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EAN : 9782070107599
464 pages
Gallimard (07/01/2016)
4.09/5   37 notes
Résumé :
Moscou. U.R.S.S. La culture est enrégimentée afin de servir l'État.
Vladimir Katouchkov et Pavel Golchenko, la vingtaine, se rencontrent un soir par hasard. Le premier est censeur au sein du GlavLit, qui statue sur tout ce qui paraît dans le pays. Le second est projectionniste au GosKino, le cinéma des officiels du Parti. Deux institutions où sont quotidiennement interdites, coupées, asservies les œuvres d'une nouvelle génération d'écrivains et de cinéastes q... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Je me suis précipitée à la médiathèque afin d'emprunter le premier roman de cet écrivain talentueux, après avoir été captivée par son dernier opus "Maîtres et esclaves"...Une histoire très dense et dramatique se déroulant dans la Chine maoïste des années 50 aux années 70...On accompagne le parcours des plus éprouvants, d'un peintre-paysan, fils lui-même d'un peintre-paysan, qui ne se laissera pas embrigader par le nouveau régime...mais il y perdra la vie !

Son fils, jeune recrue, douée pour le dessin , servira la propagande de
Mao-Zedong, deviendra le censeur des autres artistes, reniera son père, ses amis, ses proches pour juste "sauver sa peau" !... échapper à la misère, aux humiliations et à la peur constante...générée par le régime. La vie d'un individu surdoué en dessin et peinture, broyé par un système, alors que dans "Les âmes rouges", se faufile un peu d'oxygène, de l'espoir, avec Vladimir Katouchkhov,responsable de la censure des livres...qui va finir par "regimber"...

Un fils sincèrement épris de littérature, embauché, tout jeune , au sein du Glavlit [ département étatique qui statue sur tout ce qui est publié sur le territoire russe] se chamaille avec sa mère, avec laquelle il vit. Cette dernière, ancienne institutrice, regrette les fonctions restrictives de son "rejeton"... Elle lui réclame le célèbre roman de Pasternak , "Le Docteur Jivago", qu'elle voudrait relire, qui est interdit...
Il refusera... et finalement , il découvrira par hasard, que sa mère a réussi à le dénicher; il le dévorera en cachette, avec enthousiasme... se demanda bien pourquoi ce texte a été censuré....

Il fera, près de 35 années, sa carrière de "censeur" au sein du Glavlit, mais on le voit se transformer au fil de ses années d'exercice, parrallèlement aux transformations du régime...du terrible Staline, aux années Khrouchtchev à celles de Gorbatchev (qui fera une loi, pour l'abolition pure et simple de la censure !!) en passant par la rude période Brejnev...


"Ce livre séminal -printed in the United States of America-, que Katouchkov lit sans se presser, est sorti des presses new-yorkaises en 1952. Il a mis plus de neuf ans à parvenir entre les mains du censeur, et son périple mérite à lui seul un roman. Ainsi Katouchkov en savoure -t-il chaque mot, en palpe-t-il chaque phrase, en soupèse t-il chaque chapitre - ici appelé "Note". Il prolonge le plaisir parce qu'il prolonge la transgression, le danger. Et dans ce danger, il est lié à sa mère. Olga Katouchka ignore qu'il a lu son - Docteur Jivago- Mais elle est dangereuse, comme lui, parce que portée par l'insatiable curiosité de l'esprit, par l'ardeur farouche de l'intelligence qui ne sait pas trouver le repos. Pour Olga Katouchkova, pour Vladimir Katouchkovv, pour des millions de Soviétiques, les années Khrouchtchev devaient rester comme un âge d'or relatif (...) Et ce court âge d'or suffit à semer le germe de l'impertinence. (p. 83)"


Chapeau bas à cet auteur, qui a le don de la narration, tout en nous offrant une profusion d'informations sur la littérature russe, ainsi que sur sa production cinématographique ! Un roman tout à fait époustouflant, fort documenté, qui nous fait re-parcourir l'histoire de l'U.R.S.S. sur plusieurs décennies

Entre autres, des passages jubilatoires sur les samizdats...pour lesquels notre "censeur" se prend d'une vraie curiosité passionnée !!
[Le samizdat (en russe : самиздат) était un système clandestin de circulation d'écrits dissidents en URSS et dans les pays du bloc de l'Est, manuscrits ou dactylographiés par les nombreux membres de ce réseau informel.]

"Plus il lisait de samizdats, et plus Katouchkov aimait cela. Pour une raison simple : ils le faisaient rire. D'un rire un peu cruel, dirigé contre le monde, mais surtout contre soi- comme quand on rencontre un réverbère parce qu'on a suivi du regard une femme. D'un rire empoisonné, parce qu'il vous forçait à vous regarder dans la glace. Et à ne plus vous raconter d'histoires, ni à prendre "tout ça" très au sérieux. Il ne reprochait donc plus à Agraféna ses lectures. Il les guettait même avec impatience, ces précieux feuillets de toutes sortes, bientôt plus beaux à ses yeux que toutes les bibliothèques reliées d'U.R.S.S." ( p. 202)"

Bref , entre véritables écrivains, véritables artistes et personnages inventés... nous apprenons une foule de choses, de l'Histoire russe et des restrictions gigantesques empoisonnant la vie culturelle de ce pays, enfermé dans les propagandes communiste et socialiste, et le long chemin... qu'il fallut pour que ces bureaux de la Censure disparaissent....!!

Un seul bémol, mais tout à fait infime, qui m'a parfois légèrement "embrouillée" : une abondance de personnages, dont certains que l'on ne croise que très fugitivement , et qui disparaissent...aussitôt !!!

"Si Katouckhov a recours à la littérature interdite, c'est parce que la littérature "officielle" , à cause de la bureaucratie culturelle, vient au monde au compte-gouttes. Au forceps. Et qu'elle est, à vrai dire, bien pâlichonne. Dénuée en tout cas du pouvoir révolutionnaire du verbe voulu, de l'émotion ressentie- et non projetée. Pâlichonne, parce que si elle se regarde en face, "miroir qui se promène une grande route", elle est surtout en U.R.S.S. un miroir sans tain. (...) Katouchkov a donc faim de livres qui ne l'infantilisent pas, de livres substantiels." (p. 84)

Un hommage à la Dissidence, et à la Liberté de penser, d'écrire, de lire...La conscience universelle et toujours présente dans certains régimes totalitaires : le courage de penser, de s'exprimer, au péril de sa liberté ou de son existence...

Un moment captivant de lecture. Bravo et Merci à l'auteur...!

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Les destins croisés d'un fonctionnaire de la censure et d'un projectionniste sous chape de plomb communiste.

Si peu de retours lecteurs pour ce livre!
J'ai donc eu quelques craintes et au résultat, c'est une excellente lecture, une immersion passionnante dans le quotidien des "camarades" soviétiques, traversant les années de dégel sous Kroutchev et d'immobilisme de Brejnev.

Livre foisonnant de multiples personnages réels ou fictifs, bourré de références littéraires, parsemé de rappels historiques de la guerre froide, parlant de créations cinématographiques et de littérature dans tous leurs états, censurées, manipulées, tronquées, et bien entendu dissidentes. On peut caler sur l'aspect intellectuel du propos mais le contexte d'une société prise en otage par un système politique ubuesque constitue le meilleur de la narration.

Dans la foulée des fonctionnaires du pouvoir, censeurs, éditeurs, écrivains, le lecteur doit tenir la distance. Les patronymes russes demandent un effort de mémorisation. L'âme slave se décline dans ses excès de rapports humains, entre brutalité et convivialité. Peu de bonheur dans les destinées individuelles mais un esprit de résistance, de contestation et de stoïcisme chevillé au corps de homo soviéticus, derrière le renoncement libertaire et l'idéologie de façade.

Me restera l'image du hangar-mouroir de la parole écrite, le "goulag des mots", bibliothèque secrète et poussiéreuse des livres interdits par un régime paranoïaque, où voisinent Sade et Dieu sur la même étagère.

Je conseille vraiment!
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Les premières pages sont vraiment excitantes: nous pénétrons dans l'institution mystérieuse où les censeurs soviétiques passent au crible de la doxa communiste tendance Kroutchev les productions culturelles locales - mais pas seulement. Kroutchev est un assez bon bougre mais tous les dirigeants ne partageront pas ses foucades inespérées et la censure, bonne fille, épouse les principes des uns puis des autres, d'où ce résultat pas si inattendu : le dirigeant passe et le censeur résiste. On finit par bien aimer ce travailleur de l'ombre, modeste amoureux des livres ( car qui d'entre nous n'aimerait pas 1) lire toute la journée et être payé pour ça 2) expédier très très loin tous les auteurs qui n'auraient pas l'heur de nous plaire...)? Mais le censeur traîne ses fantômes, tous ceux qu'il a trahis et envoyés au Goulag ou, au mieux, au fin fond de désespérants hôpitaux psychiatriques.
Alors pourquoi 3 étoiles seulement ? Trop de personnages inhabités et purement figuratifs, trop de notes de bas de page, trop de didactisme... le censeur découvre Kalatozov. le censeur découvre Grossman. le censeur découvre Zamiatine. le censeur découvre Soljenitsyne. Et là, effectivement, on se dit que si on doit subir la litanie de tous les cinéastes et écrivains un peu connus, ça va être longuet.
Ça l'est.
Nonobstant toutes les qualités du livre, on est quand même bien content d'en voir la fin.
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Un roman très documenté, au souffle vraiment "russe". L'épopée d'une amitié sur près de trente ans, à Moscou. Un panorama de la vie culturelle soviétique vue de l'intérieur. Des dissidents qui fuient le KGB... On revit toute une époque. On revisite toute une époque avec un guide expert : le narrateur. L'Histoire draine les histoires des personnages; attachants ou rebutants, en tout cas réalistes et complexes. Tous réussis.

"Les âmes rouges" est l'improbable rencontre entre "L"oeuvre au noir" de Yourcenar et "Les trois jours du condor" de Sydney Pollack. Chapeau.
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Un vrai coup de maître, ce premier roman ! Une documentation solide, un sens de la narration (la technique des courts chapitres fonctionne parfaitement), tout y est. Et cette peinture de personnages désenchantés donne un récit où l'histoire qui se fait et se défait se teinte finalement d'une certaine mélancolie. L'une des belles surprises de cette année, assurément, couronnée par le très chic prix Roger Nimier.
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critiques presse (1)
Bibliobs
10 février 2016
Dans un formidable premier roman, Paul Greveillac raconte un demi-siècle d'histoire soviétique à travers la vie d'un fonctionnaire du GlavLit.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (27) Voir plus Ajouter une citation
Ce livre séminal -printed in the United States of America-, que Katouchkov lit sans se presser, est sorti des presses new-yorkaises en 1952. Il a mis plus de neuf ans à parvenir entre les mains du censeur, et son périple mérite à lui seul un roman. Ainsi Katouchkov en savoure -t-il chaque mot, en palpe-t-il chaque phrase, en soupèse t-il chaque chapitre - ici appelé "Note". Il prolonge le plaisir parce qu'il prolonge la transgression, le danger. Et dans ce danger, il est lié à sa mère. Olga Katouchka ignore qu'il a lu son - Docteur Jivago- Mais elle est dangereuse, comme lui, parce que portée par l'insatiable curiosité de l'esprit, par l'ardeur farouche de l'intelligence qui ne sait pas trouver le repos. Pour Olga Katouchkova, pour Vladimir Katouchkovv, pour des millions de Soviétiques, les années Khrouchtchev devaient rester comme un âge d'or relatif (...) Et ce court âge d'or suffit à semer le germe de l'impertinence. (p. 83)
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(...) il guettait les moindres sons émis par les voisins, au-dessus, au-dessous, sur les côtés. Mais les travailleurs, pour la plupart, s'acquittaient ailleurs de leur devoir envers le peuple. Puis il oublia bientôt tout- avalé par le roman, devenant, lecteur, l'acteur primordial de la fresque. Pendant ses trois jours d'arrêt, sans rien en dire à sa mère, replaçant avec précaution le roman là où il l'avait trouvé sur l'étagère, il dévora -Le Docteur Jivago- En le refermant, il se demanda pourquoi, au juste, on le censurait en U.R.S.S. Khrouchtchev, paraît-il, une fois destitué et après avoir enfin lu le livre, ne se demanda pas autre chose. (p. 61)
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A cette époque moderne où personne ne lisait plus, censeurs y compris, l'opiniâtreté de Katouchkov à lire de bout en bout les manuscrits qui lui étaient soumis, à ne pas décoller l'arrière-train de son siège tant que la lecture d'une ligne, d'un paragraphe ou d'un chapitre n'était pas terminée, lui avait valu le sobriquet fleuri de "Sueur de cul!". Et comme tout en U.R.S.S. finissait par se voir désigner par son acronyme, on ne l'appela bientôt plus autrement que par S.D.C. Mais la phonétique en étant décidément tentante : on finit par s'accorder sur S.D.Q.

Page 85
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(...) l'être humain que fut le censeur, visiteur d'un zoo dont les loquets des cages auraient été relevés dans l'intention de nuire- l'environnement très hiérarchisé (...) projetait le censeur dans une course en sac absurde. Et dont il pouvait, en cas de défaite, payer le prix fort : du blâme à la perte d'emploi jusqu'à légalement, le goulag. Lorsque Katouchkov débute au GlavLit, pour reprendre les mots d'Ossip Mandelstam, poète révéré, mort en camp de transit près de Vladivostok, on ne respecte plus les écrivains dissidents : car on ne les exécute plus. Mais on les isole, on les appauvrit. On les exile. (p. 39)
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Vladimir Sergueïevitch conduisait solitaire son coeur et sa raison sur une route de campagne dénuée d'éclairage, que nul panneau ne jalonnait. Et la lecture clandestine des samizdats, -tamizdat- et autre écrits réprouvés ne lui avait pas servi à se forger une opinion. Elle n'avait fait que confirmer celle-ci. "Si vous détruisez les statues, préservez les socles. Ils peuvent toujours servir ", écrivit Jerzy Lec. Vladimir Katouchkhov n'était plus très sûr de ce qu'il avait fait de son socle. (p; 260)
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