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Où le mystère n'est pas où on le cherchait
ET
où les Bourgeois Gentilhommes se croient Tartuffes.

J'ai lu ce livre avec un plaisir non mitigé. C'était un grand bonheur ! Un bonheur,comme de vivre un de ces après-midis d'été, ivres de soleil, où le temps même s'écoule langoureusement et où rien, vraiment rien ne peut vous détourner de l'essentiel. Et l'essentiel, c'est ici et maintenant.

Pourtant. Pourtant il y aurait à redire. Car quand j'essaye de reconstituer ma lecture, je trouve un blanc. Ou plutôt, en lieu et place du blanc, je trouve Angelo. Angelo est comme ces textes qui pensent se suffire à eux-mêmes. Il ne se mettent pas au service d'une thèse, n'apportent pas d'arguments, n'attaquent ni ne défendent rien ni personne. Ils se content. On les écoute, comme on entend les rivières couler. Et quand le texte a fini de s'écouler, quand, la couverture refermée, le silence se fait, on se rend compte que c'est fini. La magie de l'instant s'est évaporée. C'est fini. Mais que s'est-il passé ?

Vous avez été mené, emmené, emporté dans les bras d'un conte. Vous lui cherchez des raisons, des buts et des moyens, mais il n'en avait d'autre que de vous enchanter. Ce qui fut fait, et vous laisse pantois.
Mais comment, me direz-vous, comment fonctionne cet enivrement ? Par magie. Angelo est une créature mythique, un héros. L'héros est cette créature, faite en apparence comme vous ou moi, mais qui se différencie par l'exagération d'une caractéristique. Chez Angelo, c'est le courage. Non pas le courage de celui qui mène un long combat contre l'infortune, mais celui du spadassin. Il est l'héritier d'une belle tradition, qui a chanté les exploits d'Hercule, d'Achille et d'Hector, d'Ulysse et même de d'Artagnan. Il cherche ce qu'il appelle le bonheur, et veut le trouver dans l'action héroïque, de préférence même dans la mort héroïque. Un héros ne se justifie pas par des raisonnements, il ne fait qu'accomplir sa destinée. En ce sens, Angelo échouera : il est invincible et l'héroïsme ne le mènera pas au Panthéon. Mais quelle fougue, quelle audace, quelle force ! C'est ce qui fait briller les yeux des enfants, et des hommes qui jugent leur vie par trop grise. L'héros, lui, s'oppose au destin, et c'est ce qui le distingue. Nous manquons cruellement d'héros …

Que penser d'un livre sans thèse ni message? Serait-on justifié à se sentir floué parce que n'ayant rien appris ? Ne s'agirait-il que de littérature d'amusement ? Alors, que penser, justement, de grands classiques tels que l'Odyssée, des pièces de Shakespeare ou de Molière ? Quelle est la fonction du Médecin malgré lui ou du Bourgeois Gentilhomme ( ne parlons pas d'utilité) ? Sans doute avaient-ils un message social ou politique au moment de leur écriture; message qui est beaucoup moins visible aujourd'hui. Mais même s'ils n'en avaient pas, qui oserait contester leur valeur ? Il doit y avoir en moi quelque chose de puritain, qui estime perdre son temps quand il n'apprend pas
quelque schéma qui lui permette de mieux saisir la réalité, et qui s'en sent alors coupable. C'est étrange, car je ne me voyais pas ainsi. Je ne crois pas que tout doive avoir une fonction. J'apprécie la beauté, et pourtant, il y a ce coté puritain ( qui n'a d'ailleurs rien à voir avec la religion mais plutôt avec un furieux besoin de comprendre) .

Ainsi, bien qu'ayant été ravi par un conte, et n'ayant rien eu à comprendre, j'aurais appris quelque chose. Surprenant, non ? Surprenant, ou magique …





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Le bonheur fou, au-delà de celui de son héro, est assurément pour Jean Giono, celui qu'il a eu à écrire ce roman. On y perçoit à tout instant la gourmandise que l'auteur y prend dans ses descriptions de paysages, d'action ... ses dialogues.
C'est également celui du lecteur (que je fus) qui dévora les pages avec rage et délice.
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Dans la bonne trentaine de romans, récits et nouvelles qu'a écrits Giono, « le Bonheur fou » est le plus long (470 pages dans l'édition originale contre 403 pour « Batailles dans la montagne » et 398 pour « le Hussard sur le toit »). C'est également l'un des plus curieux, parce qu'il s'apparente à plusieurs genres littéraires sans être totalement affilié à aucun.
Quatrième roman (chronologiquement parlant) du « Cycle du Hussard », il prend place juste derrière « le Hussard sur le toi » dont il constitue la suite. Mais si vous pensiez que l'auteur vous conterait la suite des aventures amoureuses d'Angelo Pardi et de Pauline de Théus, vous vous mettez le doigt dans l'oeil jusqu'à l'omoplate. Pas de Pauline à l'horizon, et « le Bonheur fou », de toute évidence n'est pas un bonheur sentimental. C'est un roman historique, politique et même patriotique : il s'agit ni plus ni moins de la première guerre d'indépendance entre l'Italie et l'Autriche en 1848, une révolution plus ou moins avortée, mais qui sème déjà les graines d'une révolution plus ample qui mènera à la constitution du Royaume d'Italie et à l'unification du pays en 1861.
C'est donc apparemment, un roman historique que nous propose Giono : Angelo, de retour en Italie après ses aventures françaises, se trouve devant le siège de Mantoue. Mais l'Italie de son enfance, celle qu'il recherche plus ou moins, n'est plus là : ici c'est la guerre qui rebat les cartes. Si les insurgés affichent tous un patriotisme exemplaire, il se joue également un jeu d'influences qui, pour une nature noble comme Angelo, est entaché de bassesse. Angelo va apprendre à ses dépens que rien n'est acquis, et qu'il faut se méfier de tout, de tout le monde, y compris de ses amis, y compris de sa famille. Son frère de lait, Giuseppe, va se découvrir traître, cupide, envieux, lâche et en tous points l'antithèse d'Angelo, courageux, chevaleresque, et animé des meilleures intentions.
Pourtant le drame historique (remarquablement reconstitué, au travers de scènes de batailles particulièrement réussies) n'est là que pour amener le drame personnel qui oppose Angelo à Giuseppe. Cette lutte fratricide, qui n'est pas sans rappeler Caïn et Abel, Etéocle et Polynice, ou plus près de nous les protagonistes de « A l'est d'Eden » (de Steinbeck), est le noeud du roman et en constitue la conclusion.
Alors, on peut se poser la question : « le Bonheur fou ». Mais quel bonheur ? Et pourquoi est-il fou ? On sait déjà que ce n'est pas un bonheur sentimental. Est-ce la flamme patriotique des révolutionnaires, et celle d'Angelo en particulier, qui anime les insurgés ? Pourquoi pas ? le terme « fou » correspond assez bien à cette révolte légitime, mais peu raisonnée, et peu raisonnable, d'ailleurs l'insurrection sera un échec. Ou alors ce « bonheur fou » pourrait être cet extraordinaire appétit de vivre qui caractérise Angelo : vivre de façon intense, mais vivre pour vivre (de là l'adjectif fou, qui signifie à la fois démesuré et hors de tout raisonnement sensé). Et si ce « bonheur fou », après tout, ne s'appliquait pas au roman et à ses personnages, mais à Giono lui-même, qui a dû trouver une belle jubilation à écrire ces pages qui rappellent tantôt Stendhal, tantôt Tolstoï et tantôt Giono lui-même dans son goût des descriptions précises et colorées, son dessin, subtil et fort à la fois, de personnages inoubliables, son affection pour Angelo
Sans parler de son style inimitable, fluide et riche, qui nous enchante et nous donne, à nous lecteurs et lectrices… un bonheur fou !
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Dans l'affrontement entre le Piémont-Sardaigne et l'Autriche, pour « libérer » la Lombardie, Angelo Pardi, le « hussard sur le toit », déploie son essence et son existence à sa manière bien spécifique, ravissante et inactuelle. Un régal et un rêve, servis par la langue de Giono à son sommet d'ironie.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2023/03/04/note-de-lecture-le-bonheur-fou-jean-giono/

Quelques années après avoir dû se réfugier quelque temps en Provence (et y vivre les événements, entre exil forcé, épidémie de choléra et amour fou resté un temps platonique, qui donnèrent lieu, moyennant quelques ajustements internes, à « Angelo » et au « Hussard sur le toit », vers 1836-1840), Angelo Pardi, toujours jeune colonel piémontais de cavalerie issu d'une noble et influente famille turinoise, toujours aussi engagé dans les menées révolutionnaires visant notamment à secouer le très réactionnaire joug autrichien sur l'Italie du Nord, se retrouve pris au coeur des événements de 1848, lorsque les soulèvements populaires en Sicile, à Naples et à Rome font office de déclencheur au Nord, entraînant à la fois l'insurrection à Milan et dans certaines villes plus modestes du royaume lombardo-vénitien géré par l'Autriche, et la déclaration de guerre à la puissance occupante par le roi Charles-Albert de Piémont-Sardaigne. Naviguant de courrier secret en mission auto-attribuée, Angelo parcourt cette campagne militaire et révolutionnaire en franc-tireur alerte, tout en étant conduit, inexorablement, à la résolution dramatique de certaines contradictions politiques (dont un long prologue parmi les filières à l'étranger des carbonari, prologue dont Angelo était tout à fait absent puisque se passant vingt à vingt-cinq ans plus tôt, nous offrait les racines délétères), familiales et intimes qui le hantaient depuis longtemps, souvent à son insu et tout à son honneur.

De nombreux commentateurs (dont, au tout premier chef, Pierre Citron, dans sa copieuse et précieuse notice accompagnant le texte dans La Pléiade) ont noté que ce roman de 1957 qui achève le cycle dit « du Hussard » (si l'on excepte l'écho que l'on en retrouvera dans « Les récits de la demi-brigade », publication posthume de 1972) était à la fois le plus long de Jean Giono (devant « Batailles dans la montagne » et « le hussard sur le toit », déjà), celui auquel il aura consacré, et de loin, le plus de temps de travail, et enfin, paradoxe apparent pour un pacifiste aussi convaincu, son seul récit véritablement militaire (avec un degré extrême de soin et de précision – qui pourrait évoquer, dans un tout autre registre, la démonstration d'art de la guerre conduite par Marcel Proust dans le tome 3 de « La Recherche », « le Côté de Guermantes »). Fort loin de se limiter à un hommage évident au Stendhal de « La Chartreuse de Parme » (comme l'avait parfois imprudemment catalogué une certaine critique littéraire), « le bonheur fou » est peut-être bien le plus riche et le plus mystérieusement abouti des grands romans de l'auteur.

Dans ce roman-ci, l'ironie rampante, qui a toujours été jusqu'alors l'une des grandes forces – pas toujours bien identifiée par la critique – de Jean Giono, devient réellement essentielle, renforcée par une utilisation particulièrement rusée de personnages secondaires hauts en couleur – même lorsque leur apparition demeure fugitive -, au fil des rencontres d'Angelo sur l'immense champ de bataille qu'est devenue la Lombardie pendant ces semaines fiévreuses de 1848. La vieille dame, le commandant d'artillerie, le cauteleux Bondino ou encore l'ex-général napoléonien Lecca, et bien d'autres : autant de comparses qui finissent par jouer un rôle bien éloigné de celui de second couteau, dans la trame globale de l'oeuvre.

« La cathédrale d'histoire que construit Giono est donc bien toujours sous le vocable de Notre-Dame-de-la-Désillusion » : la remarque si juste de Pierre Citron pourrait toutefois masquer le combat dantesque que mène ici l'auteur quasiment contre lui-même, déployant la force et l'inventivité d'une langue évolutive, maniant discrètement une forme subtile d'anachronisme de tonalité et de préciosité à contre que ne renieraient certainement pas les Wu Ming de « Q – L'Oeil de Carafa » ou de « Altai ». Très différent en cela, au prix d'un autre petit paradoxe, du « Hussard sur le toit », il dissimule une intrigue quasiment policière sous les faux hasards du brouillard de la guerre, et en extrait une réflexion songeuse et vitale sur le sens de la vie – sous contraintes à réinventer perpétuellement. Tour de force narratif, enchantement du verbe, « le bonheur fou » est certainement, subvertissant son apparence de roman historique et de roman de guerre, le plus politique et le plus secrètement intime de tous les romans de Jean Giono.

Lien : https://charybde2.wordpress...
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J'ai commencé ce livre pour continuer à voir vivre et combattre Angelo Pardi et savoir comment il ferait pour aimer Pauline de Theus. Pas de Pauline dans ce livre, juste les combats de la guerre entre l'Autriche et l'Italie au XIXe siècle. Je suis un peu déçue, donc, mais toujours admirative de l'écriture de Giono. Les expressions, les métaphores sont inattendues, et le rythme du récit est celui d'un cheval au galop. On retrouve parfois l'ambiance de la Chartreuse, et le regard tendre du narrateur sur son héros.
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Angelo s'ébroue comme un cheval fou dans son Italie natale aux prises avec la révolution de 48 , c'est le bonheur fou que de se battre pour son idéal , que d'exécuter des gestes flamboyants dans les paysages aimés. Mais une révolution c'est aussi la politique , et derrière les flamboyants , il y a les habiles , les tireurs de ficelle, ceux qui tireront profit du sang des purs. L'opposition entre Angélo et Giuseppe annonce le combat fratricide des « Deux cavaliers de l'orage » . C'est aussi le bonheur fou de galoper en chevauchant les phrases d'un Giono au comble du bonheur d'écriture.
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"Le bonheur fou" c'est le bonheur de jean Giono à faire vivre avec délice Angelo dans une suite d'aventure guerrière qui ne servent qu'à mettre en avant son idéal romantique. Angelo c'est l'antithèse du soldat des tranchées que fût Giono en 14, expérience qui marqua si fortement la première partie de son oeuvre (Le grand troupeau, Refus d'Obéissance entre autres...). Angelo c'est D Artagnan sans les mousquetaires. Dommage que l'on s'y perde un peu dans ces batailles, ces escarmouches, "ces va et vient". Giono espiègle oui, stratège on en doute!
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