Un château en Courlande. le comte Günther rentre au bercail, il vient d'épouser Beate, la fille de la famille de la propriété à côté de la sienne, qu'il connait depuis l'enfance. Mais le comte s'ennuie vite, et il a besoin de plaire. Il a donc des aventures, dont une avec Mareile, la fille du régisseur, devenue diva, qu'il connaît aussi depuis toujours.
Il ne se passe pas grand chose, ou tout au moins rien de ce qui se passe n'a l'air d'avoir beaucoup d'importance, même un duel à mort. Les personnages ont un côté fin de race, fin d'un monde. Les ambiances, les sons, les couleurs, les lumières sont plus tangibles, plus réelles que les personnages. Qui restent jusqu'à la fin corsetés dans leurs préjugés de classe, leurs habitudes, leurs contraintes et limitations. Ce sont plus des archétypes, des représentants, que des individus au final, et ils jouent leur partition telle qu'elle doit être jugée sans déroger. Même si cela les vide de leur substance, de leur consistance, les transforme progressivement en fantômes. Qui vont finir par disparaître et laisser la place à un autre monde.
Mais tant qu'il dure, une soirée d'été dans le jardin, un hiver enneigé où l'on somnole devant une cheminée avec un livre, une promenade paresseuse en barque, ont des charmes auxquels il serait dommage de ne pas succomber l'espace d'un instant.
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"Günther prit alors la parole, l'air moqueur mais également ému : Des histoires, chère madame, si vous voulez entendre des histoires à ce sujet, vous serez servie ! Mais ce qui est justement grandiose, chez Mareile, c'est qu'elle n'ait pas besoin d'histoires pour agir. Si, dans une lettre, vous commencez une phrase et que vous constatez ensuite qu'elle n'aboutit à rien, qu'elle n'a pas de sens, vous la barrez, n'est-ce-pas ? Voilà. C'est ce qu'elle a fait. Elle ne trouve pas de sens à ses débuts avec Hans Berkow. Bon, elle barre, vouez-vous, elle barre d'un gros trait noir ce pauvre Hans... et elle recommencera une meilleure phrase"
De longues files de canard sauvages survolèrent le lac en sifflant. Sur la rive opposée, contre l'eau noire, on distinguait, comme de fragiles figurines rouges, les silhouettes de chevreuils qui viandaient.
Pauvre Hans ! Il l'avait aimé à sa façon, comme une âme sclérosée et tarie pouvait aimer. Elle n'avait plus besoin de lui mais il l'avait désirée et lui avait appris à connaître ses sens. Une femme ne se comprend que lorsqu'elle comprend sa propre sensualité.
"Tu sais" avait dit Mareile à Hans (...) "pourquoi nous autres filles qui grandissons dans des châteaux avons des idées si stupides sur l'amour ? C'est parce que lors des bavardages sur l'amour, le corps est toujours passé sous silence."