“J'avais contemplé les fumeroles de vapeur qui montaient de l'étang, la surface placide de l'eau qui dort, rasséréné par le silence qui régnait alentour.”
Le J', un homme de quarante-sept ans, représentant de commerce, marié, sans enfant, fraîchement licencié, au mariage épuisé, quitte un beau soir le domicile conjugal sans prévenir. Il se rend dans une ville de province, où aura lieu sa dernière mission de travail dans quelques jours. Tout va basculer, lorsqu'au buffet de la gare il croit apercevoir le grand amour de sa vie disparu du jour au lendemain sans donner de nouvelles, il y a vingt ans. A partir de là, sa vie prend un autre tournant......il décide d'y rester.
L'éternel sujet, disparaître dans la nature et recommencer da capo, " je mesure aujourd'hui seulement la profondeur de la détresse pour en arriver là. Disparaître, c'est mourir aux autres, mais aussi à soi". Comment ne pas penser au superbe livre de Pirandello, " Feu Mathias Pascal".....Pour cet homme amoureux des parcs et jardins, la rencontre avec l'un d'eux va lui faciliter la tâche, et y travailler dans la nature lui servir de baume. Alors qu'il commence à croire à avoir déniché la vie idyllique, sa paisible existence de jardinier va se métamorphoser en celle de Sherlock Holmes. L'eau qui dort, il faut s'en méfier, la nature, les parcs et jardins qui ont "le pouvoir de le protéger du sordide de l'existence " cachent paradoxalement aussi beaucoup d'immondices, de secrets pas jolis-jolis et de personnages au passé tourmenté .
Helene Gestern traite un sujet assez fréquent, mais toujours intéressant dans la Littérature , disparaître dans la nature pour repartir à zéro. Ici elle en croise essentiellement deux de disparitions, qu'elle corse avec une histoire criminelle qui va révéler beaucoup d'autres secrets. Repartir à zéro est loin d'être facile, "on comprend que le billet est une contrefaçon et qu'on n'ira pas plus loin, sauf à se réinventer ailleurs, sur les décombres de ses rêves et la dépouille de son identité ...Mon existence était devenu une fiction brouillonne suspendue entre deux néants."
Un livre époustouflant qui d'une quête introspective bascule en "un thriller" , où les photos sont des éléments clés de l'histoire, l'image aidant l'investigation, la perception d'indices permettant de combler les gouffres de la mémoire, personnelle ou collective.
Merci, merci Sabine pour cette superbe lecture !
"N'ayant plus de maison ni logis,
Plus de chambre où me mettre,
Je me suis fabriqué une fenêtre
........autour de ma fenêtre, j'ai disposé ce dont je rêvais depuis longtemps, les arbres, le ciel, la paix."
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J'ai tout aimé dans ce roman... Les personnages, l'histoire contée, le style. Il me tarde de découvrir d'autres livres de cette auteure.
Le narrateur, Benoît Lauzanne, est depuis des années sur les routes de France, au volant de sa voiture de fonction, car il est représentant. Il avale des kilomètres pour fuir. Le naufrage de son mariage avec Sabine, le souvenir d'Irina, l'amour de sa jeunesse, brusquement disparue vingt ans plus tôt, sans laisser de nouvelles et sans aucune explication. Et la douleur d'avoir perdu, ensuite, par sa faute, la femme de sa vie.
Et puis, un jour, il croit apercevoir Irina. Juste au moment où il sait qu'il va être licencié et qu'il n'en peut plus de sa vie avec Sabine... Alors commence une quête intime, doublée d'une intrigue policière. Je n'en dirai pas plus. Ce serait dommage...
J'ai aimé la façon subtile, par le biais des confidences, des pensées intérieures, qu'a eue l'auteure de nous dévoiler toute la complexité de ses personnages, sans manichéisme, en montrant à la fois leurs faiblesses, leurs lâchetés mais aussi leurs moments de grâce, leurs élans généreux.
La souffrance s'accompagne de remise en question, de renaissance, au sein d'une nature réparatrice, délicatement mise en scène, à travers un jardin, pause momentanée dans les soubresauts de la vie.
" Je ne cessai de revoir en pensée l'eau dormante de l'étang, le jardin de rocaille, le saule pleureur, le glissement lumineux des carpes dans le bassin."
Moi aussi, j'ai été charmée par ce jardin des bords de Loire, et par les âmes tourmentées qui l'ont parcouru et aimé... Elles nous ressemblent un peu, d'une manière ou d'une autre...
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« Disparaitre, c'est mourir aux autres, mais aussi à soi. », Benoît va l'apprendre à ses dépens…
Sa vie n'est pas un long fleuve tranquille depuis de trop nombreuses années à force de fuites en avant. Alors, il quitte l'enfer conjugal au volant de sa voiture, à bout de forces, perdu, avant de croiser par hasard une femme qui ressemble de manière troublante à son amour de jeunesse, partie elle aussi il y a vingt ans, du jour au lendemain…
« Les énigmes nous obsèdent. Ce sont elles qui nous poussent à enquêter, à chercher, à soulever chaque pierre, nous emportant dans une passion frénétique de la révélation. On se croit assez fort pour affronter la menace qui dort sous le silence. Mais la vérité, quand elle fraye son chemin jusqu'à nous, est laide et décevante. Et alors, il est trop tard pour faire machine arrière. »
Avec sa belle écriture et son talent narratif, Hélène Gestern tient le lecteur en haleine jusqu'à la dernière page, Benoît est un homme attachant autour duquel gravitent des personnages subtilement décrits tout au long d'un récit sur le fil, tout en nuances.
Je suis une lectrice inconditionnelle de l'oeuvre d'Hélène Gestern et j'ai pris un immense plaisir à découvrir son dernier roman, L'eau qui dort. Il n'y a pas d'échanges épistolaires mais de courts chapitres, Hélène Gestern mêle habilement la quête personnelle de Benoît avec une enquête policière, le couple, la séparation et la mémoire, sont au coeur de ce roman mais la nature tient aussi une grande place, tour à tour protectrice et oppressante, admirablement dépeinte.
Je remercie Babelio et les Editions Arléa pour la lecture de L'eau qui dort que je vous invite à découvrir au plus vite.
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Un vrai faux roman policier avec femme fatale, rebondissements, organisation secrète.
Lire la critique sur le site : Liberation
L’eau qui dort, c’est la force qu’on trouve en soi, celle qui permet, hier vacillante, de se tenir droite et de revenir polar au poing. Ce pavé tendu au présent, solide, consolant, plein de fleurs et de vie. C’est se ressourcer, littéralement, et sortir du bois par l’écriture.
Lire la critique sur le site : Liberation
Nous avions parcouru le chemin de ronde et étions en train de revenir vers l'allée des Peupliers. Jasmine s'est arrêtée :
- Je suis mal placée pour vous donner des conseils. Mais on n'oublie rien en se réfugiant au milieu des arbres et des fleurs. J'ai passé ma vie à vouloir me le faire croire. Voyez où cela m'a menée.
J'ai jeté un dernier coup d'oeil sur le jardin, en contre-bas. Et soudain, l'image de Marianne m'a envahi, comme une vague qui déferle par surprise. Je me suis vu, la tenant par la main en traversant les carrés chromatiques, apprendre à un enfant espiègle, qui aurait eu ses cheveux noirs et couru devant nous, le nom des essences que j'aurais plantés. Je lui aurais montré comment frotter la lavande et froisser la menthe entre ses doigts, caresser les pétales des roses sans les déchirer, déposer sur le dos de sa main la poudre des boutons d'or ou recueillir les coccinelles sur le bout de son index avant de souffler sur leur dos pour les faire s'envoler.
Quand elle en aurait eu assez de mon cours de botanique, la petite aurait couru en direction du bassin aux poissons pour admirer les queues-de-voile orange et aurait appelé sa mère pour les lui montrer ou réclamer un câlin.
Certaines visions vous déchirent. Celle-ci avait beau ne pas avoir le début d'une réalité, elle m'a traversé comme une onde douloureuse. J'ai attendu qu'elle se dissipe pour formuler à voix haute la question qui me hantait depuis mon arrivée. Elle n'avait, à dire vrai, fait que ricocher dans ma tête entre deux prénoms de femme.
- Vous croyez qu'on peut réparer le mal qu'on fait ?
Jasmine a souri tristement :
- C'est à moi que vous demandez ça ?
J'ai mesuré l'absurdité de ma question. Pourtant Jasmine a repris.
-Non, Martin, je ne crois pas. Et s'il y a une chose dont je suis certaine, c'est que ce n'est pas auprès de ceux qu'on a blessés qu'il faut chercher l'absolution.
Le Precy n’était ni un jardin de luxe, ni une démonstration de virtuosité horticole: au contraire, il révélait une profonde intelligence de la nature, l’équilibre subtilement ménagé entre l’imprévisibilité végétal et sa domestication. Celle qui l’avait conçu avait dû y créer des rythmes, marier la grâce des vides et la beauté du plein. Grâce à elle, la nature composait ici une partition discrète et sûre, offrant, au milieu de ses jaillissements chamarrés, la basse continue et apaisante des verts. Peut-être est-ce pour cette raison que le lieu offrait un tel sentiment de paix à qui parcourait ses allés.
p.77
Arriver ici n'a été qu'atteindre l’extrémité du cul-de-sac de ma vie. Et si je pressentais était exact, j'ai dans un éclair de lucidité compris qu'Irina, dans son désir de disparaître, laissant derrière elle ceux qui l'aimaient, l'existence qui s'ouvrait, cortège d'espoirs naissants, de foi en l'art et de réussite, avait dû elle aussi succomber à la cruauté d'une révélation. Qu'elle était partie comme, au moment de payer, on comprend que le billet est une contrefaçon et qu'on ira pas plus loin, sauf à se réinventer ailleurs, sur les décombres de ses rêves et la dépouille de son identité.
J'avais une furieuse envie de les planter là, avec leurs secrets, leurs faux-semblants, leurs mensonges. Parce qu'ils avaient beau se cacher, tous autant qu'ils étaient, derrière leurs roses et leurs pivoines, leurs boutures délicates et leurs carrés chromatiques, beau nourrir les carpes vénérables de leur étang parfait, ils étaient aussi corrompus que le tas de compost qui fermentait à l'arrière de château.
Les opérations d'abattage, m'a expliqué le bûcheron, n'avaient d'autres but que d'évacuer les arbres morts ou malades. Quand ils avaient été mal plantés, il devenait impératif de libérer de l'espace pour éviter qu'ils s'étouffent les uns les autres. Je me dis qu'au fond, c'est peut-être ce que j'ai fait en partant. Abattre le dur lien d'un mariage mal planté. Libérer de l'espace, pour que Sabine et moi cessions de nous étouffer l'un l'autre.
Attention !!! Nouvel horaire pour l'émission "Le coup de coeur des libraires" sur les Ondes de Sud Radio. Valérie Expert et Gérard Collard vous donnent rendez-vous chaque samedi à 14h00 pour vous faire découvrir leurs passions du moment !
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Flic guérisseur: Servir et soigner de Robert Martin aux éditions Mama
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La gosse de Nadia Daam aux éditions Grasset
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Mes nuits sans Bardot de Simonetta Greggio aux éditions Albin Michel
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Trois femmes de la Baltique - Jenny de Ann-Christin Antell aux éditions Hachette Fictions
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Toilettes pour femmes de Marilyn French, Philippe Guilhon, Sarah Idrissi aux éditions Robert Laffont
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Louve Noire de Juan Gomez-Jurado, Judith Vernant aux éditions Pocket
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Roi blanc de Juan Gomez-Jurado, Judith Vernant aux éditions Fleuve Noir
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Reine Rouge de Juan Gomez-Jurado, Judith Vernant aux éditions Pocket
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Fille, 1983 de Linn Ullmann, Jean-Baptiste Coursaud aux éditions Bourgeois
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Les Oracles de Margaret Kennedy et Anne-Sylvie Homassel aux éditions de la Table Ronde
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