Partagé depuis sa plus tendre enfance par les idées antisémites et antimaçonniques de son grand-père et par le carbonarisme de son père, le Capiston Simonini évolue dans un environnement familial militant. La carrière de faussaire qu'il embrasse avec brio à Turin avec sa "brocante de couverture", l'initie peu à peu aux intrigues politiques pour lesquelles il possède un talent certain. Ses activités clandestines et son don de stratège le mènent naturellement vers une carriière d'espion pour les services secrets piémontais, français puis russes. Après avoir participé à la chute des carbonari en infiltrant les services garibaldiens, il se consacre en parallèle de ses activités d'espionnage, à l'écriture des "protocoles des Sages de Sion" (en russe : Протоколы сионских мудрецов ou Сионские протоколы, l'un des plus grands faux de l'histoire) dans l'idée de démontrer l'existence du complot judéo-maçonnique. La fin de l'Empire, la guerre franco-allemande de 1870, la Commune de Paris et l'Affaire Dreyfus qui servent entre autres, de toile de fond à l'intrigue du Cimetière de Prague, mêlent conspirations, espionnage, messes noires, asile psychiatrique dans un ensemble dense et chaotique qui ne laisse de brouiller le lecteur...
Avec son Cimetière de Prague,
Umberto Eco livre un récit labyrinthique dont la complexité est accentuée par la double personnalité de Simonini : le journal intime par lequel le lecteur découvre l'histoire, est à la fois rédigé par Simonini et un certain Abbé Dalla Piccola. Ces deux personnages sont-ils la même personne ? Les troubles de mémoire de l'un sont compensés par les souvenirs de l'autre par le truchement des témoignages rapportés alternativement dans le même journal. L'intervention d'un narrateur externe faisant le point sur les récits de Simonini/Piccola alourdissent l'intrigue.
le cimetière de Prague confond donc le lecteur sur de nombreux points : dualité du personnage de Simonini/Piccola, intervention d'un narrateur tiers, double-jeu des personnages, nombreuses digressions de Simonini, nombreux flash-back dans le temps, mélange histoire/fiction sur un sujet d'emblée polémique. On connait certes
Umberto Eco pour ses intrigues alambiquées et ses références érudites mais le mélange histoire/fiction qui n'est pas en soi un obstacle à l'intrigue, amène une confusion malheureuse des genres : le rôle et le degré d'implication des personnages fictifs ou réels dans l'intrigue, les alternances entre passé et présent, les troubles de mémoire de Simonini/Piccola font de ce roman riche et prolifique, un récit qui ne se laisse pas facilement dompter. Et
Umberto Eco ne s'en cache pas : c'est même avec cynisme qu'il s'explique dans ses Inutiles précisions érudites en ces termes : "C'est la fatale dyscrasie entre story et plot, comme disent les Anglo-saxons, ou pire, comme disaient les formalistes russes (tous juifs), entre fabula et sjuzet ou intrigue. le narrateur, à vrai dire, a souvent peiné pour s'y retrouver, mais il pense qu'un bon lecteur pourrait se passer de ces subtilités et jouir également de l'histoire." p.562. Selon les avis, on pourrait penser qu'
Umberto Eco fait assez peu cas de ses lecteurs et que son plaisir a surtout résidé dans son travail d'écriture. Ce fut mon cas.
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