Muses et égéries/
Gamal GhitanyGamal Ghitany se souvient…En phrases amples et rythmées enrichies d'un vocabulaire précis, coloré et fécond, il nous offre un florilège poétique de ses conquêtes ou simples rencontres féminines, des émotions conjointes et de ses désirs parfois inassouvis. On est frappé d'emblée par le style imagé et romantique, souvent hyperbolique, parfois hélas emphatique de façon outrancière, que la qualité exceptionnelle de la traduction dans tous les cas met en valeur.
« Les émotions qui toute ma vie m'ont émerveillé et enflammé, qui m'ont permis de connaître les plus hauts degrés du contentement de l'âme et de la satisfaction des sens, ont trait aux femmes. » On ne peut être plus précis.
Toute nouvelle rencontre le bouleverse : « J'ai tendance à puiser dans ma mémoire pour comparer les femmes que j'ai connues à celles que croise mon regard. Mais celle-ci ne souffrait aucun équivalent, aucun point de comparaison : elle avait ouvert un nouveau chapitre dans mes archives intimes. »
Le voyeurisme même peut le conduire à un embrasement des sens lorsqu'il observe sa voisine d'en face. C'est aussi avec une obstination peu commune qu'il se met en quête d'une femme qui habite à Istanbul et qu'il a découverte sur une cassette vidéo lors d'un tour de chant.
Cette rencontre peut aussi bien être celle d'un lieu magique qui évoque la féminité, comme la ville de Tolède dont l'auteur tombe éperdument amoureux. Ou bien un monument, une oeuvre d'art, comme le montre son séjour à Cordoue.
« La seule ville qui se détache de toutes les autres, la seule qui soit à même de me procurer la paix de l'esprit, c'est cette mienne Tolède, à la fois pudique et ardente, ma bien-aimée espagnole qui, par le seul pouvoir d'une pousse de basilic enracinée dans son sol, m'a soumis à sa volonté. »
Pour juger une oeuvre, je me fie en premier à la qualité générale de la langue, puis à la richesse du vocabulaire, la qualité de la syntaxe et enfin au contenu, l'intrigue ou le thème. Et là, je suis comblé même si je n'adhère pas totalement à cette hypersensibilité dont fait montre l'auteur. La langue est riche et soucieuse du détail.
L'auteur se livre à une fine analyse de la cristallisation qui s'opère entre un homme et une femme avant même qu'ils aient échangé le moindre mot.
Et puis, Ghitany sait décrire les instants magiques : « Jamais au cours de mes pérégrinations, pourtant nombreuses, je n'ai connu d'instants plus beaux et plus parfaits que celui où la femme confesse son désir et accorde son consentement, cela par un regard, un mot, un infime tressaillement, un halètement, un soupir. »
Il nous livre ses fantasmes en accord avec tous ces corps convoités : ode aux femmes, à une femme en particulier, l'obsédante Hamra, femme fondatrice rencontrée dans l'enfance et dont toutes les suivantes ne seront que des répliques.
Nombreuses sont les digressions qui hachent un peu le récit tant est soucieux du détail
Gamal Ghitany .
Un très bel ouvrage à lire en prenant son temps pour le plaisir.