Après un premier tome très réussie, on retrouve Hélène et les protagonistes de la Guerre de Trois dans ce second volume: "Les Flammes de l'éternité".
J'étais aussi curieuse qu'impatiente de le découvrir pour plusieurs raisons: mon amour pour cette légende antique et grandiose de bout en bout en est une et le plaisir ressenti à la lecture de "La Prisonnière de Sparte" une autre. Enfin,
Margaret George a eu l'idée de finir le premier opus de son épopée sur l'arrivée des achéens sur les rivages de Troie, laissant là la tension à son comble... C'est cette fin d'épisode digne des meilleurs cliffhangers de Game of thrones qui m'a plus que convaincue de la nécessité de me procurer sa suite!
Hélène s'est donc installée à Troie avec Pâris et si la ville et sa belle famille semblent l'accueillir à bras ouverts dans un premier temps, force est d'admettre que son idylle avec le beau troyen ne plait pas à tout le monde. Quand la guerre est déclarée, le conflit n'est pas qu'au delà des murailles de la riche cité de Priam: en ville aussi les querelles naissent, les trahisons jaillissent et les rumeurs enflent: de quoi assurer au roman pas mal de matière en sus du canevas principal, de quoi ajouter des figures et des scènes à la vaste tapisserie entreprise par Hélène (et pendant ce temps là, Pénélope brode elle aussi, mais on se demande bien quoi!).
Dans une langue toujours très belle et enfin dénuée des ornements précieux et surfaits qui fleurissaient parfois au détour du premier tome,
Margaret George restitue avec beaucoup de talent et de finesse l'atmosphère crépusculaire, tendue, lourde qui envahit Troie et qui annonce sa fin prochaine. le fait de raconter l'histoire par le biais d'Hélène nous fait vivre la guerre de l'intérieur avec tout ce que cela suppose de questionnements et d'angoisses, ce qui rend le récit vraiment intéressant, original et poignant. de même que cela permet à la romancière de s'attarder sur des épisodes passés sous silence ou à peine esquissés par les différents auteurs antiques. On se sent donc enrichis par cette lecture, presque dépositaires de secrets relatifs à cette grande geste longtemps gardés, enfouis sous les cendres de la ville. C'est malin et passionnant!
Là où je trouve que le roman pèche un peu, c'est dans le traitement des personnages et paradoxalement de certains passages parmi les plus connus du mythe.
Commençons par les personnages: si pour la plupart ils restent attachants et fidèles à eux-même tels que
Margaret George les a écrits en tout cas, ils n'évoluent que très peu par rapport au premier livre ce que je trouve regrettable, notamment en ce qui concerne Hélène et Ménélas. Certains auraient gagné à être plus approfondis également et on reste un peu sur notre faim face à eux. Certes, le roman se concentre sur Hélène (et elle demeure véritablement attachante et intéressante ici, lucide aussi mais sans larmoyer. Amoureuse, sans mièvrerie... mais n'évolue pas vraiment d'un tome à l'autre alors que bon...) mais elle aussi aurait mérité des comparses plus fouillés pour lui donner la réplique. Je pense notamment à Andromaque ou à Hector, Cassandre aussi. Et à Agamemnon également. Toutefois, je me dois tout de même de modérer mon reproche en ce qui concerne certains protagonistes qui eux ont gagné en épaisseur et en beauté: Pâris (la belle surprise de ce tome! Pâris est devenu un Grand!), Priam et Hécube!
Toujours au sujet des personnages, mais là, ce que je m'apprête à écrire est purement subjectif, je trouve qu'Achille aurait mérité bien mieux que ce que
Margaret George lui a réservé! Et quid de son histoire avec Patrocle? Zeus sait pourtant combien je déteste ce personnage, ce fat vaniteux qui a tué Hector et qui a traîné son corps dans la poussière, mais quand même... le fils de Thétys méritait mieux que cette caricature ambulante... Ulysse par contre est bien tel que je me l'imagine (et ce n'est pas un gars sympa)!
Un peu plus haut, j'ai salué la virtuosité et les qualités d'invention de l'auteur qui grâce à l'angle narratif adopté nous donne à voir des scènes méconnues ou créées par ses soins, nous ouvrant ainsi une porte secrète, inédite vers ce qui se passait dans Troie quand les hommes se battaient. J'ai en revanche déploré son traitement des scènes les plus fameuses du récit... Je persiste et signe. J'attendais avec tellement d'impatience le récit du combat entre Hector et Achille... et j'ai été si déçue... Même chose pour la mort de Patrocle puis celle du flamboyant Myrmidon... J'attendais, au comble de l'angoisse, fébrile, le coeur battant à se rompre... et.... bof... En quelques lignes à peine, l'affaire était dans le sac, sans le déferlement que je craignais tout en l'appelant pourtant de mes voeux. C'était bref, trop rapide... C'était bâclé et moi je m'en suis sentie aussi triste que frustrée. Cela dit, c'est aussi peut-être parce que j'avais mis trop d'attentes dans ces scènes, que je les avais déjà parées de trop de sang, de fracas et de sublime. Forcement, à trop idéaliser, on finit par être déçu... Heureusement que cette petite déception n'a pas réussi à me gâcher ma lecture et il faut dire que
Margaret George a su se faire pardonner: la fin du roman est grandiose, tragique et sombre à souhait, exactement comme il le fallait et comme je l'espérais. de l'arrivée du Cheval (enfoiré d'Ulysse!) au sac de Troie, des premiers combats à l'intérieur de l'enceinte aux meurtres du roi et de la reine, tout est splendide et poignant. Théâtral. Par ailleurs, j'ai adoré que le livre ne se termine pas sur Troie en proie aux flammes (enfoiré d'Agamemnon) mais qu'il aille plus loin. Bien plus loin même. Vous ne vous êtes jamais demandé ce qui se passe après la fin de l'histoire? Moi, si. Tout le temps! Ici, on a ces réponses là, toujours grâce à Hélène qui vaincue, humiliée, endeuillée s'en retourne à Sparte avec son premier mari. Tout ce pan de son histoire qu'on ignore est peut être bien la partie la plus fascinante -car méconnue, on y revient toujours- du roman.
Mon voyage à Troie s'est ainsi terminé sur "Les flammes de l'éternité" et je ne le regrette pas une seconde. Bien sûr, j'espère toujours que l'histoire finira autrement et que je me retrouverai dans le camp des vainqueurs mais je crois que c'est sans espoir. Alors je me console en me disant qu'il y a plus de grandeur à perdre la tête haute, avec noblesse et héroïsme, et à ce jeu là, il n'y a pas à discuter: noblesse et héroïsme étaient bien à Troie et toujours bien plus que chez les achéens. C'est dit.