Ce n'est pas évident à deviner à partir du titre, mais cette pièce est une nouvelle fois consacrée aux Labdacides – cette tragique famille régnante de Thèbes au moins aussi défavorisée par l'attention des dieux que les Atrides.
Cette fois-ci, et même si elle est centrée sur le conflit entre les fils d'Oedipe, Étéocle et Polynice, la pièce balaie l'ensemble des événements qui s'acharnent sur la famille, soit dans le corps du récit, soit contés par le choeur. A peu près tout y passe : la prophétie indiquant à Laïos qu'il n'a pas intérêt à avoir un fils, la naissance d'Oedipe malgré tout et son éloignement immédiat de Thèbes, Oedipe qui tue son père Laïos sans le savoir, sauve Thèbes de la Sphinge et épouse sa mère Jocaste avec laquelle il a deux fils et deux filles, Oedipe qui renonce au trône et se crève les yeux quand ce qu'il a fait est révélé, son fils Polynice banni par Étéocle qui revient assiéger Thèbes avec l'aide des Argiens, la bataille des Sept contre Thèbes et les deux frères qui s'entretuent,
Antigone fille d'Oedipe qui s'oppose à ce que Polynice soit privé de sépulture et qui quitte Thèbes en accompagnant son vieux père.
Ouf ! Je reprends mon souffle.
Faire rentrer tout ça dans une seule pièce est une gageure. La pièce en devient surchargée. La préface déclare d'ailleurs que l'hypothèse existe selon laquelle la dernière partie de la pièce – dans laquelle
Antigone joue son rôle – a été ajoutée par d'autres qu'
Euripide. Certains dialogues bénéficient d'un rythme endiablé, comme ceux mettant Étéocle et Polynice face à face ou la description de la bataille par les messagers. D'autres sont au contraire ennuyeux, comme la litanie décrivant par le menu les Sept et leurs adversaires thébains, personnages oubliés dès que mentionnés.
Euripide a souhaité de plus ajouter ou modifier des événements racontés par ses prédécesseurs : Jocaste ne s'est pas tuée lorsqu'elle a compris l'inceste qu'elle et Oedipe ont perpétré (
Sophocle) ; elle tente ici de rabibocher ses deux fils et se tue lorsque ceux-ci ont fini de s'entretuer. On a également un sacrifice, celui Ménécée fils de Créon, exigé par certains dieux pour assurer la victoire des thébains ; un événement à la Iphigénie qui alourdit inutilement la pièce. La pièce synthétique des Labdacides finit par devenir un fourre-tout.
Suite à ma lecture de la Guerre du Péloponnèse de Hanson, je me sens obligé de regarder le texte sous un angle politique. La pièce est donnée peu d'années avant la fin de la guerre, alors qu'Athènes, bien que dans une situation compliquée, n'a pas perdu son combat contre Sparte et, justement, Thèbes. le sacrifice de Ménécée pour sauver sa cité et sa tirade prend un sens selon cet angle, pour revigorer le nationalisme des athéniens. Je suis également tenté de faire un parallèle entre le traitement positif accordé à Polynice – thébain banni qui se tourne contre sa cité tout en cherchant à la libérer de son frère – et Alcibiade, stratège athénien condamné par son peuple suite aux déconvenues de l'expédition de Sicile, passé à Sparte puis cherchant à se rapprocher à nouveau d'Athènes.
Au final, si cette pièce synthétise l'aventure des Labdacides et est intéressante à lire pour cela, elle est loin d'égaler
Oedipe-roi,
Antigone ou Les Sept Contre Thèbes en terme d'art théâtral. C'est en tout cas mon ressenti.