Colette Fellous éprouve une admiration particulière pour
Marguerite Duras. C'est à l'occasion de la parution d' «
Emily L. » qu'elle se rend au domicile de l'auteure pour un entretien autour de cet ouvrage. La rencontre va rapidement prendre une dimension à laquelle
Colette Fellous ne s'attendait pas. Pour l'occasion, elle avait enfilé « un gilet en grosse laine rouge et blanc et un petit foulard de soie léopard tacheté noir et blanc ». Soudain, son interlocutrice la fixe et lance : « Tu vois, j'étais exactement comme toi. le même foulard, les mêmes couleurs, pareille. »
En sortant, Colette écume les boutiques du quartier à la recherche de cet accessoire, afin de l'offrir à son idole. Et bien plus tard, en détaillant des photos de l'auteure,
Colette Fellous se rend compte que celle-ci a porté son cadeau sa vie durant. C'est un lien de plus qui se tisse entre elles deux.
Au fil de pages,
Colette Fellous raconte des épisodes de la vie de
Marguerite Duras, se perdant souvent en digressions. Tantôt, elle explique certains passages des oeuvres qui l'ont marquée. Ici, Marguerite assiste à des répétitions de pièces adaptées de ses livres, là, elle dirige des acteurs lors du tournage d'un de ses films. Elle l'évoque jeune, lorsque sa mère se battait contre le Pacifique, ou encore dans sa vie quotidienne. Elle parle de ses amours, notamment avec
Yann Andrea. Elle fait allusions aux problèmes de santé. Yann arrange « les plis de son foulard léopard, pour bien cacher les traces de sa trachéotomie récente. »
Elle-même met ses pas dans ceux de la jeune fille au centre de « L 'Amant ». Elle visite la maison de celui-ci et reconnaît « le petit foulard léopard sur deux photos dans l'entrée ». Elle évoque « ses yeux bleus et purs », sa voix : « ce sont des ordres, le ton est presque militaire » lorsqu'elle conseille les comédiens. Elle s'est « modifiée après cette opération, mais elle avait gardé les mêmes intonations, les mêmes suspens entre les mots ».
Comme un fil rouge, tout au long des pages sont semées des descriptions de vêtements, de tissus : « sa robe, je crois qu'elle était bleue », « j'étais debout, en robe noire », « toujours élégante, vêtue de blanc », « une laine usée, un peu rêche », « elle regarde à travers la soie noire », « jupe droite pied-de-poule et bottines Weston », « magnifique robe de satin jaune », ou, sur la représentation du bandeau de couverture : « ce feutre marron, les bagues, le foulard, la chemise blanche ».
Car cet ouvrage est parsemé de photos, ce qui est très agréable, et parfois,
Colette Fellous les détaille, y entre, revit un moment hors du temps.
Elle mentionne des noms célèbres qui ont côtoyé
Marguerite Duras, ou se sont approprié ses romans :
Jean-Luc Godard,
Jean-Jacques Annaud,
Bulle Ogier,
Jean-Louis Barrault et tant d'autres.
Colette Fellous écrit : « un foulard, lorsqu'il est imprimé, cache toujours son motif, il ne laisse apparaître une fois noué autour du cou que des couleurs, des lignes, des taches, il faut le déplier entièrement pour voir son dessin ».
Je pense que c'est
ainsi qu'elle a construit son texte : des petits détails à droite et à gauche, sans lien apparent. A la fin de l'ouvrage, lorsqu'on y réfléchit, on voit se dessiner la silhouette de
Marguerite Duras dans sa totalité. C'est très réussi.
En refermant le mince opuscule, on a l'impression d'avoir passé quelques heures entre Colette et Marguerite.
Ce récit m'a plu.