quatre ans qui se présente un beau matin, au poste de commis chez l'ingénieur Tobler. Il a conscience qu'il est à un âge où il faudrait qu'il fasse son apprentissage pour « décoller dans la Vie », s'accomplir. Se faisant engager chez Tobler, va-t-il y arriver, ou se placer sous le coup d'une autorité va l'en dispenser ?
Ce Joseph Marti, l'homme à tout faire des Tobler, où bien nourri, logé ( étrange d'ailleurs cette promiscuité de l'employé avec la famille), jeune homme peu sûr de lui, n'ayant accompli pas grand chose jusqu'à sa vingt-quatrième année, va se révéler fin psychologue, jugeant avec ironie autrui, avec des observations et analyses loin d'être ingénues, (« C'en est une que ce besoin de réfléchir immédiatement à tout ce qui m'arrive de vivant. La moindre chose qui m'advient suscite en moi la curieuse envie de penser. »). Mais côté travail, son statut va s'effriter, jusqu'à devenir un simple employé payé en nature.....Et il restera simple spectateur quand Tobler commencera à perdre du terrain financièrement, malgré le fruit de ses “brillantes recherches”, dont le fameux horloge-réclame ou la foreuse à longue portée, des engins un peu tarabiscotés.....
Plus que la trame de l'histoire assez simple, et l'écriture plate, l'intérêt du récit réside dans la complexité des relations humaines relatée à travers les pensées et observations de Joseph et celles de l'auteur-narrateur, qui sont au coeur du livre, renforcés par les descriptions des relations entre les classes sociales. Quelques unes sont assez surprenante comme la familiarité entre l'employé et la femme de son patron, ou cette dernière répondant à la lettre d'accusation de son ancienne bonne congédiée, ou encore le mari de la femme de ménage invité à boire du vin à la table des maîtres.....,vu que c'est au siècle dernier en Suisse allemande.
Ce livre est qualifié de chef-d'oeuvre, un mot qui ne me plaît pas, et qui force le lecteur d'emblée à y chercher les qualités qui sont supposées à le rendre, au lieu de se fier à son instinct et son bagage littéraire. Sans l'ombre d'un doute c'est de la bonne littérature; un faux roman d'éducation où Joseph apprendra à réfléchir et prendre en considération les vertus banales de l'affection, de la pitié et de la gentillesse. Y plane aussi un zeste d'humour très allemand comme les surnoms qu'il donne à ses personnages, “le capitaliste “ , “la femme peu indépendante”, “le spécialiste des fenêtres “.....et appelant Joseph, « Le commis » selon les circonstances.
Les réflexions sont intéressantes, bien que certaines banales ou trop cyniques à mon goût, d'autres désagréables, comme celles sur Silvi, l'enfant maltraité par la bonne et pas que. A part les envolées magnifiques de descriptions de paysages, l'ambiance est stérile et je dirais même glauque, et les personnages loin d'être attachants.
Il y a un siècle, je pense que c'était un roman plus intéressant à lire, aujourd'hui je dirais moins, même si comme moi on aime la littérature allemande classique, dont Mann, Dürenmatt, Lenz....des auteurs que je trouve plus intéressants et plus intemporels. Ce n'est que mon avis bien sûr. Mais c'est son premier livre que j'aborde , il en faudrait lire plus pour y porter un jugement plus consistant, ce à quoi j'attendrais un moment.





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J'ai choisi ce livre dans le cadre d'une lecture commune « Les feuilles allemandes », organisées pendant le mois de novembre sur les blogs « Et si on bouquinait un peu ? » et « Livr'escapades » .

« Le commis » nous transporte au début du siècle précédent. La forme que prend ce roman est pour le moins originale : pas de division en chapitre, mais 260 pages se contentant de raconter les péripéties les plus marquantes dans leur chronologie, dans un souffle ! Sorte de journal de bord étonnant de ce Joseph, ce commis décrit par Mme Tobler, la femme de son patron, comme « un drôle de personnage ». Cela forme un texte d'une grande valeur, une force vive jetée d'un coup sur le papier, qui m'a replongé dans des délices similaires à ceux de la lecture de « La Montagne magique » de Thomas Mann, roman écrit peu de temps après ceux de Robert Walser, au point que je me suis demandé si le grand Thomas Mann ne s'en était pas inspiré ?

Le récit commence par l'arrivée de Joseph Marti, jeune homme de vingt-quatre ans, dans ce nouvel emploi à « L'Etoile du Soir », superbe demeure achetée à grands frais par le patron. Il se termine quand Joseph en repart, juste au moment où débute une nouvelle année. Il prend la suite d'un certain Wirsich, qui a été mis à la porte pour récidive d'alcoolisme. le patron, l'ingénieur Karl Tobler est un homme fantasque qui charge son nouveau commis d'assurer la promotion de ses inventions, le secrétariat de l'entreprise et surtout contenir les créanciers. Il est question de trouver des capitaux afin de développer la production et la vente de divers produits conçus par M. Tobler, formant un catalogue des plus hétéroclites, effet comique sur le lecteur assuré : l'horloge-réclame, le distributeur automatique pour tireurs, le fauteuil pour malade et la foreuse en profondeur... L'humour, voire l'ironie jaillissants en de brusques excès verbaux font partie de la panoplie du personnage principal et du plaisir à la lecture :

Le roman a une modernité étonnante : nous ne sommes pas sortis de la situation idéologique décrite ici. D'autres entrepreneurs plus roublards, moins généreux que M. Tobler ont pris le relais. Quant aux inventions, nous avons maintenant le téléphone et l'ordinateur avec publicités intégrées au système ; les distributeurs et automates en tout genre ont envahis nos vies jusqu'à mettre en place des magasins sans aucun personnel…

Joseph alterne entre ambition de faire bouger les lignes et satisfaction d'avoir trouvé un foyer accueillant où il peut jouir du paysage (lac et montagne, superbement décrits), des excellents repas sans oublier les petits cigares offerts par le patron et l'attirance-complicité trouble certaine avec Mme Tobler. J'ai apprécié l'épisode où il tente d'intervenir face aux injustices répétées envers la deuxième fille de la maison, la petite Silvi, maltraitée par tous. Il se remémore également les discussions enflammées avec son amie Klara quant aux idées socialistes montantes à cette époque. Il rumine beaucoup, d'ailleurs ce qu'il dit est souvent mélangé avec ses monologues intérieurs. Il peut à l'occasion s'exprimer avec impertinence mais en le regrettant vite, de peur de perdre sa position rendue précaire par l'absence de soutien familial ou social (il n'évoque que son père et a peu d'amis).

Il a peu de prises sur sa vie, il la laisse se dérouler au jour le jour ayant bien du mal à réaliser le moindre objectif : quand il projette de faire la leçon à Mme Tobler concernant l'éducation donnée à ses enfants, il repousse constamment le moment de le faire… La critique sociale est diffuse, il n'est tout simplement pas en position pour l'exprimer.

Je vois des similitudes mais aussi des oppositions nettes avec le héros de « La Montagne magique » : Joseph est issu d'une famille de sept enfants dont on devine la pauvreté (il écrit à son père qu'il ne peut pas lui envoyer d'argent) alors que Thomas Mann et son personnage principal - Hans Castorp – sont issus de la grande bourgeoisie allemande. Joseph à la différence de Hans n'est pas dans les couches sociales régissant le monde, il en est à l'opposé, et cet écart le paralyse… Côté similitude, j'ai retrouvé une même ode à la nature, omniprésente au fil des pages, c'est elle qui sort systématiquement Joseph de la tristesse qu'il ressent souvent à l'analyse de ce qu'il vit, cela donne des pages teintées de poésie :

Robert Walser (1878-1956) est un écrivain et poète suisse qui a écrit en quelques semaines entre 1907-1909, trois romans largement autobiographiques – le commis, ou selon le titre de la première traduction L'Homme à tout faire, Les Enfants Tanner et L'Institut Benjamenta –, tout à fait en décalage avec le roman d'apprentissage allemand du XIXe siècle. En effet le commis n'aboutit pas à l'intégration sociale et demeure dans son incertitude de jugement. Joseph est un employé ordinaire soumis aux colères de son patron, oscillant entre admiration et désir de revanche, possible transfuge de classe restant éternellement insatisfait de lui-même. Un grand merci aux feuilles allemandes sans qui je n'aurais pas ouvert ce classique, ni fait la connaissance de l'auteur de ce chef-d'oeuvre.
Lien : https://clesbibliofeel.blog/..
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Autant "Les enfants Tanner" nous semblait un néo-manifeste romantique où fantasmagorie et réalisme se mêlaient indissociablement, autant "Le Commis" restera pour nous un EXTRAORDINAIRE roman "réaliste" - imprégné du plus pur réalisme poétique - où se mêle curieusement une ironie tendre (empathique et inconditionnellement bienveillante à l'égard de chaque protagoniste : l'impression que Walser ait inventé pour la Terre entière un mode d'acceptation de l'Autre qu'on nommerait : "ironie bienveillante"), une charge picturale que dégage chaque ligne descriptive (la promenade en barque, la nuit) et une description (fine et sans illusion) des rapports entre classes sociales... sans oublier d'évoquer ici le thème évidemment central de l'échec : à savoir la dégringolade programmée de "La Maison Tobler" sous l'oeil du témoin (impliqué) Joseph Marti, 6 mois durant...
Deux saisons à peine, à vivre au jour le jour : le suc de chaque journée nous restant au fond de la gorge, la chaleur d'un rayon de soleil sur la peau.
Car nous épousons immédiatement la psyché de Joseph Marti, "l'homme à tout faire" de la Maison Tobler, hébergé dans la plus belle chambre - la chambre de la Tour - avec vue imprenable sur le Lac...
Monsieur l'Ingénieur Tobler et ses inventions sérieuses, pompeuses... qui ne trouveront (évidemment) jamais preneur ! Ah, ces formidables "horloges-réclames" et autres "distributeurs de muntions pour chasseurs"... à la recherche d'un "capitaliste bienveillant" (association d'idées totalement improbable...) d'où notre sentiment d'une naïveté sans fond et même de profonde compassion pour la figure PRESQUE attendrissante du "Patron" tyrannique de Joseph : ce "Herr Tobler" - bourgeois à son aise, toujours si sûr de lui - condamné peu à peu, sous l'oeil infailliblement obéissant de son employé - à l'échec et la ruine...
Ce livre est un chef d'oeuvre par la finesse de l'analyse psychologique - et par sa langue, unique...
Oeuvre dont la thématique se rapproche aussi du presque contemporain et "flaubertien" second roman de C.F. RAMUZ : "Les Circonstances de la vie" (1907) : l'étude du notaire Emile Magnenat - pauvre hère bientôt entiché de sa jeune fille au pair - n'ouvrait chaque matin pas si loin de la "Villa Tobler"...
Et elle est un véritable régal pour l'âme, cette langue malicieuse de Robert WALSER ! Quel "chef d'oeuvre inconnu" reste pour nous cet empathique "Der Gehülfe", magnifique gros roman de 1908, sommet de Littérature encore quasi-ignoré des lecteurs d'outre-Helvétie - chez nous, par exemple... [*], et cela plus de 100 ans après sa parution...

[*] Ouvrage qui laisse évidemment loin sur place les brouets industriels que nous concocte(ro)nt annuellement - un siècle plus tard - tous les écrivants-z-écriveurs de la Planète Terre : produits que nous trouv(er)ons immanquablement en grande abondance dans "La Mangeoire" des Grandes Surfaces - tristes objets qui sont à la Littérature ce qu'un potage déshydraté peut représenter face à l'Alchimie intemporelle qu'a su créer un artiste comme Robert WALSER. Car la NON-littérature est aujourd'hui - du moins en France - chez elle partout. Sans aucune gêne. Aucun complexe. Aucun scrupule d'ordre esthétique, éthique... Elle règne tristement. Partout où les oeuvres de Robert WALSER ou celles de C.-F. RAMUZ, hélàs, ne sont plus "accessibles au grand public"... et cela nous semblera toujours bien injuste !
Lien : http://www.fleuvlitterature...
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Je suis dans la découverte des auteurs suisses. Après Charles-Ferdinand Ramuz, voici Robert Walser avec un étrange roman, "Le Commis". Il en a apparemment peu écrit, trois semble-t-il, et celui-ci fut terminé assez rapidement. Cela se ressent un peu dans la structure de l'oeuvre. Je me suis demandé parfois où voulait en venir l'auteur, puis, petit à petit, j'ai compris qu'il s'agissait plutôt d'une chronique essentiellement autobiographique. Ce récit m'a beaucoup amusé pour deux raisons : la première réside dans le ton ironique du narrateur, un peu comme Voltaire, mais avec plus de finesse encore (eh oui ! c'est possible !) ; la deuxième est dans l'attitude surprenante du commis, capable de travailler consciencieusement pour son patron et de se soumettre docilement à son autorité, mais tout en se permettant de sortir des déclarations fracassantes ou d'agir de manière totalement démesurée. Il y a du Bartleby chez ce garçon, mais en moins mystérieux, puisque le narrateur opte souvent pour le point de vue du commis. On s'amuse alors à découvrir, en même temps que lui, ce petit monde vivant dans une propriété bourgeoise sur les bords d'un lac. Une communauté embarquée dans les projets ridicules et insensés du chef de famille, des espoirs du premier printemps, jusqu'aux désillusions de l'hiver suivant.
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Deuxième roman de la trilogie de R.Walser, que je lis, et dans lequel , je reprends mon souffle:Les enfants Tanner étant , par mon ressenti, très lyrique et trop exalté.
Ici, nous allons suivre "le commis": Joseph Marti, employé par l'ingénieur M.Tobler.Tout le roman se déroule presque à huis clos , car Joseph vit chez son patron.J'ai eu l'impression en lisant ce roman que je me trouvais derrière une glace sans tain et j ' assistais très calmement à la vie de ces trois principaux
Personnages:M.Tobler, sa femme, et Joseph , le commis.
Les rapports humains entre le patron et l'employé sont analysés, décortiqués avec une certaine froideur, platitude qui m'a étonnée chez R. Walser après l ' envolée des "enfants Tanner".Rapports très ambigus et contrariés dû à l'immaturité de Joseph, qui tour à tour agit comme une girouette, aimant son patron ou au contraire manquant totalement de respect lors d'échanges verbaux. Comme le dit si bien Mme Tobler (la plus sensée et humaine des trois): "vous êtes un drôle de garçon".J'ai retrouvé dans le personnage de Joseph cette ironie "bon enfant " chère à R. Walser: Je n'ai pas de salaire mais je suis hébergé dans une superbe demeure, la table est excellente, ma chambre confortable, que demander de mieux:"《 j'ai bien vécu jusqu'à aujourd'hui même sans salaire》 (page 159).
Ce comportement fataliste et désintéressé font de Joseph une personne controversée difficile à comprendre.j'ai retrouvé dans certaines descriptions de la nature un petit côté " Ernst Wiechert", très maîtrisé, un deuxième roman plus mature que le premier qui m'a aussi fait penser à Flaubert dans l'analyse des personnages.
Un roman déroutant, que j'ai toutefois apprécié, un auteur que j'ai découvert et qui je l'espère trouvera comme moi , encore quelques lecteurs grâce aux échanges de Babélio.
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Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
....il s’assit à sa table ...et il fit de la correspondance.....c’était ce matin-là un vrai flirt
avec cette plume habituellement si sérieuse. L’expression “conversation téléphonique “ lui apparaissait tout aussi endimanchée que l’étaient le temps et le monde extérieur. Les tournures comme “et je me permets de” étaient bleues comme le lac au pied de la villa, et “les sentiments distingués” en fin de lettre semblaient dégager une odeur de café, de soleil et de confiture de cerises.
p.79
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Pour le moment, la maison Tobler répand encore dans les riants environs une odeur de propreté et de bienséance, et comment ! Auréolée comme par les éclairs du plein soleil, rehaussée sur une colline verdoyante qui se penche, merveilleusement riante, vers le lac et la plaine, cernée et embrassée par un jardin vraiment "de maîtres", elle est l'image même d'une joie réservée et méditative. Ce n'est pas pour rien qu'elle est contemplée par les promeneurs qui passent par hasard, car c'est un véritable régal pour les yeux.

[Robert WALSER, "Der Gehülfe", 1908 - "Le Commis", page 94, éditions Gallimard, 1985, collection blanche, 256 pages - traduit de l'allemand par Bernard Lortholary]
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C'est étrange mais dès qu'on entend les pas d'une personne connue, c'est comme si au lieu d'approcher elle était déjà là en chair et en os, jamais son apparition effective n'est plus une surprise, quel que soit son air.
Tobler était fatigué et énervé, mais il n'y avait là rien de surpenant, car c'est toujours dans ces états qu'il rentrait à la maison. Il s'assit, soupira bruyamment ; corpulent comme il l'était, la montée de la pente lui avait été pénible ; puis il demanda ses pipes. Joseph bondit comme un dératé jusqu'à la maison pour satisafaire aussitôt ce désir, heureux d'éviter son supérieur ne fut-ce qu'une demi-minute.
Lorsqu'il revint muni du nécessaire à fumeur, la situation avait déjà changé. Tobler faisait une tête effrayante. Sa femme lui avait tout dit en peu de mots. A présent, elle était là debout, avec une audace que Joseph trouva inouïe et regardait tranquillement son mari. Celui-ci avait l'air d'un homme qui ne peut pas se répandre en malédictions, parce qu'il sent qu'il passerait les bornes.
— Alors, M. Fischer est venu, à ce que j'apprends, dit-il, comment a-t-il trouvé les choses ?
— Très bien.
— L'horloge-réclame ?
— Oui, elle lui a plu tout particulièrement. Il a dit qu'il lui semblait que c'était un projet tout à fait excellent.
— Lui avez-vous aussi montré le distributeur automatique pour tireurs ?
— Non.
— Et pourquoi ?
— M. Fischer était tellement pressé, à cause de sa femme, qui attendait en bas, à la grille du jardin.
— Et vous avez laissé cette dame attendre ?
Joseph ne répondait rien.
— Et il faut que j'aie comme employé un abruti pareil ! cria Tobler, incapable de contenir plus longtemps la fureur et la désolation commerciale qui le rongeaient. Il faut que j'aie le malheur d'être trompé par ma propre femme et par un commis qui n'est bon à rien. Le diable lui-même aurait peine à faire des affaires, dans des conditions pareilles !
Il aurait fracassé du poing la lampe à pétrole si, à cet instant, avant que la main ne s'abatte, Mme Tobler n'avait heureusement un peu écarté l'objet.

[Robert WALSER, "Der Gehülfe", 1908 - "Le Commis", pages 75-76, éditions Gallimard, 1985, collection blanche, 256 pages - traduit de l'allemand par Bernard Lortholary]
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Un matin, à huit heures, un jeune homme était planté devant la porte d'une maison isolée, d'apparence cossue.Il pleuvait.《 Pour un peu, je serais surpris d'avoir un parapluie》 pensa le jeune homme.Il faut dire que, dans son jeune temps, jamais il n'avait possédé de parapluie.L'une de ses mains pendant droit vers le sol tenait une valise marron, une valise très bon marché. L'homme, qui arrivait manifestement de voyage, avait sous les yeux une plaque émaillée où l'on pouvait lire: C. Tobler, bureau d'études. Il attendit encore un moment, comme pour réfléchir à que que chose de certainement très futile, puis il appuya sur le bouton de la sonnette électrique, et il survint une personne , visiblement une bonne , pour le faire entrer.
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Si, chaque fois qu’on a fait une ânerie , on pouvait prétendre que « ce n’etait pas vraiment moi », quel sens auraient encore l’ordre et le désordre ?
p. 40
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Vidéo de Robert Walser
Marion Graf présente le premier roman de Thilo Krause, "Presque étranger pourtant", qu'elle a traduit de l'allemand. Parution le 6 janvier 2022.
Un homme hanté par son enfance rentre au pays. Il y retrouve ses souvenirs intacts, les meilleurs comme les pires. Les allées de pommiers. le ciel immense. Les falaises de grès. Et Vito, l'ami d'enfance qui fut, dans un système asphyxiant, son compagnon d'apesanteur. Mais avec lui ressurgit le spectre de l'accident originel. Bientôt, la présence aimante de sa femme et de sa petite fille ne suffit plus à chasser le vertige. Des néo-nazis rôdent, une sourde menace plane, diffuse mais persistante. La nature échappe, se déchaîne. Quelle force pourra lever la chape de silence et d'hostilité ? le suspense subtil de ce roman place le lecteur au plus près du narrateur.
Thilo Krause est né à Dresde, en ex-Allemagne de l'Est, en 1977. Il est l'auteur de trois recueils de poèmes, tous primés. Presque étranger pourtant est son premier roman, lauréat du prix Robert Walser. Thilo Krause a l'art de traduire physiquement les émotions avec une précision et des images à couper le souffle.
https://editionszoe.ch/livre/presque-etranger-pourtant
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