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Elsa Dorlin (Autre)
EAN : 9782895964063
272 pages
Lux Canada (01/10/2021)
3.83/5   9 notes
Résumé :
«Est-ce la traite? Est-ce la traite qui recommence? Mon Dieu, dites-moi que j’exagère! Mon Dieu, dites à ces filles qui arrivent par pleins bateaux au Havre, à Cannes ou à Marseille: “Quo Vadis?” Dites-leur donc cela, pour donner paix à mon âme !»

Dans la France des années 1960, des jeunes filles et des femmes débarquent par centaines des Antilles pour être placées comme domestiques dans les demeures de familles bourgeoises et blanches.
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Au début de années 1960, Françoise Ega (1920-1976), martiniquaise installée à Marseille avec sa famille, enchaîne, pendant presque deux ans, les emplois de femme de ménage, pour comprendre et témoigner de l'exploitation que subissent les femmes qu'elle voit débarquer par centaines des Antilles pour être placées comme domestiques dans les demeures de familles bourgeoises et blanches. le journal qu'elle tient pendant cette expérience, est enfin réédité, accompagné d'une précieuse préface d'Elsa Dorlin.
(...)
Tout autant récit intime que manifeste politique, ces lettres témoignent d'une continuité coloniale cachée et mettent à nu un racisme systémique, autant que ses mécanismes profonds.

Article complet sur le blog :
Lien : https://bibliothequefahrenhe..
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Les conditions de vie des Noirs originaires des Antilles ne font pas partie des principales préoccupations des Français. C'est un sujet qu'on ne veut pas véritablement considérer, a fortiori quand on se réfère à une époque révolue. Ce livre n'est autre que le journal tenu par Françoise Ega de 1962 à 1964. Arrivée en métropole, elle s'est installée à Marseille et a enchaîné les petits boulots: elle a notamment effectué un travail de bonne dans des familles bourgeoises. A l'époque, il y avait une filière presque organisée: la future patronne payait d'avance le voyage transatlantique à une Antillaise, puis on la faisait trimer (sans scrupules) comme bonne à tout faire.

Françoise Ega une femme solide, instruite, lucide, résiliente; elle a la foi, sa famille est unie et elle ne vit pas dans la misère. Elle fait mine d'écrire à une militante brésilienne nommée Carolina Maria de Jésus, mais son but est surtout de noter tous les petits accidents de sa vie quotidienne. C'est donc un témoignage sans apprêt sur l'expérience qu'elle fait sur et par elle-même pendant près de deux ans. Elle mentionne les petites cruautés, les discriminations et l'indifférence qu'elle a rencontrées ou qui lui ont été rapportées. Elle est très proche de ses « soeurs » antillaises, qui sont dans la panade bien plus souvent qu'elle. Mais ce n'est pas tout: elle a le projet (un peu fou) de publier un livre: elle a une grande confiance en elle, même si elle ne fait montre d'aucun orgueil. Indiscutablement, c'est une femme remarquable !

Ayant lu la préface, claire, mais très militante, je m'attendais à un livre polémique. Or, je n'y ai trouvé aucune âpreté. F. Ega observe finement et ne stigmatise pas. Son ton reste mesuré et parfois humoristique. Son style est simple, clair et sans lourdeurs. Je suis même étonné par ses très jolies formulations. J'ai été un peu étonné que l'auteure n'évoque pratiquement pas l'actualité générale (qui était pourtant chargée à cette époque) mais ce n'est pas important. Je pense sincèrement que ce livre mérite d'être lu.
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De 1962 à 1964, Françoise Ega, femme de militaire, va se faire embaucher comme femme de ménage dans plusieurs maisons marseillaises afin de témoigner de la condition de nombreuses antillaises employées de maison. Celles-ci sont pour la plupart exploitées à l'extrême, devant souvent rembourser à leurs patrons le prix du voyage avant de compter sur un salaire.

À l'inverse d'elles, « Mamega » a son propre foyer, élève ses enfants et peut compter sur le soutien de son mari. Alors que rien ne l'y prédispose ni l'y encourage, elle a la force, en plus de cette vie bien remplie, de documenter cette expérience sous la forme d'un récit épistolaire au style enlevé et non dépourvu d'humour.

Il reste un document important et irremplaçable sur la condition des antillaises en métropole, condition officialisée par la création du BUMIDOM. Une autrice martiniquaise et marseillaise à découvrir absolument !
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Dans ses 'Lettes à une Noire', Françoise Ega relate son expérience de femme noire antillaise en tant que femme de ménage dans la "bonne société" marseillaise. Alors que son expérience personnelle aurait pu lui épargner cette situation, elle choisit délibérément de se faire embaucher en tant que femme de ménage pour documenter cette expérience partagée par de nombreuses femmes qui subissent la migration depuis les Antilles et sont confrontées au racisme et au mépris de classe d'un monde du travail segrégué et genré. le travail d'introduction d'Elsa Dorlin est particulièrement bienvenu pour resituer ce travail.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Mes gamins sont traités de chinois, de négros, de pieds-noirs ou de gitans, selon l’humeur du garçon qui mène la bagarre. Cet âge est sans pitié et les enfants sont mauvais. Il faut que je persuade les miens que les Chinois sont très bien, que ce n’était pas mal du tout d’être pied-noir, et que les négros, s’ils ne devaient servir à rien, le Bon Dieu n’aurait pas donné une âme à leur corps. (p. 74)
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J'arrive facilement à secouer le joug moral que comporte ce sacré métier parce que j'ai un toit à moi, une famille à moi. Mais comme je comprends ces filles liées nuit et jour au service de ses sacrées dames.
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Le plus pénible, je crois, pour une femme de ménage, c’est l’odeur de la vie des autres. (p. 35)
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Ce sont mes lèvres qui l'ont murmuré, mais dans ma tête quelque chose criait : “Est-ce la traite qui recommence ? Mon dieu, dites-moi que j’exagère ! Mon dieu, dites à ces filles qui arrivent par pleins bateaux au Havre, à Cannes ou à Marseille, “Quo vadis ?“ Dites leur donc cela, pour donner la paix à mon âme !
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La conscience est une chose qu'on devrait pouvoir mettre ou enlever à volonté, malheureusement elle est chevillée à notre corps, et plus d'un, ce soir, doit être gêné avec la sienne.
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Video de Françoise Ega (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Françoise Ega
Ces derniers temps, sont parus deux textes écrits par des auteurs martiniquais du XXe siècle, qu'il est urgent de redécouvrir. Un homme pareil aux autres est l'oeuvre de René Maran (1887-1960), dont on se souvient peut-être qu'il fut le premier écrivain noir français à recevoir le Prix Goncourt en 1921, mais moins qu'il est l'auteur d'une oeuvre riche et inclassable, composée de romans, de récits, de biographies et de poésie. La réédition de ce livre par les éditions marseillaises du Typhon s'inscrit dans le désir de faire découvrir un grand texte qui nous confronte aux ravages de la colonisation et à une forme de racisme introjecté, où la haine de l'autre vire à la haine de soi. On y suit Jean Veneuse, un administrateur colonial en partance pour le Tchad, inlassablement assigné à sa couleur de peau, qui s'autodétruit jusqu'à briser son amour avec une Blanche. C'est un autre Prix Goncourt, Mohamed Mbougar Sarr, auteur de la préface de ce livre, qui vient en parler, abordant plus largement la question de l'écriture et du roman pour dire la violence raciale. Lettres à une Noire a été publié pour la première fois en 1978. Écrit par Françoise Ega (1920-1976), ouvrière, militante et mère de famille établie à Marseille au milieu des années 1950, ce livre relève autant du récit intime que de la littérature de combat. À cette époque, des centaines de jeunes filles venues des Antilles débarquaient à Marseille pour devenir les domestiques de familles bourgeoises françaises. Bouleversée par l'indignité de leur statut, Françoise Ega se fait employer à son tour comme « bonne à tout faire » pour mieux dénoncer des conditions de travail proches de l'esclavage et décide de consigner cette expérience dans un journal. C'est l'historienne Audrey Célestine, spécialiste des populations noires en France et autrice d'un essai passionnant où il est question de Françoise Ega, qui vient présenter ce classique du féminisme noir et dialoguer avec Mohamed Mbougar Sarr. Sur scène, la comédienne Constance Dollé donne voix aux textes de Françoise Ega et de René Maran.
__ Une rencontre avec  Audrey Célestine (https://ohlesbeauxjours.fr/programme/les-invites/audrey-celestine/) et Mohamed Mbougar Sarr (https://ohlesbeauxjours.fr/programme/les-invites/mohamed-mbougar-sarr/) animée par Olivia Gesbert (France Culture), ponctuée de lectures par Constance Dollé (https://ohlesbeauxjours.fr/programme/les-invites/constance-dolle/) et enregistrée en public au Mucem à Marseille, en mai 2022 lors de la 6e édition du festival Oh les beaux jours ! (https://ohlesbeauxjours.fr/).
__ À lire Audrey Célestine, Des vies de combat. Femmes, noires et libres, L'Iconoclaste, 2020. Françoise Ega, Lettres à une Noire, Lux, 2021. René Maran, Un homme pareil aux autres, Les Éditions du Typhon, 2021 (préface de Mohamed Mbougarr Sarr). Mohamed Mbougar Sarr, La Plus Secrète Mémoire des hommes, Philippe Rey/Jimsaan, 2021 (Prix Goncourt 2021). __ Montage : Clément Lemariey Voix : Nicolas Lafitte Musique : The Unreal Story of Lou Reed by Fred Nevché & French 79 Un podcast produit par Des livres comme des idées (http://deslivrescommedesidees.com/).
__ La 7e édition du festival Oh les beaux jours ! (https://ohlesbeauxjours.fr/) aura lieu à Marseille du 24 au 29 mai 2023.
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