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Pierre Furlan (Autre)
EAN : 9782359841343
352 pages
Esperluète éditions (21/01/2021)
4/5   8 notes
Résumé :
Une riche et originale New-Yorkaise, Mattina Brecon, décide de passer deux mois en Nouvelle-Zélande dans la ville qui a vu naître la légende maorie de la Fleur du Souvenir. Elle ne se doute pas que la rue où elle élit domicile va être le théâtre de phénomènes étranges, peut-être attribuables à l'influence d'un astre appelé l'Etoile de Gravité. Ces phénomènes se traduisent par la fracturation de la langue - déjà rendue inauthentique par son utilisation commerciale et... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Prenez une Américaine disposant d'une confortable fortune, et qui souhaite « connaître le monde ».
Baptisez-là Mattina.
Expédiez-là en Nouvelle Zélande, pour qu'elle découvre « la vraie vie » ou « les vrais gens », dans une petite ville, à Puamahara, qui a vu naître la légende maorie de la « Fleur du Souvenir. » Faites-la résider rue Kowhai, d'où elle pourra rencontrer ses voisins pendant deux mois.

Il y a l'accordeur de piano, sa femme et leur fille autiste, il y a le veuf qui tend sa pelouse, il y a le dépanneur informatique qui teste de simulateurs de vol chez lui, l'ancien prisonnier de la guerre qui se croit encore toujours dans les camps, et il y a enfin une femme qui se dit écrivain mais surtout « impostrice ». Toutes ces personnes ne sont plus toutes jeunes – et c'est une caractéristique qui aura son importance pour la suite.
Et des fleurs. Beaucoup de végétation dans ce petit village de Nouvelle Zélande, où le jardinage semble être un passe-temps très commun.
Et des souvenirs ? Que signifie cette légende de la « Fleur du souvenir » dont on voit les pancartes un peu partout ? Un simple « attrape-touriste », piège dans lequel Mattina serait tombée ?

Pas si simple.
Derrière la vie d'un quartier dans les années 70 dans une province qui se modernise peu à peu, derrière les façades propres et coquètes il ne se passe pas grand-chose. Tout cela ne serait sans doute que très banal – la vie paisible d'une rue d'une petite ville de Nouvelle-Zélande – si l'autrice n'introduisait pas à partir de la page 220 un élément insolite : « l'Etoile de la gravité ». Cet astre fictif, distant d'environ 7 Milliards de kilomètres, provoque des effets étranges dont la désintégration du langage.

Commence alors une partie étrange, onirique, fantastique, avec la présence de cette étoile qui « oeuvre à la transformation de l'être, de la pensée, et du langage ».
Mattina va vivre alors une nuit de cauchemar, où tous les habitants de la rue vont se mettre à crier, à vociférer, à pousser des sons primitifs, une sorte de cri primal de ceux qui n'ont jamais connu ou prononcé de mots, mais dont l'urgence de communiquer se traduit par un mélange de syllabes isolées, de voyelles et de consonnes. Science-fiction ? Mauvais rêve ? Fable ?

Il se met à pleuvoir. Mais ces « gouttes de pluie » sont constituées d'apostrophes, de notes de musique, de lettres d'alphabet de toutes les langues.
Et le lendemain tous les habitants ont disparu : un véritable cataclysme s'est produit pendant la nuit. Des brancardiers viennent chercher les corps, tandis que Mattina se cache pour ne pas se faire emporter elle aussi.
Ne s'agirait-il pas plutôt d'un cauchemar nocturne ? le petit tas de lettres retrouvées le lendemain dans sa maison semble prouver que non. Et ce qui surprend le plus Mattina, c'est que cela ne semble étonner personne dans la ville, et qu'on oublie très vite qui avait habité là pendant des années. Une sorte de chape de plomb d'étouffement et d'oubli tombe sur la ville, comme s'il fallait effacer cet évènement incompréhensible - un déni qui a un caractère insupportable pour notre Américaine. Mattina se trouve donc dans l'obligation de racheter toutes les maisons de la rue, puisque celles-ci sont devenues mystérieusement à vendre, du jour au lendemain.

S'ensuit alors un long passage où Mattina évoque la rencontre avec son mari Jack, alors auréolé de la gloire d'un premier roman, la naissance de leur fils John Henry 8 ans plus tard, et surtout l'impuissance de Jack à écrire un second roman, malgré les conditions luxueuses que lui fournit son épouse. Ce voyage lointain n'aurait-il pas pour objet de la rapprocher de son mari, paradoxalement ?

« Si loin, si proche » semble être la devise de cette mystérieuse étoile qui bouscule tous les repères classiques. Et pendant ces deux mois à Puamahara, Jack semble avoir trouvé l'inspiration pour ce fameux second roman qu'il n'arrive pas à écrire, trente ans après le premier succès, comme semble l'annoncer le télégramme qu'il fait parvenir à sa femme.

Et Mattina rentre aux Etats-Unis où rien ne se passe comme prévu.
Ce n'est pas Jack, mais leur fils John Henry qui va publier un livre (le télégramme adressé était effectivement équivoque). Et puis elle est malade. Gravement.
Il y a de très belles pages lorsqu'elle retrouve son mari Jack, qu'elle lui raconte la rue de Puamahara, et qu'elle lui fait jurer d'y aller lui aussi après sa mort.
Ce qu'il fera, puisque Mattina ne tardera pas à partir au milieu des siens.

J'avoue que j'ai une affection toute particulière pour Janet Frame, poète et écrivaine néo-zélandaise, née en 1924, et connue essentiellement pour son roman « Un ange à ma table » qui a eu une forte influence sur moi. Son histoire personnelle est connue aussi, puisque son roman, en partie biographique, a fait l'objet d'une adaptation au cinéma par Jane Campion pour un film avec le même titre. Issue d'une famille ouvrière de cinq enfants, elle se passionne très tôt pour la littérature, qu'elle étudie, et veut devenir « poète». Diagnostiquée schizophrène, elle échappera de justesse à une lobotomie du cerveau, sauvée par une première publication d'un premier recueil de nouvelle couronnée d'un prix littéraire.

Paru en 1988 en Nouvelle-Zélande mais tout juste traduit en français, onzième livre écrit par Janet Frame, « Les Carpates » traitent du thème du langage, des risques de disparition ou de transformation – intuition de l'avènement de l'ère de la communication et de la langue de bois – mais aussi de l'importance de la trace, du souvenir, de l'écriture pour lutter contre l'oubli – ce n'est pas un hasard si les habitants de la rue étaient tous plutôt âgés.

L'observation de la rue Puamahara a un petit côté « La vie mode d'emploi » de Georges Pérec. Mais la partie fantastique m'a laissée un peu perplexe. Il faut sans doute l'entendre au sens métaphorique, comme semble l'indiquer aussi la préface de Pierre Furlan.
Mais pourquoi ce titre des « Carpates » qui semble si mal convenir à ce récit énigmatique ? Peut-être par référence à ce qui est le plus éloigné de nous (puisque la distance entre la Nouvelle Zélande et les Carpates est sans doute l'une des plus grandes, à l'autre bout de la planète).

Je remercie Masse Critique de m'avoir adressé ce roman que l'ai lu avec avidité.

Roman mystérieux mais pas dénué de charme, « Les Carpates » relève à la fois de l'utopie, du message philosophique (l'oubli et le déni signifient rien de moins que la perte de l'humanité) et de l'idée qu'il faut parfois quitter un lieu ou des personnes pour mieux, à distance, les cerner.
Récit fabuleux ou métaphore, au fond peu importe, l'écriture de Janet Frame perdure bien après qu'on ait refermé la dernière page.

Lien : http://versionlibreorg.blogs..
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Janet Frame, originaire de Nouvelle-Zélande, est connue dans les pays anglo-saxons pour ses récits originaux et sa formidable imagination. Déclarée schizophrène à la suite d'une tentative de suicide, elle se retrouve internée dans un asile psychiatrique. Huit ans plus tard, après près de deux cents électrochocs, elle en ressort grâce à un prix littéraire pour sa nouvelle « le lagon » qu'elle a écrite pendant son internement.

Intriguée par le résumé du roman et la vie de l'auteure, j'ai demandé lors de la dernière masse critique à pouvoir lire ce roman. Je remercie Babelio et les éditions Esperluète pour leur envoi et j'espère qu'ils ne m'en voudront pas trop de ma réserve quant à cette lecture.
*
« Les Carpates » est un roman exigeant, dense et complexe qui explore la mémoire, le temps et l'espace, le pouvoir de l'imagination.
A la fois poétique, mystérieuse, philosophique, l'écriture de l'auteure est aussi déroutante et m'a demandé un temps d'adaptation. Nous naviguons entre un récit fluide et clair, suivi de passages aux longues phrases nébuleuses d'une dizaine de lignes dont le sens m'a échappé à de nombreuses reprises. J'ai dû relire parfois plusieurs fois certains paragraphes pour saisir la pensée de l'auteure.
*
« Les Carpates » est une très belle réflexion sur la langue, le langage, et le pouvoir et l'importance des mots. L'auteure nous invite à nous interroger sur qui nous sommes. Chaque personnage du roman apporte une vérité, sa vérité. A nous de faire notre propre chemin.
« Les Carpates » est un roman sur la vie d'écrivain et l'acte d'écrire. Ce roman est je pense très personnel, l'auteure s'est inspirée de sa vie intime, de son expérience personnelle, de ses réflexions, de ses espoirs, de ses doutes, de ses peurs.
« Les Carpates » est un roman qui parle de nos peurs, de nos angoisses, de nos fragilités.
« Les Carpates » est un roman sur les souvenirs et le devoir de mémoire. Sa tâche d'auteure est de ramener à la lumière les évènements qui ont été oublié, le passé devant être transmis aux nouvelles générations.
« Les Carpates » est aussi un roman qui parlent du temps et de l'espace qui fluctuent. A l'image de Hercus Millow, un vétéran de la seconde guerre mondiale, le temps et l'espace se détraquent. Apparemment, il mène une vie paisible, mais il vit dans le passé, son esprit troublé par des souvenirs douloureux du temps où il était prisonnier en Allemagne.
*
Mattina, une riche New-Yorkaise, a tout ce qu'elle peut désirer : un mari qu'elle aime, un fils aimant, plus d'argent qu'elle n'en a besoin. Son seul désir est de voyager, de partir à la rencontre des gens, de les étudier et d'apprendre à leur contact.
Obsédée par le besoin de connaître la vie, l'histoire, les traditions, les mythes et les légendes d'autres cultures que la sienne, elle décide de s'installer pour deux mois à Puamahara, une petite ville de Nouvelle-Zélande, berceau de la légende de la fleur de la mémoire.
A cela s'ajoute la découverte de l'étoile de la gravité, à la proche et lointaine, qui affecte la rue Kowhai, bouleversant les concepts de distance et de proximité.
*
Intriguée, Mattita s'installe dans cette rue singulière. Elle fait la connaissance de ses voisins pour découvrir les secrets de cette rue et ressentir la présence de cette fleur unique et non identifié. On ressent comme un mystère, un soupçon de danger, de catastrophe imminente et d'incompréhension qui trouble et met mal à l'aise.
Que retirera-t-elle de ce séjour à Puamahara ?
*
Mon esprit cartésien a eu du mal à comprendre la métaphore de la fleur de la mémoire et de l'étoile de la gravité. Les explications de l'auteure, trop énigmatiques, trop complexes, m'ont désorientée.
Je pense que le récit concernant la légende de cette fleur et l'influence mystérieuse de cette étoile a pour vocation de nous faire comprendre l'importance de notre langue, de notre culture et de nos traditions. Nous ne devons pas les abandonner ou les laisser péricliter au profit d'une culture venue d'ailleurs.
*
Je n'aime pas cette sensation, mais à la lecture de ce récit, j'ai eu l'impression de ne pas avoir tout saisi des intentions de l'auteur, du message qu'elle voulait faire passer, comme si je n'avais fait qu'effleurer la surface du texte. Peut-être qu'une deuxième lecture serait nécessaire pour mieux comprendre la pensée de l'auteur et mieux appréhender les nombreuses réflexions soulevées.

Même si je ne suis pas vraiment entrée dans l'univers de Janet Frame, j'ai trouvé le style très original et l'écriture travaillée. A lire pour vous faire votre propre avis.
*
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Incroyable roman. Troublant. Entre l'ombre et la lumière, le récit grandit, s'élargit, s'épanouit. L'écrivaine fait naître, fait éclore.
Du microcosme d'une rue à la cosmogonie du monde, des mondes.
Souviens-tu. N'oublie pas. Transmets. Garde en mémoire, les noms, les lieux, les visages, les vies, le parfums des fleurs, le bruit de nos rues.
N'oublie rien de ce Récit. Garde. Les mots, les langues. Crée le souvenir. Imagine. Ce qui fut, ce qui est, ce qui sera. Lorsque l'étoile de gravité s'approche les repères, les certitudes s'évanouissent. Les espaces communiquent.
Troublant, déstabilisant. Mais les mots guident, comme des fils conducteurs. Souviens de venir pour revenir. Magie du Récit. Souviens toi de revenir, viens afin de devenir.

Une légende. Une fleur du souvenir. L' étoile de gravité.
Que devient un monde qui perdrait les mots, leur sens ?
Que devient un monde sans mémoire ?
Que devient le connu, le reconnu lorsque les mots sont oubliés, lorsqu'on les vides de la mémoire qu'ils contenaient ?
Qu'est ce qu'aller à l'inconnu ? L'inconnu de la vie, l'inconnu de la mort.
Jane Frame…
Mémoire. Elle qui a été si près de la perdre, de la voir anéantie, Elle qui à qui on devait faire subir une lobotomie, alors que le diagnostic de sa maladie était erroné. Elle , qui fut sauver par les mots, par ses mots.
Un livre peut sauver une vie.
Mémoire, souvenir. Dimensions des mondes que nous traversons, habitons. Nomades, toujours. Une chambre d'échos, toujours.
Propriétaire de rien. Sauf de ce que nous créons. Responsable plus que propriétaire. Dépositaires de savoirs. Artisans de connaissances.
le souvenir se construit, l'amour se construit. On se nourrit.
Entre rêve et réalité, nous accrochons nos étoiles à nos mots. Nous créons tous une réalité. Imaginable ou inimaginable. Faire devenir l'inimaginable. Être en capacité de projeter. L'inimaginable d'hier recèle l'imaginable de demain.
«  (…) alors qu'Ève avait goûté son propre lendemain et celui d'Adam, le femme du Maharawhenua a goûté le hier à l'intérieur du lendemain (...) »
Pour avancer, pour éclairer, pour dessiner la ligne de notre chemin. le souvenir porte les fruits de l‘avenir. Conte après conte, branche après branche, l'arbre donne et il grandit.
Poétique, philosophique, légendaire, prophétique, initiatique.
Un roman sur l'écrit, les mots, l'essence de nos vies. La dimension, les dimensions de nos vies. de notre mémoire, de nos souvenirs.
Comment une image peut-elle sembler si lointaine alors qu'un souvenir peut être si proche ? Par quel étrange passage notre esprit voyage-t-il ?
Au delà, en deçà, par de là.
Lorsque les distances ne veulent plus rien dire, lorsque le temps ne signifie plus rien, où vont les mots ? Tombent-ils comme des pétales de la fleur du souvenir ?
Deviennent-ils cendres ? Qui est auteur ? Qui est imposteur ?
Quelle fleur, quel arbre, quel fruit pourront demain nourrir notre Récit ?
Le conte d'une légende. La nôtre. Celle des petites poussières d'étoiles que nous sommes. «regarder loin, c'est regarder tôt» nous a appris Hubert Reeves.
Et regarder le proche, est-ce écrire le lointain ?..
et si tout , n'était qu'une mise en lumière.
Une force de gravité peut faire converger la lumière d'un astre comme le rappelle l'autrice dans ses notes.
« Les poètes qui vivent dans l'inimaginable connaissent depuis toujours l'Étoile de gravité ».

Un des prodiges de ce roman réside dans le fait que l'autrice a implanté son récit dans une simple rue et a été capable , et cela grâce à ses mots, de nous mener aux vergers de notre esprit.
Faire éclore une conscience. Faire naître en nous. Ensemencer les mots pour que nous devenions bien plus que des immortels : des vivants, en ayant pris conscience de ce que nous recevons, transportons, transmettons.
Onzième roman de Janet Frame. Bouleversante métafiction.
Une littérature stellaire qui nous rappelle que nous sommes toutes et tous, les Intendants de l'Ancien Printemps.
Toi qui viendras : souviens toi.
Un des plus grands romans de la littérature mondiale.
Merci aux éditions esperluète, et à Pierre Furlan le traducteur, qui ont oeuvré pour que la lumière de cette étoile nous parvienne.
Opération Masse Critique 02.2021

Astrid Shriqui Garain

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Un sens de la mise en abime étonnant ! On ne retrouve pas l'autrice de ses premiers romans. Là, elle se situe à l'opposé dans un monde créé de toute pièce autour de la Nouvelle-Zélande. Un village, une légende, une étoile tous inventés autour desquels elle place une américaine en villégiature. Cela donne un livre très décalé, au fil d'une imagination débridée où il faut se plier à sa fantaisie. C'est assez surprenant, parfois ennuyeux, parfois ésotérique (en particulier les deux 1ers chapitres). Une curiosité, mais loin d'être un passage obligé !
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Les Carpates est un roman que j'aime beaucoup et qui s'attache, assez poétiquement, à démontrer que le monde est bien plus fluide que nos modes de pensées binaires (induits par un langage ossifié). L'héroïne du roman, voyant sont attachement aux anciens modes de pensées fondre, retrouvera un attachement au monde et aux choses tout à fait différent
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Plus vite je serai rentrée à New York, mieux ce sera, se dit-elle. Je croyais que tout allait s’éclaircir dès que j’aurais mi les pieds à Puamahara, que j’allais vivre rue Kowhai comme dans une rue en carton où je pourrais bien nettement mettre en évidence les noms, les personnalités et les histoires des résidents, bien isoler cette rue des grandes routes fréquentées qui la bordent et l’enferment dans cette partie du monde. Je croyais que j'allais extraire de l’or dans chaque maison et que je retournerais à New York avec ma bourse remplie de personnes que j’aurais connues parce que j’aurais exploité leur trésor personnel, que j’aurais cueilli leur bourgeon de Fleur du souvenir et de Puamahara, mais ça ne passe pas comme ça. J’ai pris part à des conversations, j’ai partagé des repas, recueilli des faits. J’ai découvert un petit nombre de secrets et de scandales. La rue Kowhai, Puamahara et le Maharawhenua sont pleins de gens dont la vie se déroule sans trop d’angoisse, de douleur ou de plaisir. A Puamahara, il y a suffisamment à manger, c’est un endroit où presque tout un chacun peut trouver sa place et où il y a des gens parmi lesquels faire sa vie.
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- Je voudrais qu’on sauve à la fois les oiseaux et les gens, dit Mattina tout en sachant que c’étaient là des niaiseries.
- Bien sûr. Il est possible qu’en fin de compte il ne reste plus à ce pays qu’un immense tas de gravats, des eaux – rivières, fleuves et mers – polluées, un petit bout de bush indigène avec juste une famille de gobe-mouches et puis une famille humaine venue réaliser l’émission « Notre monde magnifique » : elle filmerait la scène depuis une cachette bien camouflée
- Je vois, dit Mattina
- Bon, dit Hene, c’est pas votre problème.
- Mais si, s’écriait Mattina, ça l’est ! Si je peux faire quelque chose...
- Euh... Non, c’est à nous de les résoudre. Vous, aux États-Unis, vous avez vos propres problèmes »
Elle jeta à Mattina un regard pénétrant.
« Est-ce que vous avez tenté de les résoudre ?
- Pas vraiment.
- Bien sûr que non », dit froidement Hene
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Je suis impressionnée, dit Mattina, par le nombre de maison qui ont des pianos. Et même, à Puamahara – une petite ville, pourtant -, il y a un magasin de musique qui vend des pianos.
- Oh, autrefois nous étions un grand pays pour le piano !
Les premiers colons, les familles qui pensaient trouver le paradis grâce à quelques hectares de terrain, une maison de maître, des domestiques, du temps de loisir, achetaient tout leur piano et des partitions. Les premières batailles pour se procurer de la terre à tout prix ont été livrées par des meubles – des pianos et des bureaux – autant que par les gens.
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Jack l’aida à regagner la chambre et son lit. Il apporta les oreillers, remonta les couvertures sur elle et l’embrassa. Ils se prirent dans les bras l’un de l’autre, échangèrent des baisers et pleurèrent tous les deux en songeant à la vie qu’ils avaient passée ensemble, à John Henry, à la fois où chacun avait été infidèle à l’autre, au roman qui, après les avoir autrefois violemment séparés, les réunissaient à présent par ses trente ans d’existence fantomatique, par la vie qu’il avait eue dans la non-écriture, par les années que tous deux lui avaient consacrées. Ils étaient conscients l’un et l’autre du grand fond de tristesse chez Jake. On s’était moqué de lui. Son incapacité à produire un deuxième roman avait fait l’objet de remarques dans les colonnes littéraires de journaux, mais les explications avancées n’avaient aucun lien avec la vérité telle que Jake la percevait. Un jour, dans la maison d’édition, Mattina avait entendu un agent littéraire en visite demander à un des éditeurs : « Est-ce que vous avez des nouvelles du nouveau roman de Jake Brecon, celui qu’il écrit depuis trente ans ? »Elle avait entendu les éclats de rire.
« C’est un monde brutal, en effet » dit Mattina
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Il lui semblait en effet que sa vie devenait de plus en plus bizarre dans ses dimensions changeantes, et si elle devait en croire Dinny Wheatstone, la romancière impostrice, l’Etoile de gravité exerçait désormais son pouvoir, apportant depuis des millions d’années-lumière un fonds écrasant, inacceptable, de connaissances nouvelles issues de siècles de printemps. Mattina s’aperçut soudain que la présence respirante avait quitté sa chambre en laissant un trait de lumière abandonné, sorte de lance aux bords déchiquetés qui zigzaguait vertigineusement autour de la pièce comme le sillage de – de l’étoile disparue ? Une étoile animale ? Une étoile non formée, illogique et ignorante ? C’était fou, une invasion de folie dont tous les symptômes classiques se manifestaient dans l’espace renversé. L’Etoile de gravait (ou les implications de son existence) s’était-elle donc emparée de ka rye Kowhai ? Allait-elle ensuite prendre possession de Puamahara et s’allier à la première source, la Fleur du souvenir qui contient la mémoire du pays, pour entreprendre son œuvre de transformation de l’être, de la pensée et du langage.
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Vidéo de Janet Frame
Une petite fille, presque adolescente, façonne un bonhomme de neige dans son jardin. Celui-ci observe à travers ses yeux de charbon de bois l'agitation humaine. Ces êtres de chair et de sang ne sont-ils pas destinés à la décrépitude et l'anéantissement ? se demande-t-il avec circonspection et un rien de pitié. En tant que créature minérale et glacée, il se sent invincible, apte à survivre à sa créatrice. Le Flocon de Neige Éternel apparaît alors pour lui expliquer la vie, la mort, celle des êtres humains, mais aussi la sienne.
Après avoir présenté sur France Inter ce conte métaphysique et poétique de Janet Frame au micro d'Augustin Trapenard dans l'émission « Boomerang » du 25 mars 2022 , Isabelle Carré lit aujourd'hui « Bonhomme de neige Bonhomme de neige » dans son intégralité en livre audio pour « La Bibliothèque des voix ».
En précommande dès le 1er août 2022, le livre audio numérique sera disponible à la vente à partir du 18 août. Retrouvez-le le 1er septembre 2022 en librairie au format CD MP3.
Le texte français, traduit depuis l'anglais (Nouvelle-Zélande) par Élisabeth Letertre et Keren Chiaroni, a paru aux éditions des femmes-Antoinette Fouque en 2020. Le conte original a été publié pour la première fois en recueil en 1963.
Directrice artistique : Francesca Isidori.
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