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3,49

sur 1412 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Moderato cantabile, roman publié en 1958.

Anne Desbaredes, épouse du Directeur des fonderies d'une ville côtière, est avec son petit garçon pour la leçon de piano de ce dernier. Alors que l'enfant, buté, refuse de répondre à la question de son professeur qui l'interroge sur le sens de "moderato cantabile" inscrit sur la partition qu'il travaille, un cri de femme vient ajouter à la tension.

Et la vie d'Anne Desbaresde bascule tout à coup, dans le rouge du sang versé.

Un crime passionnel a été commis dans le café d'en face. Une femme, tuée par son amant. Ce fait divers tragique exerce une véritable fascination sur la jeune femme qui revient dès le lendemain et les jours suivants dans ce café où elle n'a rien à faire. Les ouvriers la connaissent, elle n'est pas à sa place, là, devant son verre de vin. Pourtant elle vient, et revient, jour après jour, faisant abstraction de tout, sauf d'un homme avec qui elle entame un dialogue silencieux, Chauvin, un ouvrier.

Anne et Chauvin évoquent le crime, tentent de comprendre avant de laisser place à leur imagination. Ils créent une histoire qui peu à peu, par les effets du vin devient leur histoire. Se noue alors entre eux un lien très fort, presque violent, terriblement bien évoqué par l'écriture froide de Duras. Une situation de tension de passion, portée par la couleur rouge, celle du sang, celle du vin, celle du magnolia qu'Anne porte accroché entre ses seins, celle du soleil couchant et jusqu'au tricôt rouge de la patronne du café.

Ce texte court porté par une grande tension et pose de nombreuses questions laissées sans réponse, à travers ces lignes, Duras semble esquisser simplement l'idée que la mort peut ne pas être uniquement physique. le crime qui porte l'histoire ne fait que montrer la mort sociale, psychologique dans laquelle sombrent les deux principaux protagonistes.

A lire assurément !

A la fin de ma vieille édition, j'espère que les éditions suivantes ont conservé ces pages, on trouve quelques critiques de l'époque, je vous livre les premières lignes de celle de Claude Roy pour Libération, le 1er mars 1958

" le nouveau roman de Marguerite Duras, Moderato Cantabile, pourrait se définir : Madame Bovary réécrite par Bela Bartok - s'il ne n'agissait, avant tout, d'un roman de Marguerite Duras (qui ne ressemble finalement à personne) et de son meilleur livre (ce qui est dire beaucoup). "

Toutes les critiques ne sont pas du même avis, bien entendu !
Lien : http://parisiannemusarde.ove..
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Anne Desbaresdes est la jeune épouse du directeur des Fonderies de cette ville côtière. Pendant la leçon de piano de son petit garçon, elle entend un cri, celui d'une femme mourant dans une dernière étreinte de son amant.

Anne est fascinée par ce crime passionnel.
Au point de retourner sur les lieux du drame, de réécrire inlassablement cette histoire avec un jeune ouvrier.
Au point de s'y noyer, jour après jour, le vin aidant.
Au point de s'identifier avec lui à ce couple.

'Moderato Cantabile' est un des livres fétiches de mes seize ans, je l'ai lu et relu.
Je la trouvais tellement classe, cette femme douce et paumée qui sort timidement de sa cage dorée et se met en danger. Tellement scandaleuse, cette épouse de patron qui s'enivre avec un ouvrier, attendant qu'il la brusque avec des mots.
Se perdre dans l'alcool et parler de passion dévastatrice avec un inconnu, ignorer le regard des autres et les convenances, frôler l'adultère... So chic !

Mais j'ai grandi et mûri, je vois l'alcoolisme différemment, non plus comme de l'élégance, de l'esthétisme, mais comme un symptôme. Cette jeune mère souffre, en effet : immature, fragile, effacée, étouffant d'ennui et perdue dans un milieu social qui ne lui convient pas.

Quoi qu'il en soit, trente ans plus tard, j'ai replongé dans ce texte avec le même plaisir et le même émerveillement que les premières fois.
De bien jolies choses malgré tout ce désespoir : la plume délicieuse, le nom de cette femme, sa douceur, sa réserve, sa "main dans le désordre blond de ses cheveux", la fleur de magnolia entre ses seins. Sa façon d'aimer son enfant, avec passion et désinvolture. Sa sensualité d'autant plus éclatante qu'elle n'est pas calculée, le désir qu'elle fait naître chez cet homme. Le trouble croissant entre eux, les errances nocturnes de l'homme devant son jardin, sous ses fenêtres, le parfum entêtant des magnolias... Et puis l'innocence, le pragmatisme et la sagesse, à travers la présence d'un enfant.

Somptueux. ♥
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Moderato Cantabile. La sonatine de Diabelli. La petite musique chantante et modérée...
Duras trace une ligne crépusculaire à travers une ville portuaire.Elle incise la toile.
Tout paraît calme. La ville tourne ses pages une à une.
Une femme traverse la ville, un enfant à la main.
Elle répète sa vie, comme son enfant répète ce morceau de musique, docilement, invariablement, obstinément.
La femme sourit «  comme un enfantement sans fin ».
Elle boit, verre après verre, elle vide et se remplit, calmement, invariablement, silencieusement.
Rien ne semble pouvoir ni vouloir ôter la main froide et lourde plaquée sur la bouche de cette ville, posée face à la mer.
Sans raison, les hommes perpétuent, sans raison ils traversent la ville.
Un crime, le cri d'un crime passionnel déchire le silence.
La femme retient le cri, la femme recompose, elle veut comprendre la raison de ce cri, la raison de cet amour, la raison de cette tragédie : aimer- le désirer à en mourir.
La musique ne chante plus, elle hurle, la musique ne se modère plus, elle se libère, et brise le miroir qui prétendait refléter le ciel.
Le femme rencontre l'homme qui a, lui aussi, saisit ce cri. Il sait. Il sait le cri. Il sait le désir de la femme, sa douleur, son attente.
Il sait qu'elle veut comprendre, vivre pour comprendre.
Lui a depuis longtemps tout compris.
Quelques jours, quelque nuit, elle va saisir tout le silence qui recouvre la ville.
La ville s'absente, les lieux se resserrent.
La ville contient les hommes et pèse de tout son poids sur leur vie.
Le rythme marque le temps, les pas se décomptent sur les quais.
Sans sans raison les hommes restent en ville.
Alors le choix, le choix s'impose et réclame.
La femme doit choisir : accepter son désir et le vivre jusqu'à en mourir, puisque tel est la nature de ce désir, ou refuser ce désir et accepter de ne jamais vivre.
Choix possible pour l'homme. Impossible pour la femme.
Et c'est lorsqu'elle réalise non pas cette incapacité mais cette impossibilité qu'elle se voit mourir.
Et c'est là que ce situe le crime, le cri du crime et la tragédie. Hors champ. Dans ce lieu où rien n'est écrit mais où tout peut être dit.
C'est ça l'écriture de Duras la possibilité qu'elle offre d'entendre la musique. le combat qu'elle mène pour libérer l 'espace. Tout est en place, apparemment, rien n'est imposé, évidement.
Le rythme de la sonatine égrène les heures, tic tac incessant, la mer va et vient, ressac constant.
Les hommes répètent le chant ,modérément, comme l'air d'une berceuse qu'une mère fredonnerait en tenant son enfant qu'elle sait déjà mort, dans ses bras.
La petite musique de Marguerite n'est qu'un hurlement déchirant. Et que pourrait- on écrire après ce cri ?

Astrid SHRIQUI GARAIN
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Sublimissime....
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Elle écrit. Elle écrit et je suis sous le charme. Elle a écrit Moderato cantabile et j'ai lu sans reprendre haleine. Et j'ai relu. Au fil du temps, j'ai relu. Et j'ai aimé. Chaque fois davantage.
Une petite ville de province. Une jeune bourgeoise trompe son ennui en mettant son enfant au centre de sa vie. Un meurtre peut-être. Et la monotonie des jours cède lorsqu'elle, Anne, entre dans ce bar. Lorsqu'elle, Anne, croise cet homme si loin de son milieu. L'adultère se dessine. L'enfant disparaît. Et la mise au ban de la femme adultère ne saura tarder.
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Ce roman ne date certes pas de la dernière pluie puisqu'il a été publié en 1958 mais je viens de le relire pour les besoins du travail et, stupeur, il a conservé toute la fraîcheur d'une pluie d'été justement. Comme toujours avec Duras qui ne rate jamais son affaire, je suis encore sous le charme, subjuguée par le je-ne-sais-quoi des romans de Marguerite Duras.

Moderato Cantabile c'est l'histoire d'une sonatine de Diabelli encore et encore répétée, de la sirène hurlante de l'arsenal, d'une villa au bord de la mer, d'un arsenal, d'un café, d'une fleur de magnolia qui n'en finit pas de fleurir puis de faner, d'un cri de femme, du rose de journées finissantes, du rouge du crépuscule, du vin qui empoisonne, du sang d'un crime passionnel et du tricot d'une patronne de café, ,... toujours les mêmes comme une obsession lancinante qu'il s'agit pourtant de faire aboutir.

Entre Anne Desbaresde, l'épouse oisive du directeur d'Import-Export et des Fonderies de la Côte et Chauvin ancien ouvrier des Fonderies, il y a un monde et pourtant : (cf citation)



Lien : http://aller-plus-loin.over-..
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L'écriture grandiose de Marguerite Duras quelques mots : tout est dit
on est dans le roman elle ne nous tiens pas la main elle nous entraine avec elle en immersion dans son monde fascinant
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