Celle que
Pierre Desproges appelait "l'apologiste sénile des infanticides ruraux" est certes un écrivain — et
Marguerite Duras a beaucoup écrit vu que c'était son métier.
Elle a notamment commis en 1940 cet ouvrage de propagande coloniale avec
Philippe Roques, l'Empire français (sur demande de Georges Mandel), livre qu'elle a abjuré après la guerre. Comment ne pas renier ce monceau de bêtises colonialistes (bien écrit du reste et fort pédagogique) quand on ambitionne de fréquenter assidûment la gauche parisienne post guerre ? Sauf que l'on n'est jamais obligé d'écrire à contre courant (soit disant) de sa pensée, surtout en 1940. On peut même être écrivain et avoir de l'éthique, tout ça en même temps.
J'ignore donc si elle avait de l'éthique ; on sait que
Marguerite Duras a travaillé en tant que secrétaire à la Commission de contrôle du papier pour l'édition, sous autorité nazie, de 1942 à 1944 (le papier étant contingenté, elle en a réservé, la coquine, une quantité pour elle et son premier bouquin pour être sûre d'être éditée, au détriment d'autres auteurs), et qu'elle fréquente le gratin de la collaboration intellectuelle (dont
Ramon Fernandez), tandis que son mari
Robert Antelme est secrétaire particulier du ministre pétainiste et traqueur de Juifs
Pierre Pucheu, que son amant Charles Delval s'active à être un gestapiste notoire et que son ami le lieutenant allemand
Gerhard Heller gère la censure des publications françaises.
Prudente,
Duras rejoint le réseau de résistance de dernière heure Morland (celui du vichyste Mitterrand) fin 1943, quand la défaite de l'Allemagne nazie vaincue à Stalingrad est déjà actée depuis plusieurs mois.
Quand j'ai appris la disparition de
Duras en 1996, j'ignore pourquoi j'ai pensé à
De Gaulle qui, informé de l'accident routier d'Hélène de Portes, maîtresse de Paul Raynaud, Madame faisant la pluie et le beau temps pro-allemand au conseil des Ministres en 1940, a dit "j'espère qu'elle a crevé la salope".
Alain Robbe-Grillet écrivait : "
Marguerite Duras est bête, mais c'est un grand écrivain". C'est plutôt :
Duras est une grande opportuniste, mais c'est un écrivain. Car j'ai lu cette auteure,
l'Amant,
Moderato cantabile,
Hiroshima mon amour… et aussi L'Empire Français. du coup,
Pierre Desproges avait peut-être raison de dire : "
Marguerite Duras n'a pas écrit que des conneries. Elle en a aussi filmées".
Pour conclure, si j'avais le choix entre plusieurs Marguerite, j'opterais dans le désordre : pour la vache de Fernandel dans La vache et le prisonnier, pour la fleur qu'on effeuille et pour Marguerite Petitjean, admirable jeune résistante, plusieurs fois décorée pour actes de bravoure, parce que cette Marguerite-là avait de l'éthique, du courage et le sens de l'honneur.