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Histoire contemporaine tome 1 sur 4
EAN : 9782266045568
Pocket (01/06/1991)
3.76/5   36 notes
Résumé :
L'orme du mail - le premier des quatre volumes qui forment L'HISTOIRE CONTEMPORAINE avec Le mannequin d'osier, L'anneau d'améthyste, et M. Bergeret à Paris, constitue l'ouverture dune série romanesque où la fiction a pris ses sources dans la société française au seuil du XXe siècle. Chronique de la vie provinciale, L'orme du mail offre, grâce à l'abbé Lantaigne et à l'abbé Guitrel, grâce au général Caftier de Chalmot, au préfet Worms-Clavelin, au président Cassignol... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
OÙ L'ON DÉCOUVRE CE CHER M. BERGERET...

Premier volet de cette tétralogie intitulée "Histoire contemporaine", L'Orme du mail, publié en 1897, peut être considéré comme un volume introductif à cet ensemble plus conséquent, celui par lequel Anatole France, auteur génial et styliste bien trop oublié, pour ne pas écrire méprisé (merci les surréalistes des années 20, merci Gide, merci l'Eglise Catholique, merci les factions droitières de l'entre-deux guerres, etc), présente pour bonne part des personnages qui nous accompagneront sur les trois épisodes suivants, donne le ton général de l'ensemble, et pose quelques unes des thématiques qui feront de cette suite d'ouvrages édités sur quatre années de la vie de leur auteur une sorte de Comédie Humaine en miniature, une chronique provinciale puis parisienne des débuts de - feue - la Troisième République.

Bien que débutée presque accidentellement par ce qui aurait pu rester à l'état de nouvelle très anticléricale (mais toujours avec finesse), L'Orme du Mail nous conte par le menu la guerre impitoyable, autant qu'elle est délicieusement feutrée, entre deux candidats à l'évêché de Tourcoing (vacant pour cause de retour au ciel éternel de son précédent dépositaire...), le tout au sein de la communauté des privilégiés de la moyenne et haute bourgeoisie d'une cité de province de taille moyenne (dont nous ne saurons jamais le nom exact, l'auteur laissant à chacun le soin d'imaginer ce qu'il veut. Nous sommes cependant plutôt au nord de la Loire et à l'Ouest de Paris).
L'abbé Lantaigne d'abord, responsable du grand séminaire, un érudit, austère et froid, peu ami des idées nouvelles et tourné vers le passé, tant en religion qu'en politique. le second, l'abbé Guitrel, est professeur d'éloquence, également au grand séminaire, d'une telle souplesse d'idée qu'on fini même par ne jamais trop savoir ce qu'il pense au fond, sinon ce que son interlocuteur du moment exprime, onctueux jusqu'à en devenir insupportable, ce qui lui permet de mieux réussir dans sa campagne. Mais ces deux compères se rejoignent sur quelques défauts : hypocrites jusqu'à la componction, sournois et roués lorsqu'il s'agit de dire du mal de l'adversaire sans en avoir l'air. Pareillement orgueilleux dans le plaisir intime qu'ils ont à se voir ceint de la fameuse bague d'améthyste, marque insigne des évêques.

Nous faisons ainsi très vite connaissance avec le Préfet Worms-Clavelin, d'origine juive, ainsi que son épouse, et par ailleurs franc-maçon, se disant libre-penseur mais en réalité sa seule religion est de se maintenir à son poste, quels que soient la couleur des gouvernements. Son épouse, collectionneuse d'art religieux chrétien et de prêtre, tire peu à peu son athée d'époux vers une sorte de mièvrerie coupable à l'égard de l'Eglise et même un antisémitisme de classe lorsque se déclenchent les débuts de l'Affaire (laquelle n'est jamais nommément précisée, mais tout le monde l'aura compris, il s'agit de la terrible affaire dreyfus, qui irrigue l'ensemble de la tétralogie).
On croise aussi de ces petits hobereaux de province, dont les ancêtres encore proches possédaient en propre les terres désormais sous responsabilité de la République et des élus locaux généralement d'autant plus honnis que ce sont d'abominables radicaux. Quant aux collectivistes socialistes, n'en parlons pas : ils sont rien moins que les représentants du diable sur terre. Fort heureusement, notre petit morceau de province n'en connait guère.
L'armée n'est pas en reste, représentée en particulier par un vieux général monarchiste mais tellement légitimiste que jamais ne lui viendrait l'idée de se dresser contre la République, qu'il déteste pourtant cordialement en son coeur.
Enfin, mais assez tardivement dans le corps du livre, découvrons-nous enfin ce cher M. Bergeret, professeur d'université sans grade ni espoir de promotion, généralement mal embouché, libre penseur véritable, libéral d'esprit comme de caractère, voltairien en des temps où l'on est pour Zola ou Maurras, plus mécompris que véritablement haïs, fuit par les autres pas tant à cause de ses idées que par la faute de cette espèce de tristesse lasse, sceptique, brouillonne qu'il traîne derrière lui. Sa femme le déteste, et il le lui rend bien (mais à sa manière tellement fine qu'il est probable qu'elle ne s'en aperçoit pas), ses collègues ne l'apprécient guère et il ne fait rien pour corriger le tir, quant à ses seuls amis, ils le sont pour l'unique motif que tous fréquentent le boudoir de la seule librairie de la place, lieu de ses rares loisirs où il a pour habitude d'ouvrir le même livre à la même page depuis des années. Il prend toutefois plaisir à croiser le fer des mots avec l'Abbé Lantaigne qui, malgré ses innombrables défauts de prêtre sectaire, est d'un niveau intellectuel bien supérieur à la moyenne et peut ainsi donner le change à notre gentil et triste Diogène sous ce fameux orme du mail qu'il aime à traverser de part en part.

Ainsi, entre cet être attachant mais parfaitement sans pouvoir, désabusé, pas heureux à défaut d'être franchement malheureux, et ce petit monde tout entier tourné vers la politique - plus souvent celle de la basse politique que des idées. La politique comme lieu de pouvoir, même insigne ; la politique comme moyen de parvenir à un certain confort financier ; la politique comme meilleur moyen de réclamer et d'imposer son statut au sein d'une société proprement dite - c'est à une critique aussi efficace qu'elle est habile dans sa rudesse de cette église qui n'a pas encore bien pris le pouls de cette République naissante, tout juste sortie des affres de la fin du Second Empire, de l'échec retentissant du boulangisme, des tensions permanentes entre les forces réactionnaires, nationalistes et monarchistes en tête, et forces républicaines, libérales et radicales. le régime de concordat instille un régime ambigu quant aux rapports entre l'Etat et l'Eglise, mais ce sont surtout les lois anticléricales de 1880 sur les congrégations (qui préfigurent la loi de 1905 sur la séparation de l'église et l'état) est toujours en travers du gosier de la plupart des opposants au régime en place.

Un premier volet terriblement attachant, d'une construction sans aucun doute fort lâche, parfois même à la trame assez difficilement compréhensible, aux thématiques aussi diverses que peut l'être l'existence, mais servi par un esprit d'une vivacité incroyable, à l'humour aussi ténu, fin, diaboliquement léger et retenu qu'il porte à tous coups, capable des pires grivoiseries sans avoir à exprimer le moindre mot leste, des portraits à l'emporte-pièce - quelques lignes perfides suffisent à l'esprit de France pour tout dire d'un imbécile ou d'un fat - pour lesquels on songe que l'on n'aurait pas aimé se trouver à la place des personnalités ainsi croquées. Au bout du compte, une lecture ravigorante malgré son éloignement temporel, de même que la découverte d'un monde, d'une période - les prémisses de cette fameuse "belle époque" - que nous connaissons d'évidence fort mal, sinon par le biais de quelques clichés (au propre comme au figuré) bien trompeur sur la réalité de ces temps. Un régal pour fins gourmets !

Mais n'en disons pas plus... le quatrième volet de cette étonnante Histoire Contemporaine fera l'objet d'une plus longue exploration. A suivre !
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Un magnifique roman!
Dès les premières pages, l'auteur nous entraine dans les coulisses de la hiérarchie religieuse. Différentes personnalités catholiques sont en perpétuel conflit silencieux. Le dogmatisme y règne en maître, le conformisme y est de rigueur. Une fois qu'on soit un peu décalé, on subit des préjudices. Il est inconcevable qu'un prêtre soit en parfaite relation avec la politique, cas de l'amitié compromise entre l'Abbé Guitrel et M. Worms-Clavelin, le préfet de la ville. Il est intolérable qu'un prêtre soit aussi savant comme l'Abbé Lantaigne, intransigeant, ce qui fait de lui un prête dangereux...Entre ces conflits qui ne disent pas leur nom, et l'attente d'une nomination d'un nouvel évêché à Tourcoing, l'attente qui effarouche le monde du clergé, sous l'orme du Mail se tiennent des débats passionnants entre un Abbé Lantaigne, calé dans sa théologie et un Mr. Bergerac, maître de conférence, ferré dans sa philosophie...c'est toute la société, toutes les institutions qui passent en revue sous cette Orme du Mail...
Ces rencontres nous font connaître Mr. Bergerac, un homme dont le savoir se trouve emprisonné au dedans de lui, faute de pouvoir l'extérioriser. Un homme dont le savoir isole, de sorte qu'il se verra exclu aussi bien dans son ménage qu'à son travail...
C'est avec plaisir que je me suis replongée dans ce classique qui a fait son temps dans ma jeunesse, refaire connaissance avec Mr. Bergerac, et de constater que si le savoir vous isole, ne vous permet pas d'émerger dans la société mais il vous laisse libre, par contre s'appuyer sur ses relations pour émerger vous rend parfois esclave de médiocrité.
Je saute alors sur le deuxième opus avec Le mannequin d'osier
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Allez avouez ! qui de vous ,quand il le connait, a déjà lu Anatole France ? Allez et je cite Olivier Barrot :"Anatole France? Il est de ces figures de proue de la littérature française que la gloire de naguère et l'oubli d'aujourd'hui semblent transformer en fossile."Car Anatole France venait d'être élu à l'Académie française quand il fait paraître en 1897 d'abord dans la presse, chose classique au 19ème siècle, puis en volumes L'orme du mail et le Mannequin d'osier les deux premiers tomes de sa tétralogie appelée Histoire contemporaine.
Ne vous attendez pas à la prose légère et raffinée De Maupassant , ni à un roman à la Zola , c'est du Anatole France . Imaginez la fin de la présidence de Sadi Carnot, l'affaire Dreyfus bat son plein, la IIIème République a pris des mesures qui ne plaisent guère à l'église . Nous sommes dans une petite préfecture, la vie des notables et des ecclésiastiques rythme le récit. Un préfet M Worms-Clavelin , un maître de conférences à la Faculté de lettres M.Bergeret- double de l'auteur?-un abbé supérieur du grand séminaire l'abbé Lantaigne, l'enseignant d'éloquence sacrée l'abbé Guitrel, sa bête noire,une candidature au poste d'évêque de Tourcoing ....tout ce petit monde croqué comme il convient. Mais ô surprise tout ce petit monde s'exprime , défend de pied ferme son point de vue et certains propos tenus n'ont, me semble t'il, pas pris une ride.Une belle découverte d'un auteur récompensé par un Prix Nobel en 1921 au parcours pour le moins original.....
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Pour beaucoup, se plonger dans Anatole France en commençant par "L'Orme du Mail", premier volume de la tétralogie "Histoire Contemporaine", c'est risquer la déception. Mais j'ai un faible pour cette série dont l'un des héros est un certain M. Bergeret, l'un de ces érudits tranquilles et aimables dont l'auteur avait le secret et comme la nostalgie et qui fut incarné à la télévision française par ce comédien de génie qu'était Claude Piéplu.

Certes, dans "L'Orme du Mail", M. Bergeret apparaît peu. Il est pourtant l'un des auditeurs favoris - sinon le préféré - de l'abbé Lantaigne, supérieur du grand séminaire de la petite ville provinciale où France situe l'action de son livre. Tous deux se rencontrent tout d'abord à la librairie Paillot, l'une de ces librairies à l'ancienne où les clients s'assemblent autant pour discuter des derniers rebondissements de la vie locale que des parutions les plus récentes. Mais ce qu'ils affectionnent, c'est de se retrouver en tête à tête, sur le mail, à l'ombre du fameux orme. M. Bergeret, époux et père méprisé, et l'abbé Lantaigne, célibataire opiniâtrement voué à la chasteté, y dialoguent avec délices sur Dieu, son être, son non-être, la foi qu'il inspire ou n'inspire pas et, bien entendu, sur les mille et une petites actions, veuleries ou héroïsmes, que l'homme affirme accomplir en son nom.

En notre époque où certains galvaudent l'idée de laïcité en la positivant, chose si facile après que d'autres, avant eux, aient tout fait pour déprécier sa valeur et non seulement la ridiculiser mais aussi, ce qui est bien plus grave, la taxer d'intentions xénophobes qui n'ont jamais été les siennes - en un mot, la calomnier - le lecteur qui ne possède que de très faibles notions d'Histoire et qui n'a pas eu la chance de naître dans un milieu où le principe de la laïcité était la référence par excellence, ce lecteur-là aura bien du mal à saisir la richesse de ce roman.

D'autant que Anatole France, qui prévoyait trois autres volumes, utilise "L'Orme du Mail" comme roman d'exposition. Une exposition lente, détaillée, très "Troisième République", plus proche de la finesse matoise d'un Voltaire que de l'exaltation puissante d'un Zola. D'ailleurs, si Claude Piéplu fut un Bergeret idéal, c'est parce qu'il goûtait un plaisir de gourmet à distiller les répliques pince-sans-rire que France prête si souvent à son personnage.

Courtoisie, subtilité, ironie, trois mots susceptibles de masquer à la première lecture la cruauté et l'absence absolue d'indulgence que manifeste Anatole France envers ses personnages - à l'exception peut-être de M. Bergeret, son "double" en quelque sorte, à qui il ne pardonne cependant pas sa lâcheté domestique. L'intrigue est elle aussi sans complaisance aucune.

M. Worms-Clavelin, préfet israélite et franc-maçon du département, songe à faire donner l'évêché de Tourcoing à l'abbé Guitrel, professeur d'éloquence sacrée au grand séminaire de la ville de X***. Onctueux et diplomate, M. l'abbé Guitrel a su en effet se faire bien voir non seulement du préfet et de son épouse (il déniche pour celle-ci de vieilles chasubles et divers objets du culte que Mme Wörms-Clavelin range dans les vitrines de son salon en tant qu'objets d'art) mais aussi du cardinal-archevêque, de nombre de ses collègues au séminaire, des parents de ses élèves, etc, etc ...

Seul ou presque tout seul à se dresser contre lui, l'abbé Lantaigne, qui oppose à ce prêtre cauteleux et mondain l'austérité exacerbée de l'ascète. Ainsi qu'un caractère anguleux et maussade et une propension extraordinaire à rabrouer tout le monde et à mettre les pieds dans le plat.

Pourtant, certains verraient bien M. l'abbé Lantaigne évêque de Tourcoing ...

"L'Orme du Mail" voit les deux camps installer leurs troupes en prévision des futures grandes manoeuvres. On y va doucement, à petits pas, presque sans avoir l'air d'y toucher et, pour les plus habiles, carrément sous le manteau. Anatole France en profite pour croquer quelques portraits de notables du cru et restitue en même temps les luttes du temps entre la IIIème République et l'Eglise. Tout le monde parle d'apaisement, tout le monde le réclame mais chacun des deux camps entend bien conserver le pouvoir politique.

Un vrai petit régal pour les amateurs. Les autres, c'est sûr, trouveront l'oeuvre bien vieillie et n'y prendront aucun plaisir. Ils passeront aussi, et c'est bien dommage pour eux, à côté d'un petit bijou d'intelligence et de malice. ;o)
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Anatole France dont le nom véritable est Jacques Anatole François Thibault (1844-1924) nous a laissé quelques bons livres comme le crime de Sylvestre Bonard, La rôtisserie de la reine Pédauque, Les Dieux ont soif ou Histoire contemporaine une tétralogie englobant L'orme du mail (1897), le mannequin d'osier (1897), L'anneau d'améthyste (1899) et Monsieur Bergeret à Paris (d'abord en feuilleton dans Le Figaro (1899) puis en volume en 1901).
Avec L'orme du mail nous abordons donc la première partie de cette Histoire contemporaine. Une petite ville de province, l'évêché de Tourcoing devenu libre, deux ecclésiastiques, l'abbé Lantaigne et l'abbé Guitrel se disputent le poste. le premier est un antirépublicain ferme sur ses positions, le second un opportuniste ambitieux. Les notables de la ville – tant civils que religieux - vont se diviser mais les forces sont équilibrées. le roman est divisé en chapitres faits d'observations et de dialogues savoureux emprunts de bienséance où les piques sont distillées par sous-entendus, à mots couverts. Mr Bergeret universitaire libéral, aime retrouver discrètement l'abbé Lantaigne sous l'orme du Mail, pour l'affronter et discuter de l'ordre des choses, de Dieu et du monde comme il va. « Il n'avait au monde de retraite agréable et sûre que ce banc du Mail ombragé par un orme antique, et que le coin des bouquins dans la boutique de Paillot ». Nous retrouverons plus tard cet intellectuel sceptique et désabusé dans les autres épisodes de la tétralogie.
Le style poli de l'écrivain, les propos courtois au pire ironique des protagonistes dissimulent en fait une subtile cruauté avec laquelle Anatole France dresse le portrait des notables de province, dans le décor plus général de la lutte de cette époque entre l'Eglise et La République. Ca peut paraître vieillot pour certains, personnellement j'en ai trouvé la lecture délicieuse, agréablement parfumée par les feuilles jaunies de mon édition de 1948 achetée dans une brocante.
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Citations et extraits (22) Voir plus Ajouter une citation
Le pire défaut du régime actuel est de coûter fort cher.Il ne paie point de mine: il n'est pas fastueux. Il n'est brillant ni en femmes ni en chevaux. Mais, sous une humble apparence et des dehors négligés, il est dépensier. Il a trop de parents pauvres, trop d'amis à pourvoir. Il est gaspilleur. Le plus fâcheux est qu'il vit sur un pays fatigué, dont les forces baissent et qui ne s'enrichit plus. Et le régime a grand besoin d'argent. Il s'aperçoit qu'il est embarrassé. Et ses embarras sont plus grands qu'il ne croit. Ils augmenteront encore. Le mal n'est pas nouveau. C'est celui dont mourut l'ancien régime. Monsieur l'abbé, je vais vous dire une grande vérité: tant que l’État se contente des ressources que lui fournissent les pauvres, tant qu'il a assez des subsides que lui assurent, avec une régularité mécanique, ceux qui travaillent de leurs mains, il vit heureux, tranquille, honoré; les économistes et les financiers se plaisent à reconnaître sa probité; mais dès que le malheureux État, pressé par le besoin, fait mine de demander à ceux qui en ont, et de tirer des riches quelque faible contribution, on lui fait sentir qu'il commet un odieux attentat, viole tous les droits, manque de respect à la chose sacrée, détruit le commerce et l'industrie, et écrase les pauvres en touchant aux riches. On ne lui cache pas qu'il se déshonore. Et il tombe sous le mépris sincère des bons citoyens. Cependant la ruine vient lentement et sûrement. L’État touche à la rente. Il est perdu.
p 87 publié en 1897
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L'argent lui inspirait le respect en même temps que l'amour. Il ressentait devant les «valeurs» ce sentiment de religieuse terreur que la lune donne au chiens. Il avait la religion de la richesse.
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Sur cette face de cire, aux yeux honnêtes et lents, sur cette poitrine de peu de vie, magnifiquement barrée du grand-cordon rouge, dans toute cette figure d'automate souffrant, le général lisait à la fois la dignité du chef et la disgrâce de l'homme malheureusement né, qui n'avait jamais ri. A son admiration se mêlait de l'attendrissement.
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Au reste, ces changements prévus ne le surprenaient jamais. Sa politique administrative était toute fondée sur cette considération que les ministres passent. Il s’étudiait à ne jamais servir un ministre de l’Intérieur avec un zèle ardent. Il se défendait de plaire excessivement à aucun, et évitait toutes les occasions de trop bien faire. Cette modération, gardée pendant la durée d’un ministère, lui assurait la sympathie du suivant, prévenu de la sorte assez favorablement pour agréer ensuite le zèle médiocre, qui devenait un titre à la faveur d’un troisième cabinet. M. le préfet Worms-Clavelin administrait peu, correspondait brièvement avec la place Beauvau, ménageait les bureaux, et durait.
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– Monsieur le préfet, rendez-nous nos bons religieux, faites rentrer les sœurs de charité dans les hôpitaux et Dieu dans l’école d’où vous l’avez chassé. Ne nous empêchez plus de faire de nos fils des chrétiens et… nous serons bien près de nous entendre.
– Bon sang ! madame, ne voyez-vous pas que les rues du chef-lieu sont noires de curés, et qu’il y a des moines derrière toutes les grilles ? Et quant à votre jeune Gustave, ce n’est fichtre pas moi qui l’empêche d’aller à la messe toute la journée au lieu de courir les filles !
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L : 4:33 - LARME - Georges Courteline 4:46 - LIBERTÉ - Henri Jeanson 4:57 - LIT - Paul Éluard
M : 5:05 - MALADIE - Boris Vian 5:18 - MARIAGE - Édouard Pailleron
5:31 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE : Jean Delacour, Tout l'esprit français, Paris, Albin Michel, 1974.
IMAGES D'ILLUSTRATION : Madame de Sévigné : https://www.linternaute.fr/biographie/litterature/1775498-madame-de-sevigne-biographie-courte-dates-citations/ Delphine Gay : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/5e/Delphine_de_Girardin_1853_side.jpg George Sand : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/0/09/George_Sand_%281804-1876%29_M.jpg Robert Poulet : https://www.belgiumwwii.be/belgique-en-guerre/personnalites/poulet-robert.html Jean-François Marmontel : https://www.posterazzi.com/jean-francois-marmontel-n-1723-1799-french-writer-stipple-engraving-french-c1800-poster-print-by-granger-collection-item-vargrc0085347/ Pierre-Adrien Decourcelle : https://www.mediastorehouse.co.uk/fine-art-finder/artists/henri-la-blanchere/adrien-decourcelle-1821-1892-39-boulevard-des-25144380.html Victor Hugo : https://www.maxicours.com/se/cours/les-funerailles-nationales-de-victor-hugo/ Alphonse Karr : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/9c/Personnalités_des_arts_et_des_lettres_-_Alphonse_Karr_%28Nadar%29.jpg Anatole France : https://rickrozoff.files.wordpress.com/2013/01/anatolefrance.jp Alphonse Allais : https://www.litteratureaudio.com/livre-audio-gratuit-mp3/alphonse-allais-faits-divers.html Louis Scutenaire : https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Scutenaire#/media/Fichier:Louis_Scutenaire,_rue_de_la_Luzerze.jpg Marcel Pagnol : https://www.aubagne.fr/actualites-109/marcel-pagnol-celebre-dans-sa-ville-natale-2243.html?cHash=50a5923217d5e6fe7d35d35f1ce29d72#gallery-id-4994 Anne Barratin : https://www.babelio.com/auteur/Anne-Barratin/302855 Charles Pinot Duclos
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