Il est difficile de rendre compte d'un ouvrage aussi riche, qui fait le tour de la Méditerranée en rassemblant tous les poètes contemporains pour les éditer en édition bilingue, avec un choix extraordinaire de langues (arabe, yiddish, turc, grec, espagnol, italien, etc), de thèmes et de registres. le lecteur ne peut que se promener dans cet univers foisonnant et se laisser guider par le hasard ou son instinct.
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Très belle anthologie qui nous entraîne tout autour de "Mare Nostrum" nous offrant à lire et entendre les voix des poètes de tous les pays qui la bordent. J'apprécie que le choix ne se soit pas porté sur les noms les plus connus (à quelques exceptions près) ce qui permet au lecteur de découvrir et de s'émerveiller (car la poésie est émerveillement) . de plus les textes sont proposés en français et en version originale ce qui permet , si on le peut, d'écouter chanter les mots.
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Excellente anthologie et excellente idée que celle de réunir en un volume l'âme contemporaine de la Méditerrannée. J'ai eu le bonheur d'y découvrir Thomassis Hatzopoulos, Katerina Anghelaki, Vlada Urosevic et Bianca Andrea, au détour de quelques poètes familiers...
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Comme dans toute anthologie, pour les quelques pays connus, j'aurais voulu ajouter d'autres noms, mais ce choix, forcément personnel, est déjà très large. Un tour de la mare nostrum source de découvertes, d'envies de prolonger avec bon nombre des écritures.
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un trés joil tour d'horizon de cette région merveilleuse. la poésie ici àa un goût de soleil et une odeur d'épices.
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Une centaine d'auteurs, 24 pays, autant d'horizons, de rivages. La poésie est née tôt et elle n'est pas près de mourir.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Rien n’est plus beau
qu’un amour qui ne soit pas immortel
qui a la souple respiration du voilier
endormant la vague
prodige oui mais qui se sait tributaire
d’un vent si incertain
qu’il voudrait d’un seul déploiement de son erre
boire toute une nuit d’étoiles et de lune pleine
un amour comme une joie d’enfance
grandie de sa fin trop proche
ce qui se tient timide
au faîte de l’instant
nid d’hirondelle
dans le noir
ah ce n’est pas cela un amour de légende
qui se targue des mélancolies
et geint à genoux sous la couronne des roses
toi mon aimée demeure princière en ton rire
chaque matin devant ta mort et ma mort
sois libre et fière et ferme
car il suffit de la caresse d’un rire
pour que tout en nous se recompose
et que soit le monde uniment
sous nos mains le passage et la durée
la nudité d’une âme dans la douceur du corps
nous mourrons mon amour sans rien perdre
si nous séjournons visages étonnées
dans l’instant qui nous prolonge
et fait de nos gestes les plus simples
— baiser murmure épaule lente —
un feu dormant
demeurons mon aimée
fût-ce au cœur d’un sanglot silencieux
une joie ouverte
sommet de l’éclair
rire et bonté persistants
dans la disparition
(Jean-Pierre Siméon)
extrait du Laocoon de Vasco Graça Moura :
j’ai un jour demandé comment mettre le monde
dans un poème, je ne l’ai pas appris, et pendant des années
je n’ai pas su si quelqu’un pouvait me répondre.
mais aujourd’hui je comprends mieux mes doutes :
ce n’est qu’au temps d’homère que le monde
tenait dans quelques vers, ensuite il n’y eut plus
cette coïncidence fulgurante
qui faisait entrer le réel à l’intérieur des mots
en un rythme inaugural du son et du sens
martelant la plaque ductile de la mémoire
sur l’enclume sonore au timbre rocailleux, sophia savait cela
c’est pour cette raison, peut-être, que virgile moribond voulut déchirer son poème.
les mythes sont peu à peu devenus simple littérature
et la littérature un regard extérieur sur des fragments barbares et
nostalgiques des baumes et des dieux.
c’est dans la douleur de l’impossible retour que, parfois,
nous croyons retrouver le bouclier d’achille,
en le confondant avec la face de la méduse ; nous découvrons le temps
de ce côté-ci de l’éternité et ne sommes pas innocents,
même en doutant des grecs, même en les redoutant.
[…]
mais dans notre poème
nous ne mettons qu’amertume et souffrance,
des escaliers de verbe et de vent, le souffle fallacieux de l’histoire
au milieu de l’écume, du creux des hautes vagues, tout nous
empêchant d’attraper le monde, de toucher,
comme homère le montra, sa sauvage fraîcheur.
(Traduction de Michelle Guidicelli)
Amour solaire
Lassé des hommes j’écarte les nuages
Cherchant un arbre où je pourrais
Boire en paix et en paix
Edifier mon nid. Là
Sur le tronc le plus silencieux de la grande maison
Je ne suis citoyen d’aucun pays
Ni père d’aucune famille
Je suis simplement le plus humble chien
Du monde existant au-delà du monde
Où l’on mesure au millimètre près
Le bien et le mal. Mais je ne suis plus
Dans cette cour je me suis éloigné
Quand j’ai perdu le sens exact du poids
Et des mesures – quand quelqu’un m’a dit
Et je l’ai vu
Que dans une goutte de vin il y a mille ans
D’amour solaire.
// Casimiro de Brito (1938 -)
/Traduit du portugais par Michelle Giudicelli
Ce sera exactement…
À Sofia, 19 novembre 1993
Ce sera exactement comme aujourd’hui, l’olivier sur le balcon
le vent qui transforme les nuages. Au-delà du siècle
dans les crépuscules que ni toi ni moi ne verrons
quand les années seront des branches
avec quoi pousser des choses sans destination
dans les soirs ou d’autres gens
se regarderont comme en ce moment
dans le sommeil, l’obscurité
pareils à des moulages de volcan inclinés dans la cendre blanche.
Je replie le drap, j’éteins la dernière lampe.
J’attends que tes tempes battent doucement contre les couvertures
je laisse la nuit s’agenouiller
sur ton rapide novembre.
/Traduit de l’italien par Jean-Baptiste Para
// Antonella Anedda (1958 -)
Éthique
J’arrive devant la mer, ses vagues,
les marées que septembre courrouce, les gris
et les bleus qui alternent avec d’étranges verts;
une voix traite de la folie, ou du regard vide
des poissons, ou d’un thème aussi desséché que les algues
à marée basse; un vent a parcouru la plage,
dans le silence du soir, restituant au corps des eaux
une unité ancienne. La mer, cependant, suppose
qu’on l’oublie. Dans ses profondeurs, dorment les images
que le sommeil ne conserve plus; des bras qui s’agrippent
aux mâts du naufrage. Un navire abstrait
est passé lentement sur l’horizon que le matin n’a pas vu,
pénétrant de l’autre côté de la terre, par instants
oublié par la musique des ports. Le poème, m’a-t-on dit,
a ignoré cette distraction : il a traversé
la limite de l’éternité, s’est vêtu de mots
nocturnes, a laissé la mort le contaminer.
En bord de mer, je ne m’aperçois de rien; et je le dis,
lentement, répétant à voix basse
toutes ses contradictions.
(Nuno Júdice)