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Ce court récit, qui n'est ni une nouvelle, ni un roman, et qui, curieusement est sous-titré « Poème » est assurément unique dans l'oeuvre de Giono : D'abord, c'est un récit maritime. Jusqu'ici, à part la traduction de « Moby Dick » (qu'il a réalisée en collaboration avec Lucien Jacques et Joan Smith), et le récit qu'il a composé sur son auteur « Pour saluer Melville » (sorte d'hommage mi-biographique, mi-littéraire), il a placé tous ses romans sur la terre ferme, dans le paysage familier des collines et des montagnes de sa Haute-Provence natale. Ensuite, il n'a pas été écrit mais dicté (pas exactement comme il le dit dans son incipit du 6 au 10 avril 1940, mais entre février et mai 1944). Enfin la partie empruntée (récits de voyageurs, ou d'explorateurs) est plus importante que la partie purement inventée. Il nous faut nous replacer dans le contexte : Giono dans cet après-guerre, entreprend de changer un peu l'orientation de son oeuvre. Les « Chroniques romanesques » ont commencé à voir le jour, avec le réussi « Un roi sans divertissement », et le déconcertant « Noé ». « Fragments d'un paradis » vient s'intercaler entre ce dernier roman et « Mort d'un personnage » qui reprendra le fil des « Chroniques » et sera inséré dans le « cycle du hussard ». Giono cherche encore son style. Ce roman-ci représente une fracture dans l'oeuvre de l'auteur : c'est son dernier ouvrage où l'homme se confronte à la nature (et il n'est pas innocent que ce soit contre la mer et non plus contre la terre ou la montagne) ; les romans suivants mettront l'homme en confrontation avec ses propres passions. le souvenir de Melville imprègne fortement ce petit récit, assez technique (les termes maritimes abondent), qui, dans le sillage de « Moby Dick », se dessine comme une expédition maritime à portée métaphysique.
C'est en effet l'histoire de « l'Indien », un trois-mâts-goélette, qui part pour explorer une région inconnue de l'Antarctique : après l'escale de Tristan d'Acunha, où se trouvent les « fragments de paradis » qui attendent l'équipage ?
L'inspiration de Giono est assez facile à deviner. Herman Melville, bien sûr, mais aussi Joseph Conrad et Edgar Poe (Arthur Gordon Pym a suivi le même itinéraire). Et puis aussi une oeuvre que le jeune Jean Giono traîne avec lui depuis son enfance : « le Voyage de la corvette l'Astrolabe » de l'explorateur Dumont d'Urville.
Le plus étonnant est cette faculté de l'auteur à s'insérer sans effort dans ce milieu marin, si éloigné de ses sources d'inspiration traditionnelles : cette appropriation d'un domaine qui lui est relativement étranger est proprement sidérante : quand il décrit les manoeuvres du bateau, les caprices de la mer, la beauté des îles, la flore et la faune de ces contrées sauvages, on se croit chez les auteurs précités ou chez Jules Verne ; avec en plus un sens poétique qu'on ne présente plus, qui est toujours présent, sur mer comme sur terre.
Et puis cette interrogation métaphysique, cette quête du bonheur, cette éternelle lutte entre l'homme et les éléments, entre la civilisation et l'état de nature, qui existaient déjà chez Melville et Conrad, et que l'on retrouvera à peine modifiées chez Robert Merle (« L'Ile - 1962 ») ou Michel TournierVendredi ou les limbes du Pacifique – 1967 »), Giono les prend à son compte en une méditation profonde et enrichissante.
Moins connu que d'autres romans, « Fragments d'un paradis » se laisse lire sans trop de difficultés, surtout si vous êtes familiarisé avec les récits d'aventures maritimes, ou les comptes rendus d'exploration. Et puis il y a toujours cette langue poétique inimitable qui fait jaillir les images marines aussi bien qu'elle faisait naître les images terrestres…
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"Il n'est pas possible que la vie soit seulement ce que nous avons vécu jusqu'à présent. Malgré notre siècle de sciences et les progrès que nous avons faits, il est incontestable que nous mourons d'ennui, de détresse, et de pauvreté. Je parle d'une pauvreté d'âme, et d'une pauvreté de spectacle."

Quittant une Europe en guerre, le trois-mâts goélette L'Indien se dirige vers l'autre Terre de Feu pour une exploration scientifique. A son bord zoologue, géologue, météorologue et hydrographe partis étudier la péninsule de Graham, dans l'Antarctique nord. On ne sait s'ils y parviendront, Giono ayant laissé inachevé cette odyssée insolite, mais les rencontres les plus extraordinaires les marqueront à jamais...

Après son offrande, pleine de révérence, à l'un de ses modèles, Pour saluer Melville, Herman Giono nous harponne pour une singulière traversée maritime.

On pouvait s'attendre à une équipée incongrue de la part du chantre d'une Provence minérale et austère or le romancier nous éblouit d'emblée par sa maîtrise et sa connaissance de l'univers nautique.

Convoquant journal de bord, dialogues philosophiques, descriptions lyriques et fantastique baroque, Giono ensorcèle son lecteur et encaque de superbes songes : un rollier dont on a envie de dévorer les couleurs, une raie colossale dont l'iridescence purulente embaume le narcisse ou un calamar géant -léviathan lubrique- dont l'éjaculat régale et empoicre les oiseaux marins, en une bacchanale meurtrière...

Le plus beau chapitre, à mes yeux, est celui qui conte L'Aventure de Noël Guinard. Se lançant à l'ascension de l'îlot désertique Tristan da Cunha, le héros éprouve la solitude ultime, expérience de mort imminente, suspendu entre terre et ciel. Giono y rivalise avec lui-même et c'est simplement superbe.

Dans ces Fragments, notre marin d'eau douce a revêtu son ciré parnassien et y tutoie Calliope. Laissons-nous cueillir.
Lien : http://lavieerrante.over-blo..
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On résume trop souvent Giono à ses oeuvre "provençales", mais si on a lut sa préface à Mobydick on sait qu'il aime aussi Conrad, Melville et les romans d'aventure sur la mer. Car après les vagues des collines manosquines, c'est bien sur celles de l'océan qu'il emmène ses héros ! Bien sur derrière les tempêtes, les relevés zoologiques et les monstres marins qui ne tardent pas à surgir au fil des pages se cachent une autre recherche, une quête de l'inconnu, du sens, de ces joies dont le monde moderne prive ses habitants.
C'est donc un très beau roman, un peu différent de ce dont on a l'habitude avec cet auteur bien que le thème sous-jacent rejoigne tout à fait celui d'Un roi sans divertissement ou de quelques autres livres de Giono... à lire !
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Quand Giono décrit la Sainte Victoire ou les collines provençales , il utilise spontanément l'image du voilier et celle des collines . Quand il parle de la mer et de ses habitants il parle de de champs de narcisses ou autres sensations terrestres . C'est cela un poète .Dans ce roman étrange , composés de récits et de fragments d'un journal de bord ,il nous entraîne avec l'équipage d'un navire pour un périple mystérieux . En fait chacun à bord y poursuit sa « baleine blanche » dans une quête toute intérieure. Les merveilles du monde comme remède à l'angoisse de vivre car « Un roi sans divertissement est un homme plein de misères ».
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On ne sait comment Giono nous hameçonne, mais sans s'être rendu compte de rien, nous voici indolemment emporté dans l'étrange dérive de ce récit.
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Je me souviens d'une lecture inattendue où l'ivresse me prit. le roulis de l'océan et la contemplation du ciel s'additionnent pour rendre hypnotique ce récit. Roman étrange que je conseille comme une invitation à une méditation.
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Texte dicté tout d'abord dicté par Giono en 48 et paru en 1948 - voyage scientifique sur le voilier l'Indien sur toutes les mers du monde - tantôt rapport scientifique, tantôt puisant les informations dans les journaux de bord officiels ou intimes, Giono se lâche et nous fait découvrir des "images de plume" inspirées le plus souvent par ses peintres de prédilection, Bruegel (l'Ancien), Bosch... de qui il s'inspire pour son bestiaire marin fantastique (oiseaux aux couleurs inconnues, poissons poilus, raies géantes ; un pied sur la terre avec des odeurs de narcisse... Les marins sont tout d'abord effrayés et puis succombent à cet univers surréaliste. Quand le voilier est immobilisé par manque de vent, l'équipage sent que son destin lui échappe et comprend que son aventure ne peut que continuer que dans le fait de diriger sa vie, sous peine d'être inanimé ; à eux de se trouver rapidement une âme pour repartir.
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