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EAN : 9782070228195
184 pages
Gallimard (12/08/1941)
4.13/5   19 notes
Résumé :

Moby Dick (qu'il devait traduire, en collaboration avec Joan Smith et Lucien Jacques) fut, "pendant cinq ou six ans au moins", le compagnon de Giono. " Il me suffisait de m'asseoir, le dos contre le tronc d'un pin, de sortir de ma poche ce livre qui déjà clapotait pour sentir se gonfler sous moi et autour la vie multiple des mers. Combien de fois au-dessus de ma tête n'ai-je pas entendu siffler les cordages, la terre s'émouvoir sous me... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Giono est un écrivain parfois difficile à définir : on connait bien l'auteur de romans, on connait bien l'auteur d'essais, mais entre ces deux genres il crée une entité nouvelle qui tient un peu des deux et (comme toute l'oeuvre, d'ailleurs) est empreinte d'une grande poésie.
« Pour saluer Melville » fait partie de ces oeuvres inclassables. Entre 1936 et 1939, Giono avait entrepris, avec son ami Lucien Jacques, de faire la traduction de « Moby Dick », le chef-d'oeuvre d'Herman Melville. Ce « compagnon étranger » suivait l'écrivain depuis longtemps déjà : « Je l'emportais régulièrement avec moi dans mes courses à travers les collines ». Dans la foulée, il décide d'écrire une biographie de l'auteur. Henri Godard, qui présente l'ouvrage dans l'édition de la Pléiade, cerne bien le problème : « C'est qu'en réalité, malgré un effort non négligeable de documentation, l'entreprise échappe vite au genre des biographies, fussent-elles « romancées » ; l'imagination de Giono ne se laisse pas longtemps tenir en bride. Partant cette fois de faits authentiques attestés par les documents, elle a bientôt reconquis tous ses droits, y compris celui d'inventer, si bien que, tout en restant en profondeur fidèle à l'esprit de Melville, « Pour saluer Melville » est moins en définitive une biographie qu'un roman de Giono dont le héros se nomme Herman Melville ».
D'ailleurs le lecteur ne peut échapper à ce constat : « Pour saluer Melville » est un long poème en prose, qui raconte de façon romancée la vie d'un grand écrivain. C'est même encore plus réductif, puisque Giono, dans sa correspondance, traite cette oeuvre « d'histoire d'amour ». Mais pas n'importe quelle histoire d'amour : celle d'Herman Melville et Adelina White est, par sa soudaineté et son intensité, de celles qui marquent une vie ; et, de fait, toute la vie de Melville porte l'empreinte de cette rencontre. Giono, lui, en a raconté des « histoires d'amour » de cette sorte (Albin et Angèle, dans « Un de Baumugnes », Antonio et Clara dans « le Chant du monde » et bien d'autres), mais aucun roman n'est à ce point dominé par ce seul sentiment, l'amour entre un homme et une femme.
Et la preuve que Giono transcende la biographie c'est que cet épisode qui ne dure qu'un an dans la vie (reconstituée) de Melville, notre ami Jean en fait la clef de voûte de toute sa vie. Adelina White (la même couleur que la baleine, étonnant, non ?) donnera à Herman Melville l'élan suffisant pour se lancer dans l'odyssée du Pequod. L'imagination complétant allègrement les documents existants – voire l'absence de documents, et le langage lui donnant une dimension poétique qui ne fait qu'augmenter le plaisir de la lecture :
« Voilà pour le coeur. Maintenant, pour la tête, c'est une autre affaire. La tête parle. le coeur, remarquez-le, ne dit rien. Il est là, dans la poitrine, comme une petite paire de galoches, et je te claque, et je te claque, et je te claque sur une route où il va sans rien dire. La tête ne va nulle part ; elle est plantée là et discute le coup sans arrêt ».
L'intérêt de ce « roman biographique » est donc multiple : sans jamais trahir l'esprit du romancier américain (tel qu'il a pu l'analyser en le traduisant), Giono écrit du Giono, avec son style à la fois réaliste et métaphorique, qui annonce d'autres oeuvres : la rencontre d'Herman et Adelina annonce celle d'Angelo et Pauline dans « le Hussard sur le toit ».
Ce texte très court se laisse déguster avec délectation : les mots du poète français, qui se veulent l'écho de ceux du poète américain, rejoignent ces derniers par-delà les océans : c'est de cette communion entre deux grands écrivains que naît ce petit bijou.



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"Je crée ce que je suis : c'est ça un poète."

Mausolée de poche, "Pour saluer Melville" s'ébauche comme une biographie plutôt classique avant de tourner à l'affabulation revendiquée. C'est que Giono en dépiautant la vie de l'auteur de Moby Dick s'écorche lui-même ; les convergences sont criantes entre Melville et lui et plutôt que de rester amarré à une réalité trop prosaïque, il préfère prendre de l'erre et laisser filer une imagination thaumaturge.

Ainsi profitant d'une escapade anglaise de Melville, Giono s'extravague et lui rêve une rencontre fortuite avec Adelina White, jeune héroïne de cape et peut-être d'épée. White : une page vierge assurément et déjà l'ombre d'un cachalot albinos. Car ce rapprochement fugace sera fécond qui engendrera un Léviathan opalin.

Jonglant avec les temps -un imparfait qui entrave, un passé simple qui affranchit-, métaphorisant à génie déployé, mêlant le trivial à l'exquis, Giono, dans ce formidable exercice de style, nous harponne encore une fois.

"Ses titres ne sont en réalité que des sous-titres ; le vrai titre pour tous ses livres c'est Melville, Melville, Melville et encore Melville, et toujours Melville." Idem pour Giono.

De l'ambre... blanc.
Lien : http://lavieerrante.over-blo..
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J'ai découvert ce livre bruni et abîmé dans une des boîtes à livre du village. Je le connaissais de nom et je connaissais la fascination de Jean Giono pour Herman Melville. Je m'attendais à un livre atypique dans son oeuvre. Je n'ai pas été déçu. le livre devait être une préface à sa traduction de Moby Dick. Je m'attendais donc à une sorte de biographie ou une réflexion sur la baleine blanche.
Il n'en est rien, rapidement nous voyons l'homme des collines emporté par la création. Lors d'un voyage en Angleterre l'auteur rencontre une femme qui lui donne la force pour d'écrire son chef-d'oeuvre.
C'est finalement une réflexion sur l'auteur et sa création, sur son rapport au monde et à lui-même.
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Giono biographe ? Impossible ! le créateur en lui est trop fort pour s'effacer derrière son sujet. Alors , en guise de préface à sa traduction de « Moby Dick » et de son long compagnonnage d'esprit avec Melville , il lui invente une histoire d'amour et surtout une évocation poétique du rôle de l'écrivain . Peu connu mais à lire .
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Ce texte, qui ne devait faire office que de préface, n'est ni réellement une biographie ni un essai sur le travail du traducteur. C'est un long poème en prose, en forme de sensible hommage, qui dresse un portrait d'autant plus subjectif de Melville qu'il s'affranchit des contraintes biographiques et laisse libre court à un fol enthousiasme. On apprend donc assez peu de choses sur l'homme, à peu près rien sur l'auteur, encore moins sur la traduction. C'est à la fois tout autre chose et en même temps bien plus que cela. À ce titre, sa lecture pourrait bien être indispensable à tous les amateurs de Melville et de Giono.
L'article complet sur mon blog.
Lien : https://touchezmonblog.blogs..
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Il montra une échancrure dans le ciel entre deux accumulation de nuages neigeux.Elle avait la forme d'un feuille; elle était d'un vert nocturne et l'on voyait la profondeur des espaces se creuser à travers ma couleur. "Vous souvenez-vous d'avoir tenu dans vos mains une feuille de laurier?-Oui-Vous souvenez-vous de la couleur de la feuille?-Oui-Sombre comme la nuit?-Oui-Mais quand même verte?-Oui- D'un vert qui semble venir de très loin et monte à travers la couleur sombre, comme si la feuille était un monde?-Oui- Comme si des gouffres extraordinaires s'ouvraient dans la feuille? -oui" Et , brusquement , elle eut ainsi cette échancrure de ciel dans la main;elle sentait les gouffres du ciel s'approfondir dans sa main;elle les voyait contre son œil;Ce n'était plus le même monde , elle toute petite et le ciel illimité, c'était elle illimitée et le ciel, là, tout petit. Tout simplement parce qu'une fois elle avait tenu dans sa main une feuille de laurier dont la chair est pareille à cette immense poussière de sable vert sombre qu'est la nuit. Et surtout parce qu'une voix venait de le lui dire , de réunir les deux images et d'apporter la lumière.
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L'homme a toujours le désir de quelque monstrueux objet. Et sa vie n'a de valeur que s'il la soumet entièrement à cette poursuite.
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L'homme ...semble être sagement enfermé dans le travail de son jardin. Mais depuis longtemps il a appareillé pour la dangereuse croisière de ses rêves. (p.10)
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Videos de Jean Giono (61) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean Giono
Denis Infante a publié son premier roman Rousse publié aux éditions Tristram le 4 janvier 2024. Il raconte l'épopée d'une renarde qui souhaite découvrir le monde. Un ouvrage déroutant par sa singularité. Son histoire possède la clarté d'une fable et la puissance d'une odyssée et qui ne laissera personne indifférent. L'exergue, emprunté à Jean Giono, dit tout de l'ambition poétique et métaphysique de ce roman splendide : "Dans tous les livres actuels on donne à mon avis une trop grande place aux êtres mesquins et l'on néglige de nous faire percevoir le halètement des beaux habitants de l'univers."
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