Un disciple de Shri Aurobindo raconte qu'un jour le neveu de Gandhi, fervent adepte des principes prônés par son illustre oncle, vint rendre visite au non moins célèbre philosophe, auteur de La Vie Divine, et le trouva en train de savourer un énorme cigare. Ravalant sa vertueuse indignation, le jeune homme marmonna : "je ne savais pas que vous étiez ainsi attaché au tabac ! "; ce à quoi Aurobindo répondit, après avoir tiré sur son havane, "je ne savais pas que vous étiez ainsi attaché au non-tabac...
Du seul point de vue des circonstances relatives de la vie, « le pire est toujours certains ». vieillesse, maladie, soucis et contrariétés seront au rendez vous. Les sages ne nous promettent pas le bonheur des diseurs de bonne aventure, mais une disposition intérieure stable par laquelle les évènements, quels qu’ils puissent être, concourront à notre bien ; car il est vrai, comme l’affirmait Epictète, que « ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, mais les opinions qu’ils en ont »
A l’étroit dans leur univers d’interdits, de peurs et de désirs sans cesse refoulés, la plupart des humains n’aiment guère voir leur semblable amorcer son envol et souhaitent en vérité que chacun demeure sagement rivé à son piquet. Médiocrité et inertie aiment à contempler leur effet, aussi en appelle-t-on à un soi disant « bon sens » pour dissuader quiconque manifeste l’intention de s’aventurer hors des sentiers battus. Pour tout encouragement, l’explorateur en herbe recueille des sentences sans appel ou des haussements d’épaules trahissant le scepticisme de ses proches face à cette nouvelle lubie.
Nos angoisses et appréhensions sont certes multiples, mais toutes ont leur origine dans un seul et unique refus, celui de la souffrance. L’acceptation inconditionnelle de toute douleur, présente ou à venir, grande ou petite, physique ou émotionnelle, a donc pour conséquence logique l’assèchement en nous de la source où s’abreuvent nos peurs
Auprès de Swami Prajnanpad, Arnaud trouvera l’audace d’étreindre sa propre misère. « Vous êtes un mendiant » lui dira le maître ; « Vous mendiez l’amour ». Dans la solitude de quelques huttes en terre, l’homme de quarante ans pleurera de tout son cœur de n’être qu’un enfant suspendu aux regards et aux admirations des autres, s’agrippant à l’existence comme les misérables en Inde s’accrochent aux vêtements de passant et, sans la moindre dignité, supplient qu’on leur fasse l’aumône
Interview de Gilles Farcet, écrivain, collaborateur d'Arnaud Desjardins, par le CICNS