Fenfang ne supporte plus le petit village dans lequel elle a toujours vécu : la vie y est rythmée par des traditions millénaires inamovibles, même ses habitants semblent vivre chaque jour de leur vie de la même manière, comme des automates. Estimant avoir elle aussi le « droit aux choses qui brillent », elle décide de rejoindre la capitale pour devenir actrice de cinéma.
Hélas, les rêves ne se laissent pas accomplir aussi facilement. Fenfang ne fait qu'accumuler des petites apparitions en tant que figurante dans des productions de série B, des passages éclairs dans des appartements miteux aux loyers pourtant toujours au dessus de ses moyens, et des amants qui ne la nourrissent que d'illusions.
Dans ces vingt fragments, petits moment de vie pris sur le vif, l'auteure décrit la difficulté de vivre ses rêves dans une société qui réprouve l'individualisme : la sociabilité, l'investissement personnel dans une « saine activité au sein d'une équipe collective officielle » sont vivement recommandées. Les voisins surveillent attentivement votre moralité, et inviter un homme dans votre appartement peut vous conduire au poste de police dans l'heure.
Le récit laisse une impression d'étouffement, accentuée par les températures caniculaires de Pékin en été. Quoi qu'elle fasse, l'héroïne semble engluée dans ses origines et incapable de s'extraire de ce qui était son destin.
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On dit que le cœur guérit plus difficilement que le corps. Quelle connerie ! C'est exactement le contraire : le second met plus longtemps à cicatriser. Un cœur meurtri n'est que cendres de souvenirs. Le corps est tout. Le sang et les veines, les cellules et les nerfs. C'est quand, après avoir quitté un homme avec qui on a dormi pendant trois ans, on se blottit toujours du même côté du lit, comme s'il était encore là. C'est ça, un corps blessé : lorsque physiquement on se sent relié à celui qui n'est plus là.
Ma jeunesse a commencé l'année de mon vingt et unième anniversaire. Ou du moins, c'est ce que j'ai décidé. Lorsque j'ai pris conscience que j'avais peut-être moi aussi droit aux choses qui brillent.
Si vous trouvez que vingt et un ans, c'est tard, dites-vous bien que le plouc chinois de base saute en général directement de la case enfance à l'âge mûr sans passer par la jeunesse. Quitte à rater une étape, j'étais décidée à ce que ce soit la maturité. Être jeune ou mourir : tel serait mon destin.
J'ai toujours voulu quitter mon village, un bled paumé qui ne figure sur aucune carte chinoise. enfant déjà, je préparais ma fuite. Tout ça, à cause du cours d'eau qui passait derrière chez nous. Son constant murmure m'attirait. Mais je n'en voyais ni la fin ni le début. Il coulait à perte de vue. Où allait-il ? Pourquoi est-ce que le soleil, de plomb ne l'asséchait pas, comme le reste ?