Quel est le rapport entre
Stendhal,
Jeanne Mas et la couverture de ce livre ? Sans aucun doute la passion et la mort, symbolisées par les couleurs rouge et noir.
"Si l'on m'avait conseillée, j'aurais commis moins d'erreurs - en rouge et noir, j'exilerai ma peur".
Les paroles de cette chanson, c'est tout le message de
Dave Goulson dans "Terre silencieuse", car il faut une sacrée dose de passion pour conjurer cette mort qui rode à chaque page.
A l'instar de Rachel Carlson, qui avait alerté le monde sur la dégradation de l'environnement dans "Le printemps silencieux" il y a maintenant 60 ans, le scientifique britannique part à l'abordage avec un manifeste à la fois virulent, réaliste et démonstratif.
Si les insectes sont le fil rouge de cet ouvrage, c'est pour mieux nous faire prendre conscience de la noirceur du monde terrien actuel.
Au moment où j'écris ces lignes, le ministre de la transition écologique vient de déclarer qu'il faut préparer le pays à 4 degrés de réchauffement climatique. Effet d'annonce ou engagement délibéré ? L'avenir le dira... ou pas.
En attendant, et bien non, on ne peut plus attendre. En cinq actes, l'auteur fait le point sur la diminution des insectes et les conséquences qui en résultent.
Acte 1 : Les insectes ont leur place dans notre société
Ils font partie de la chaîne alimentaire et la suppression de leur maillon nuit à tout l'équilibre. le monde des six pattes ne se résume pas aux piqûres des moustiques et frelons asiatiques.
Acte 2 : Leur déclin
Qui n'a pas remarqué que les pare-brise des automobiles ne sont plus criblés d'insectes après un long parcours ?
Acte 3 : Les causes du déclin
La dégradation de leur habitat : morcellement du territoire et empoisonnement des sols
Acte 4 : Où va-t-on ? Un tableau du futur
Délire post-apocalyptique ou pré-constat des prochaines décennies ?
Acte 5 : Que pouvons-nous faire ?
Les actions de tout un chacun avant qu'il ne soit trop tard
Evidemment, les trois premiers actes sont maintenant connus, mais
Dave Goulson les explique pendant presque les trois-quarts du livre, avec moults détails sidérants.
Ce qui est intéressant dans sa démarche, ce sont les deux derniers actes, c'est à dire comment mettre en place l'acte 5 pour ne pas que l'acte 4 voie le jour. Car combien d'autres essayistes avant lui ont disserté sur le thème en pondant des brûlots théoriques et défaitistes.
Loin de moi de penser qu'il n'a pas un côté provocateur et alarmiste, mais il le met au service des habitants de la Terre, en proposant des actions réalistes qui pourraient être menées par des citoyens responsables et actifs. C'est tout l'enjeu de notre siècle, le 21ème déjà bien engagé mais qui patine dans la mise en application de solutions pas si utopistes que ça.
Si toutes les gouvernances publiques, les industriels, les agriculteurs, les jardiniers et les consommateurs se prennent par la main et entrent dans la même ronde de la prise en charge en commun, la situation n'est pas encore désespérée. Les petits ruisseaux font les grandes rivières, apprenons à aimer les insectes, quels qu'ils soient, pour nous aimer nous mêmes.
Facile à lire malgré le nombre de pages conséquent, ce manifeste est éducatif autant que dénonciateur. Pour que le cri d'alerte se transforme en mobilisation, c'est à chacun de transformer l'essai, en premier lieu en discutant avec ses voisins, ses enfants. Comme le disait
Stéphane Hessel, "
Indignez-vous", mais agissez !
Un petit plus bien sympa : l'ajout, entre chaque paragraphe, de la description d'un insecte étonnant; ça allège le texte et le rend plus vivant.
Merci à la masse critique de Babelio et aux éditions du Rouergue pour l'envoi de ce livre. Et à bientôt pour de nouvelles aventures !