Ce livre, gagné lors d'une Opération Masse critique, je l'ai bien mérité, car j'ai dû l'attendre plus de deux mois. J'avais fini par en faire mon deuil. Mais, pour mon plus grand bonheur, il est enfin arrivé.
Réédité à l'occasion d'un centenaire, celui de la disparition de l'auteur, il offre cent mots, un par année, évoquant l'univers proustien. Il m'a fallu du temps pour le lire, car, bien évidemment, ce n'est pas un roman. C'est une sorte de petit dictionnaire.
Comment l'aborder ? On ne manque pas de choix : parcourir la table des matières et sélectionner au hasard, ou au gré de ses envies, picorer ici et là, lire un article et passer au suivant selon les astérisques. En effet, chaque fois qu'une explication cite un mot qui sera évoqué plus loin, celui-ci est précédé d'un astérisque.
Il y a plusieurs années, j'ai hérité d'une bibliothèque entière de « Que sais-je ? ». J'ai été bien déroutée. En effet, chaque fois que j'ai entamé une lecture, principalement pour préparer mes cours, j'ai été rebutée par le langage abscons qui me demandait un effort démesuré. Je me souviens avoir lu et relu des phrases qui me demeuraient hermétiques, me plongeant dans le découragement. Je me demandais, finalement, si elles étaient bien écrites en français (celui qu'on parle couramment) ou si c'était moi qui avais perdu tous mes neurones pendant la nuit.
Rien de tel avec la prose de
Michel Erman. Elle est compréhensible par tout un chacun. Certes, il faut disposer de certaines références, mais les articles sont clairs et intéressants.
Ce que j'ai le plus apprécié, c'est d'abord l'éclectisme des entrées.
Bien évidemment, on y repérera « Albertine », « Swann » ou « Verdurin », mais on découvrira également le « drame du coucher », « Vermeer de Delft » ou les fameuses « paperoles ». C'est avec étonnement qu'on pourra voyager des « bains de mer » aux « demoiselles du téléphone » en passant par le « boeuf mode » ou les « signes obscurs ».
L'auteur ne se cantonne pas à une fastidieuse analyse de tel ou tel passage déjà mille fois exploré ailleurs. Il parle de l'oeuvre, c'est certain, mais aussi de l'auteur et de quelques personnages, tels Swann ou le narrateur.
On établit un lien entre des aspects de «
La Recherche du temps perdu » et leur modèle dans la vie réelle : « Cabourg-Balbec », Combray-Iliers ou Tante Léonie et Élisabeth Amiot.
Michel Erman nous brosse de
Marcel Proust une image assez différente de celles habituellement ressassées. Foin du dandy éthéré et précieux ou de l'éternel malade reclus dans sa chambre.
Michel Erman évoque un homme « déterminé » et courageux, « comme lorsqu'il s'est battu en duel ou qu'il se promenait dans le Paris de la guerre, indifférent aux risques causés par les bombardements. »
Certes, de temps à autre, on tombera sur quelque passage un peu obscur et pédant qu'il faudra relire pour le comprendre, tel : « Au total, le "je" proustien est l'expression complexe d'une subjectivité en chiasme qui s'enracine dans le monde sensible et se transcende vers l'avenir en quête d'une métaphysique. » Mais ce genre de phrase est rare. La majorité du volume se lit avec aisance.
Ce petit ouvrage m'a donc apporté de nombreuses informations de manière très accessible et j'étais contente de le recevoir.
Un grand merci à Babelio et son Opération Masse critique ainsi qu'aux Presses universitaires de France pour cet envoi.