AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782070141289
182 pages
Gallimard (19/04/2013)
4.5/5   10 notes
Résumé :
En 1973 et 1974, Hardellet publie successivement deux essais Donnez-moi le temps et La promenade imaginaire. Deux livres qui pourraient être présentés comme le mode d’emploi d’Hardellet par lui-même. Il y aborde un genre nouveau : l’essai autobiographique.
Donnez-moi le temps revient sur des épisodes de sa vie, des lieux tels que la villa de son enfance, il s'interroge sur les mécanismes de la mémoire, ainsi que sur la perception du Temps.
La promenade... >Voir plus
Que lire après Donnez-moi le temps - La promenade imaginaireVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Prendre le temps, le temps de voir, de sentir, d'aimer. Alors que la vie s'accélère et coule entre nos doigts, prendre le temps de se sentir pleinement vivant. S'offrir de beaux moments suspendus et faire son miel avec des petits riens. C'est à cet art de vivre qu'André Hardellet nous invite. le poète aimait profiter de la vie, ayant très tôt compris que prendre son temps n'est pas le perdre, bien au contraire, c'est vivre en grand. La soixantaine passée, le voilà qui butine ses souvenirs, évoquant pour nous les doux parfums du jardin de l'enfance ou les regards insolents des belles de Ménilmontant. C'est une flânerie nostalgique et poétique qu'il convient de lire lentement, cela va sans dire, en prenant tout son temps.

Regroupés en un même volume chez L'Imaginaire Gallimard, ces deux courts essais, "Donnez-moi le temps" et "La promenade imaginaire" furent publiés en 1973 et 1974. Or, ce n'est qu'après avoir terminé ma lecture, que j'ai réalisé que 1974 était l'année où André Hardellet était mort, à seulement 63 ans. Voici donc ses deux derniers essais. Même sans le savoir, j'ai été émue à la lecture de ces deux textes que l'on pourrait qualifier de "testament littéraire". Oserais-je conseiller de lire d'autres écrits de cet auteur avant de lire cette autobiographie? Sans doute... Mais, après tout, on pourrait aussi imaginer la démarche inverse, ces deux essais nous livrant de précieuses clefs de compréhension. Car toute la magie de l'oeuvre d'André Hardellet est ici, dans ces quelques 120 pages. On y retrouve ce ton espiègle et spontané propre au poète, cette écriture fluide qui semble jaillir si naturellement. Bien qu'à l'automne de sa vie, l'homme a su garder un naturel et une fraîcheur d'esprit qui m'ont charmée. Pourtant, cette aptitude à jouir de chaque instant ne fut pas toujours évidente. Avec gravité et profondeur, André Hardellet évoque ainsi les doutes qui l'ont assailli au fil des années. 

"Que me manquait-il donc? Je n'aurais su le dire exactement, mais je crois bien aujourd'hui que je discernais ce qui avait pris congé de moi tandis que s'écoulaient les années: des yeux naturellement émerveillés, une sensibilité intacte. Je cachais cette atteinte comme un mal honteux et n'en disais rien..."

Mais cette douleur profonde, celle de la perte de l'innocence, le deuil qu'il faut faire de sa jeunesse enfuie, André Hardellet a su les sublimer par l'écriture.

"Chacun lutte comme il peut contre l'angoisse de la mort et la solitude; tracer des mots pour les écarter ne constitue pas l'un des plus mauvais moyens inventés par l'homme."

Ainsi, de cet automne de la vie où les épaules commencent à se voûter sous le poids des absents et des regrets, Hardellet aura su faire un nouveau printemps, par le seul pouvoir d'un regard toujours renouvelé. Il nous prend par la main, tels des enfants, et nous chuchote à l'oreille sa recette du bonheur:

"Laissez-vous aller, abandonnez vos habitudes en col dur. L'air du large, allez le respirer au coin de cette rue qui devient à l'instant route forestière ou grève. À Paris? Mais oui, à deux pas de chez vous, entre des pierres que vous avez longées mille fois sans deviner qu'elles pouvaient se métamorphoser sous votre regard."

Simplicité et générosité sont les maîtres mots pour définir ces essais. Mais n'était-ce pas déjà les ingrédients utilisés pour écrire "Lourdes, lentes"? Je devine à quel point l'auteur a dû souffrir au moment de la parution de son récit. Incompréhension et défiance ont accueilli son livre qui se voulait pourtant sans malice, n'offrant que sa sincérité et une poésie à l'état brut. 
Alors oui, lire et relire Hardellet, ces deux essais comme tout le reste de son oeuvre et regarder la vie comme il la regardait. Peut-être plus tout à fait avec des yeux d'enfant mais avec une infinie tendresse pour l'enfant que nous fûmes. 


 
Commenter  J’apprécie          6119
En tout premier, je souhaite exprimer ma vive reconnaissance envers l'écrivain et ami, Patrick Cloux, pour son dernier ouvrage captivant, consacré à l'auteur-poète, André Hardellet [cf. « Chez Temporel-Célébration d'André Hardellet »], qui m'a tant séduite et intriguée que je me suis commandé aussitôt ces deux textes personnels, réunis, publiés dans la collection « L'Imaginaire », chez Gallimard…

« le temps perdu...le plus beau, le plus fécond peut-être ! (...)

Dieu sait si j'ai perdu mon temps ! Il sait également combien je ne m'en repens guère : tant d'autres affirment sans rire qu'ils furent toujours sérieux et courbés sur la tâche que je leur cède volontiers le pas. En fait, je crois bien qu'ils allaient eux aussi rendre visite aux demoiselles accueillantes et qu'ils flânaient au Luxembourg; ils l'ont oublié, voilà tout. (p. 81)”
Il n'y a pas une histoire, à proprement parler… mais une prose poétique, où l'écrivain flâne, déambule dans ses souvenirs, dans les lieux de son enfance...réfléchit au Temps qui passe, au travail de la mémoire…à la fabrication des souvenirs… avec des pieds de nez, facétieux aux vies trop rangées, trop sages… Notre poète-flâneur a gardé une âme d'enfant… qui aime les chemins-buissonniers, les flâneries dans Paris, la banlieue, les lieux d' »Avant »…la rêverie, dans son absolu !

Que la « célébration » d'Hardellet nourrie et abondamment argumentée par Patrick Cloux… fasse naître, comme pour moi, une vive curiosité et une impatience à lire ce poète aux chemins buissonniers… Prendre le temps de le lire avec attention… et lâcher-prise !

« Donnez-moi le temps - ce luxe suprême - de vivre à mon rythme, de regarder, de prendre des chemins que n'indiquent pas les cartes et les plans. (...). D'emprunter ces raccourcis qui ignorent la droite au profit de la courbe.
« Quel est le plus long chemin d'un point à un autre ?" Si je le connaissais, je serais tenté de le suivre (...) »

Curieusement… comme l'esprit de l'ouvrage… je lis ces deux textes, en flânant, en piochant au hasard… comme lorsqu'on se promène au hasard… de nos envies et inspirations !

« Un écrivain n'oeuvre jamais qu'à vous conduire sur un seuil, en vous confiant quelques clefs avant de s'esquiver ; il ignore si la bonne se trouve dans le lot et si le château qu'il vous propose de cambrioler en vaut la peine.
La plus féconde de vos –promenades imaginaires-, c'est maintenant à vous de l'entreprendre et de savoir à quoi elle aboutit. Alors, prenez-vous par la main. » [« La Promenade imaginaire » / p. 159 ]

Commenter  J’apprécie          270
Pourquoi Hardellet reste-t-il si méconnu (à part peut-être le poignant "Lourdes, lentes" qui est à l'évidence un des rares livres dits "érotiques" qui vaille) ? Voilà un ouvrage délicieux, terriblement nostalgique et sensuel pour les amoureux des "chemins de traverse" où nous entraîne le charme (dans tous les sens du mot) d'Hardellet. A déguster par petite dose au coin du feu ou sur la terrasse un soir d'été ...
Commenter  J’apprécie          20

Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Aujourd'hui, alors que mon capital de sable a dangereusement baissé dans le haut du sablier, il m'arrive de sentir avec une acuité poignante cette incessante hémorragie de temps vivant qui s'écoule de moi; je perds mon temps, comme un sang précieux, alors que je n'en ai jamais eu autant besoin. Spectateur d'un film qui m'impose sa vitesse de déroulement, je discerne une tonalité nouvelle, plus grave, sur les images qu'il me présente: quelquefois même dans les moindres incidents de la vie. L'unique de cet instant et du moi qui l'enregistre, comment n'en rien perdre?

( Extrait de "Donnez-moi le temps")
Commenter  J’apprécie          293
Je pose mes mains sur le grand pin de Corse dont une plaque émaillée porte la date de naissance: planté en 1774. Je touche son écorce rugueuse, chaude, amie; il faut toucher, rétablir le contact primitif. Sent-il, le vieux solitaire, la prière que je lui adresse avec mes paumes? Tenter de "se penser arbre", ou nuage, est-il plus insensé que tant de besognes auxquelles nous nous consacrons gaillardement? Se prononcer définit le bonhomme mieux qu'un long rapport et une kyrielle de tests.
Commenter  J’apprécie          290
(...) se souvenir, c'est inventer. Le réel et l'imaginaire s'entremêlent de telle sorte que la sincérité n'est pas en cause lorsqu'on les confond. La manière dont nous remplissons les blancs de la mémoire signe notre vérité; en partie, la réalité devient celle que nous désirons et, par là même, nous peint mieux qu'une relation exacte. (p. 25)
Commenter  J’apprécie          200
Je suis né à Vincennes, rue de Fontenay, dans une maison appartenant à ma famille, et qui possédait un jardin; j'ai vécu là jusqu'à six ans.
Au monde, il n'a jamais fait aussi beau dans mes étés d'enfance et dans ce jardin. Jamais---et je sais que je ne guérirai pas de ces saisons lumineuses.
(p. 20)
Commenter  J’apprécie          191
J'aurais découvert ensemble tous ces êtres qui s'ignoraient mais se cherchaient à tâtons, parlant chacun leur langue intraduisible (...)
Parfois, la solitude, l'aveuglement, la surdité qui les murent en eux-mêmes m'exaltent au lieu de me navrer : le lien qui les rattache et me relie à eux ne m'apparaît jamais mieux que dans cette impuissance à se connaître, à se reconnaître enfin. Et puis, il y a des jours où il fait si beau que partout, de l'autre côté du mur, on devine des gens qui s'embrassent. (p. 22)
Commenter  J’apprécie          100

Videos de André Hardellet (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de André Hardellet
Bal Chez Temporel (Andre Hardellet - Guy Beart)
autres livres classés : mémoiresVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (22) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1711 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}