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Michael Schröter (Éditeur scientifique)Jeanne Etoré (Traducteur)Bernard Lortholary (Traducteur)
EAN : 9782020134057
256 pages
Seuil (01/01/1991)
4.2/5   22 notes
Résumé :
C'est en 1980 que Norbert Elias songe à faire son Mozart, et c'est l'éditeur de ses oeuvres, Michael Schröter, qui assure aujourd'hui la publication posthume de cet inédit. Contre les musicologues qui ont momifié Mozart, Elias s'efforce de comprendre qui fut cet artiste génial, né dans une société qui ne connaissait pas encore la notion romantique de " génie ".

Les tensions qui déchirent l'existence quotidienne de Mozart, les rapports complexes avec s... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
le projet de Norbert Elias dans cet essai est de montrer le contexte sociologique dans lequel le talent de Mozart s'est épanoui, puisque le terme de génie est inconnu au 18ème siècle. A la différence d'un Beethoven qui, quinze ans plus tard, est un artiste indépendant qui compose en fonction de ses envies pour un public qu'il s'est choisi, Mozart demeure un artiste de cour. Au moins jusqu'en 1781, date à laquelle il claque la porte de la cour du prince-archevêque de Salzbourg, il est l'employé d'un artistocrate, et son statut ne s'élève guère au-dessus de celui d'un cuisinier, d'un barbier ou d'un cocher. C'est la raison pour laquelle les oeuvres de Mozart, aussi géniales soient elles, répondent aux canons classiques de la musique de cour. Issu comme tous les musiciens du 18ème siècle de la petite bourgeoisie, comme Haydn ou Bach, Mozart a vécu dans un rapport ambivalent avec la noblesse, dans un processus à la fois d'acculturation et d'humiliation. Il emprunte à la noblesse ses codes - vestimentaire, mental -, mais demeure un subalterne qui doit rendre chaque jour ses hommages.
Si son père Leopold s'est accommodé de ce statut dégradant en serrant les dents, Wolfgang, sûr de son talent qui le met au-dessus d'eux, décide de s'émanciper pour tenter de devenir un artiste indépendant. Il ne réussira jamais à Vienne à obtenir un poste fixe, ni à vivre de façon suffisante des cours, des concerts pour les nobles ou des "Académies", les concerts payés par souscription.
le livre de Norbert Elias, paru de façon posthume, souffre de nombreuses répétitions car il devait sans doute être retravaillé. Il s'arrêté chronologiquement à cette année 1781, après laquelle Mozart écrira ses plus grands chefs-d'oeuvre, notamment ses cinq grands opéras. C'est sans doute grâce à cette décision lourde de conséquences pour son confort matériel et moral, et sa santé - celle de quitter son employeur - qu'on doit à ses oeuvres d'avoir déserté leur fonction récréative pour jaillir d'une interrogation personnelle, comme les oeuvres de Beethoven.
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Avec Mozart, sociologie d'un génie, Norbert Elias fait tomber quelques mythes. Il attaque notamment frontalement l'idée que le génie se situe en dehors de toute histoire voire même de toute forme de déterminisme social. On pouvait s'en douter : le génie divin ne fait pas très bon ménage avec la sociologie. Norbert Elias vient donc déconstruire tout ça avec une écriture très abordable.

Ainsi, il explique en quoi Mozart, né bourgeois, arrive à créer dans un contexte où l'aristocratie impose son goût. Si la révolution bât son plein en France, le Saint Empire romain germanique est encore dominé par la noblesse. L'aristocratie impose son goût à la cour qui doit suivre. Mozart s'affranchit quelque peu de cette influence sans totalement s'en débarrasser. En quittant Salzbourg, il fait le choix du statut d'artiste indépendant alors que les compositeurs ne le sont que rarement à cette époque. le besoin de reconnaissance par les membres de la culture dominante et la volonté fervente de ne s'agenouiller devant personne font de l'oeuvre de Mozart une oeuvre singulière dont le génie ne sera reconnu que plus tardivement. Comme d'hab' me direz-vous. Qui sait, dans trois siècles on écoutera peut-être encore du Jul.

La partie consacrée à la relation avec son père m'a moins accrochée que celle évoquée précédemment. Elias joue au psychanalyste, il explique que la correspondance entre le désir de réussite du père par son fils et le besoin d'amour de Mozart permettent à l'oeuvre d'émerger. C'est peut-être là le vrai talent de Mozart, avoir réussi à créer "malgré tout". Malgré son père qui misait tout sur lui, malgré la noblesse et son goût normatif, malgré les courbettes des gens de sa classe sociale.

Bon, le type est quand même mort à 35 ans. Heureusement, il a laissé quelques petits trucs derrière lui qui nous permettent de ne pas oublier de bien traumatiser nos gamins pour rendre le monde un peu meilleur. Quel beau programme.
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Une belle tentative
Comment la sociologie peut-elle expliquer la naissance d'un génie tel que Mozart ? Quelles sont les conditions sociales qui sont propices à l'éclosion d'un tel monstre de la littérature pianistique, orchestrale... ?
C'est à cela que le grand sociologue Norbert Elias tente de répondre dans ce livre court qui tient plus de l'essai que de la thèse de doctorat, raison pour laquelle j'ai pu en venir à bout.
J'ai trouvé la démonstration un peu inaboutie, mais le livre reste très stimulant et grâce à lui vous pourrez briller en société ( ou fatiguer votre entourage, c'est selon !).
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toujours interessant d'avoir le regard d'un spécialiste ( dans le cas présent d'un sociologue) sur la vie d'un génie comme Mozart... la remise dans le contexte historique, l'approfondissement des relations fils-père ont été pour moi forts riches d'enseignement. Je conseille à toute personne passionnée par Mozart....on peut regretter l'impression d'inachevé mais il me semble que l'auteur est décédé avant d'avoir fini le livre.
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Comment devient-on un génie? Pourquoi Mozart a-t-il eu une vie si tragique? Norbert Elias s'appuie sur la correspondance de Mozart, dont il nous livre de savoureux extraits pour répondre à ces deux questions en les replaçant dans le contexte sociologique et historique de l'époque...une très jolie enquête
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
À côté de cela, nous avons, dans cette lettre d'un jeune homme de vingt et un ans, un aveu qui restera valable jusqu'à la fin de sa vire : "Je serai plus heureux, puisque j'aurai à composer", et, plus loin : "Il suffit que j'entende parler d'opéra, que je sois au théâtre, écoute des voix — oh, je suis complètement hors de moi." Toute l'existence sociale s'est concentrée, dès cet âge relativement précoce, avec toute sa passion et son intensité, sur le besoin d'entendre et de créer de la musique : "Ce qui est mon bonheur et ma passion."
C'est très étrange pour un jeune homme qui porte en même temps, et ne cessera de porter, un vif intérêt aux femmes. Mais peut-être s'expose-t-il avec la musique à moins de déceptions. Il écrit dans ce sens encore peu de temps avant sa mort, sa situation étant désespérée : "Je travaille encore, parce que composer me fatigue moins que de m'en abstenir."
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Il fait donc antichambre à Paris chez les plus grandes dames et les plus nobles seigneurs qui le traitent comme ce qu'il est effectivement, un serviteur — même s'ils n'en usent pas avec lui de façon tout à fait aussi brutale qu'avec leur cocher, parce qu'il sait quand même très bien faire de la musique. Mais lui, Mozart, sait pertinemment que la plupart de ceux dont il quémande la protection n'ont quasiment pas la moindre idée de sa musique et en tout cas aucune idée de ses dons extraordinaires.
Ces dons, on peut penser qu'il les a reconnus comme tels dès l'époque de ses succès d'enfant prodige. Par la suite, la conscience de son exceptionnelle imagination musicale s'est renforcée progressivement — même si ses doutes ont été nombreux. Et voilà que lui, qui à ses propres yeux n'a jamais cessé d'être un enfant prodige, il doit aller mendier d'une cour à l'autre. Il est assez vraisemblable qu'il ne s'y attendait pas. Ses lettres reflètent un peu sa déception — et son indignation.
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Qu'un individu soit un grand artiste n'exclut pas qu'il ait en même temps quelque chose d'un clown ; qu'il soit en fait gagnant, et qu'il ait apporté un gain immense à l'humanité, n'exclut pas qu'il se tienne lui-même pour un perdant, et se condamne par là même à devenir véritablement un perdant.
La tragédie de Mozart, qui était en partie de cet ordre, fut vite éclipsée aux yeux de ses auditeurs ultérieurs par le charme de sa musique. Cet effacement étouffe la compassion. La postérité n'a sans doute pas tout à fait raison de séparer complètement l'homme de l'artiste. N'est-il pas quand même un peu difficile d'aimer la musique de Mozart sans aimer aussi un petit peu l'homme qui l'a créée ?
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Mozart était un être simple, il n'était pas particulièrement éblouissant quand on le rencontrait dans la rue, il se montrait infantile dans ses relations personnelles, manifestement aussi, assez sans gêne dans l'emploi de métaphores qui se rapportaient aux excréments anaux.
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La création n'est pas l'apanage des Dieux.
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Videos de Norbert Elias (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Norbert Elias
Non, le populisme ne saurait être réduit ni à l'icône de ses sectateurs, ni à la caricature de ses détracteurs. Par-delà les espérances et les insurrections, les craintes et les répressions qu'il a suscitées, alors que ce mouvement hier planétaire semble aujourd'hui retomber, c'est le propos de cet essai novateur que de le réinstaurer à sa juste place dans l'histoire. En décryptant sa gestation à la lumière de l'anthropologie. En scrutant sa construction à l'aune des théories politiques et des imaginaires culturels. Et si le populisme était le signe d'une crise de civilisation ? D'une fracture majeure dans l'idéologie du progrès ? Et s'il était né d'un refus de la neutralisation de la Cité ? D'une nostalgie des passions, des aventures, des utopies ? Mais aussi d'un retour du sens commun, du sacré, de la souveraineté ? Et si les peuples étaient simplement partis à l'assaut du ciel pour se recréer un horizon ?
Ce livre d'histoire immédiate, qui offre un panorama mondial des mutations en cours, s'attache aussi à en éclairer les soubassements symboliques. Il fait dialoguer Régis Debray et Marcel Gauchet avec Jeff Bezos. Ou encore Antonio Gramsci et Norbert Elias avec Daenerys Targaryen. Mais aussi les aristocrates paupérisés du Grand Siècle avec les occupants rebelles de Wall Street. Et les esthétiques des avant-gardes avec les révoltes émeutières des masses. Pour mieux appeler au sursaut.
Diplômé de Sciences Po, fondateur du média en ligne Le Vent Se Lève, membre des conseils scientifiques de l'Institut Rousseau et de la Fondation Res Publica, Antoine Cargoet a dirigé l'ouvrage collectif L'Histoire recommence. Il est aujourd'hui éditeur et signe ici, à 25 ans, son premier livre.
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