AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782070320981
208 pages
Gallimard (15/06/2006)
3.54/5   117 notes
Résumé :
Souvent, depuis le début de notre relation, j'étais restée fascinée en découvrant au réveil la table non desservie du dîner, les chaises déplacées, nos vêtements emmêlés, jetés par terre n'importe où la veille au soir en faisant l'amour. C'était un paysage à chaque fois différent. Je me demande pourquoi l'idée de le photographier ne m'est pas venue plus tôt. Ni pourquoi je n'ai jamais proposé cela à aucun homme. Peut-être considérais-je qu'il y avait là quelque chos... >Voir plus
Que lire après L'usage de la photoVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
3,54

sur 117 notes
5
5 avis
4
5 avis
3
2 avis
2
3 avis
1
0 avis
Voilà un livre qui ne peut laisser indifférent à mon avis ceux qui liront ce récit à deux voix.
Parler de sexe à partir de photos de vêtements jetés dans l'excitation de l'acte, photographiés après les ébats. On pourrait dire, voilà un speech pour intellos tordus. Oui mais voilà, si le sexe est ainsi mis en scène, c'est parce que leurs auteurs sont dans un moment difficile de leur existence, Annie Ernaux se bat contre un cancer du sein, Marc Marie fait le deuil de sa mère. Deux êtres bousculés dans leurs chairs et leurs coeurs, le sexe comme une sorte d'exutoire face à la mort envisagée. N'y voyez aucun voyeurisme là dedans, le propos tient dans la réflexion de nos brèves et fragiles existences. Et la photo est réussit.
Commenter  J’apprécie          380
L'Usage de la photo, récit écrit à deux voix par Annie Ernaux et Marc Marie, est de ces livres qui ont pu choquer au moment de leur parution, et qui demeurent encore peu explorés par la critique, sans doute parce que quelque chose a été « blessé », comme a pu le penser en son temps Roland Barthes face à d'autres ouvrages connaissant le même sort. le tabou relevait certainement, comme a pu me le suggérer Annie Ernaux elle-même, de l'utilisation dans son texte de photographies qui ne représentent pas des personnes, mais des vêtements, des vêtements épars et emmêlés, qui demeurent la seule trace matérielle de la jouissance éprouvée lors de l'acte amoureux. Car s'il est un thème qui dirige ce livre, c'est bien celui, controversé, de la consommation de l'amour, cet amour né entre Annie Ernaux et Marc Marie à une période où aucun des deux ne l'attendait, chacun se trouvant subitement confronté à la mort, la première parce qu'elle se voit annoncer son cancer du sein, le second parce qu'il vient de perdre sa mère. Jamais la citation de Georges Bataille placée en exergue du propos, qui veut que « l'érotisme [soit] l'approbation de la vie jusque dans la mort », n'aura alors eu autant de sens. de fait, s'il est ici question d'acte sexuel, c'est certainement d'abord parce qu'il peut être considéré comme une preuve de vie, d'autant plus essentielle alors que tout autour d'eux disait la maladie et devenait des « présages de mort », en commençant par le corps de la femme qui se trouvait profondément marqué par les stigmates de la maladie, que l'on songe à l'absence de cheveux et de poils, au cathéter placé sous la clavicule, ou encore à la poche de chimiothérapie parfois portée sur le ventre. Dire le plaisir pris dans l'ébat, c'est alors d'une certaine façon témoigner de ce que le cancer ne doit pas le prix que peut revêtir cette vie qui nous est si précieuse, et à laquelle il faut continuer de croire. Ainsi, Annie Ernaux pourra dire de cette relation avec Marc Marie, dans laquelle « la maladie n'est non seulement pas exclue mais, d'emblée, intégrée » sans toutefois qu'elle ne puisse jamais « atteindre [leur] amour », qu'elle « [la] fai[sai]t vivre au-dessus du cancer ».

Pour autant, la menace de la mort demeure, nul ne peut l'ignorer, et l'écriture à partir de photographies devient également une façon de la dire, peut-être même la seule possible : « Un jour, il m'a dit : « Tu n'as eu un cancer que pour l'écrire ». J'ai senti que, en un sens, il avait raison, mais jusqu'ici, je ne pouvais pas m'y résoudre. C'est seulement en commençant d'écrire sur ces photos que j'ai pu le faire. Comme si l'écriture des photos autorisait celle du cancer. Qu'il y ait un lien entre les deux. ». Si ce lien est de fait si puissant, c'est parce que la photographie induit, par son essence même, une dialectique absence/présence à même de figurer ce qui s'y joue pour l'individu. Parce qu'elle fige une scène selon un angle de vue particulier, elle ne peut prétendre saisir l'intégralité du monde qui nous entoure, et cache finalement autant qu'elle montre. Les auteurs insistent à de multiples reprises sur ce point fondamental, eux qui font régulièrement appel à leur mémoire pour restituer l'ambiance, les odeurs, les sensations qui ont pu accompagner la scène dont ne demeurent que quelques vestiges froids. Ainsi, de la « cuisine matinale, 16 mars », il ne demeure dans la photo « rien des odeurs de la cuisine le matin, mélange de café et de toasts, de nourriture pour chat, d'air de mars. Rien des bruits, le déclenchement régulier du frigo, peut-être la tondeuse des voisins, un avion vers Roissy. Juste de la lumière qui tombe pour toujours sur le carrelage, les oranges de la poubelle, le bouchon vert de la bouteille d'eau de Javel. Toutes les photos sont muettes, celles prises dans le soleil du matin plus que d'autres ». de là le pas est mince qui consiste à dire que la photographie « déréalise », à tel point même qu'Annie Ernaux pourra décrire plus loin son « impression que M. a photographié une toile abstraite dans une galerie de peinture [tant] tout est transfiguré et désincarné ». Désincarné, comme un corps sans vie: face à une photographie qui « n'éveille » plus « rien en elle », Annie Ernaux ne peut plus que se résoudre à faire le constat de la vie qui échappe: « Il n'y a plus ici ni la vie ni le temps. Ici je suis morte. ». Décrire des photographies comme le font ici les deux auteurs, devient alors nettement une façon de se confronter directement à cette disparition du corps, disparition qui la menaçait alors, et qui nous menace en réalité tous.

Dès lors, tout cet ouvrage peut être lu comme une belle tentative d'Annie Ernaux et de Marc Marie de poser un regard intime sur eux-mêmes, dans leur fragile condition d'êtres humains.


Lien : http://ecumedespages.wordpre..
Commenter  J’apprécie          210
Voilà bien un livre qui m'a laissée mitigée.

Je voulais lire un livre d'Annie Ernaux. Faisant de la photo, j'ai été attirée par le titre, ai mal lu le quatrième de couverture et me voici embarquée dans une aventure improbable : les commentaires de deux amants sur leurs affaires laissées éparses après leurs ébats. Bon, on a tous connu cela, mais de là à livrer cet exhibitionnisme. Moi ces vêtements, cela veut dire cela pour moi et me rappelle ceci. Mais non ou mais oui, qu'importe, pour moi, je me souviens de la même chose. Ou pas.

Je ne suis pas voyeuse et cela m'a vite profondément ennuyée. Pas que je ne peux pas comprendre que ce genre de scène ne puisse laisser les auteurs se remémorer l'urgence ou la douceur d'un geste… mais de là à le partager et, qui de plus est, en faire un livre….

Bref ...
Commenter  J’apprécie          151
📸 « Tout homme avec qui j'ai eu une histoire me semble avoir été le moyen d'une révélation,différente à chaque fois. La difficulté que j'ai à me passer d'un homme vient moins d'une nécessité purement sexuelle que d'un désir de savoir. Quoi, c'est ce que je ne peux pas dire. Je ne sais pas encore pour quelle raison j'ai rencontré M. »
(P.88)

📸 Par terre, des tas de vêtements. Des dessous, des châles, un pantalon, une jupe et des bas, des escarpins et des bottes. le tout est jeté au sol, abandonné, entortillé. Les photos saisissent les vêtements retournés, emmêlés, restes d'une passion dévorante et sauvage vécue par les narrateurs, A. et M. qui, pendant des mois, ont pris les photos de leurs vêtements jetés au sol, et ont ensuite écrit, séparément, leurs pensées, leur ressenti, pour en saisir le sens, pour évoquer les nuits d'amour, les instants de passion, ou alors leur propre solitude, une introspection, parfois la recherche de l'autre, une explication, une raison à cela. Ce désordre, ce hasard, cet amour.

📸 Que saisir dans le désordre des dessous ? Dans une lumière tamisée ou brûlante, une chambre ou une cuisine, un hôtel ou une maison de campagne ? Là photo ne dit rien, elle n'évoque rien pour le spectateur, mais elle révèle tant de choses à celui qui en fut acteur, qui y a laissé sa trace, comme un costume qu'on enlève après une représentation, le théâtre de la vie et ses coulisses, après le feu de la rampe que reste-t-il ? On aura beau mélanger les vêtements, il n'en reste pas moins que l'on est seul après, avec des souvenirs, des sensations propres, une certaine fatalité qu'aucun feu ne saurait éteindre. Il faudrait ajouter aux photos les textes et les chansons, pour que s'étende autant que possible la vibration de l'instant qui s'est enfui, pour que le lecteur la ressente et la saisisse.

📸 Aussi intime soit-il, cet ouvrage saisit l'universalité de la finitude de l'être humain, sa déréliction, la vanité des souvenirs que l'on essaie de garder et dont le sens disparaît à mesure que la valse de la vie fait entrer et sortir de nos vies ceux qui l'ont partagée, un instant, des années, jamais ou une éternité.
Commenter  J’apprécie          80
Annie Ernaux continue son exploration autobiographique mais dans une nouvelle mouture. Ce livre est en effet écrit à quatre mains et a pour support des photographies du quotidien. On découvre, avec beaucoup de subtilité et de pudeur, les émotions et les pensées de quelqu'un qui a eu un cancer et de quelqu'un qui partage la vie d'une personne atteinte de cancer. Cela se lit d'une traite.
Commenter  J’apprécie          20

Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Clinique de Pontoise ...
J'ai longtemps vu traîner un Madame Figaro ou figurait sur la couverture une fille aux seins nus sous une robe en voile. Il y avait écrit en gros caractères OSEZ LA TRANSPARENCE !
En France, 11 % des femmes ont été, sont atteintes d'un cancer du sein. Plus de trois millions de femmes. Trois millions de seins couturés, scannérisés, marqués de dessins rouges et bleus, irradiés, reconstruits, cachés sous les chemisiers et les tee-shirts, invisibles. Il faudra bien oser les montrer un jour, en effet.
Commenter  J’apprécie          190
Souvent, depuis le début de notre relation, j'étais restée fascinée en découvrant au réveil la table non desservie du dîner, les chaises déplacées, nos vêtements emmêlés, jetés par terre n'importe où la veille au soir en faisant l'amour. C'était un paysage à chaque fois différent. Je me demande pourquoi l'idée de le photographier ne m'est pas venue plus tôt. Ni pourquoi je n'ai jamais proposé cela à aucun homme. Peut-être considérais-je qu'il y avait là quelque chose de vaguement honteux, ou d'indigne. En un sens, il était moins obscène pour moi de photographier le sexe de M. Peut-être aussi ne pouvais-je le faire qu'avec cet homme-là et qu'à cette période de ma vie.
Commenter  J’apprécie          40
Je me demande si, comme je le fais, ne pas séparer sa vie de l'écriture ne consiste pas à transformer spontanément l'expérience en description.
Commenter  J’apprécie          20
L’été qui, par le mot même qui le désigne dans la langue française, se vit toujours comme déjà fini. L’été ne peut qu’avoir été
Commenter  J’apprécie          10
L'été (...) se vit toujours comme déjà fini. L'été ne peut qu'avoir été. (p. 100)
Commenter  J’apprécie          10

Videos de Annie Ernaux (95) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Annie Ernaux
En 2011, Annie Ernaux a fait don au département des Manuscrits de la BnF de tous les brouillons, notes préparatoires et copies corrigées de ses livres publiés depuis "Une femme" (1988). Une décennie et un prix Nobel de littérature plus tard, elle évoque pour "Chroniques", le magazine de la BnF, la relation qu'elle entretient avec les traces de son travail.
Retrouvez le dernier numéro de "Chroniques" en ligne : https://www.bnf.fr/fr/chroniques-le-magazine-de-la-bnf
autres livres classés : cancerVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (280) Voir plus



Quiz Voir plus

Connaissez-vous vraiment Annie Ernaux ?

Où Annie Ernaux passe-t-elle son enfance ?

Lillebonne
Yvetot
Bolbec
Fécamp

10 questions
294 lecteurs ont répondu
Thème : Annie ErnauxCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..