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sur 1280 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Mon premier Hugo, incroyable non ?

J'ai voulu commencer petit, en nombre de pages. La pièce de théâtre Hernani convient tout-à-fait pour cela. Et puis, cette pièce a une histoire. Elle a fait du bruit au temps de sa création. Une véritable guerre stylistique qui allait jusqu'au coup de poing. On a appelé ça la bataille d'Hernani.

L'action se passe en Espagne, en 1519. Une grande histoire d'amour et d'honneur romantique et tragique sur fond historique. le fond, c'est la lutte de Don Carlos, bientôt Charles Quint, pour accéder au titre d'Empereur du Saint Empire. Il va réussir bien entendu. Cette lutte n'est pas guerrière, elle est économique. Il s'agit de plus graisser la patte des Électeurs que ne le fait François Ier, autre candidat au titre. A l'acte IV, on a droit à une tirade de plusieurs pages de Don Carlos devant le tombeau de Charlemagne, premier empereur, à l'imitation de la visite de Jules César puis d'Auguste au tombeau d'Alexandre. Cette tirade était véritablement trop longue pour moi ; je préfère les dialogues rapides, qui piquent comme l'épée du spadassin. Heureusement ce genre de dialogue ne manquent pas dans Hernani.
J'ai été surpris de découvrir Don Carlos agissant comme un hidalgo excessif pénétrant chez les belles dames pour se les accaparer. Je n'imagine nullement Charles Quint fougueux et fiévreux. Mais je lis dans Wikipédia que son éducation a plus tenu de la chevalerie que de l'humanisme. Alors peut-être…

Mais le coeur de la pièce concerne la tragédie amoureuse de Hernani et Doña Sol. Leur amour est fusionnel mais contrarié surtout par l'honneur monté en épingle et le désir de vengeance. Hernani est un noble aragonais dont on ignore longtemps le véritable nom, dont la famille a été brisée par celle de Castille, les aïeux de Don Carlos. Hernani est un bandit, un révolté contre un pouvoir qu'il estime usurpé, un homme qui cherche vengeance, et un homme amoureux jusqu'à l'ongle du petit orteil. Hugo en fait un peu trop à mon goût, dans les atermoiements romantiques de son héros. Celui-ci ne cesse de s'inventer des raisons de ne pas être avec sa belle, insistant en particulier sur le danger qui l'accompagne et dont il ne veut pas qu'il menace aussi sa belle. Il refuse à Doña Sol le droit de choisir ce danger pour vivre avec lui, ce qu'elle veut par-dessus tout.
J'ai été très surpris de . Cela m'a rappelé Auguste dans Cinna de Corneille. Mais ce ressort qui aurait pu faire un bon happy end fait seulement nettoyer l'espace pour le dernier et terrible dernier acte. L'honneur lié à une parole donnée évapore le bonheur trouvé et laisse les poignards seuls juges.

L'humour n'est pas absent de cette pièce, les courtisans de Don Carlos en portent une bonne part, en particulier Don Ricardo qui est à l'affut de la moindre parole ou du moindre geste de son maître pour s'estimer promu. « Vous m'avez tutoyé, me voilà Grand d'Espagne ». J'ai adoré.

En résumé, une pièce qui m'a par moments beaucoup plu, et par moments ennuyé. Un bon pied à l'étrier pour découvrir l'auteur, en tout cas.
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J'aime tout chez Victor Hugo y compris son théâtre en vers aux consonances Shakespeariennes d'autant plus qu'il est moins classique, affranchi de règles anciennes dans la construction du texte.
Alors que cette pièce en cinq actes porte le titre de "Hernani" nom d'un jeune homme amoureux, elle aurait pu s'appeler Doña Sol qui est la vraie héroïne de cette tragédie pour moi.
Si l'amour de ces deux-là est passionnel, l'histoire raconte la rivalité entre trois hommes épris de la même femme.

On est à Saragosse en 1519, le roi d'Espagne Don Carlos se cache la nuit pour aller séduire la jeune Doña Sol promise au noble et vieux Don Ruy Gomez, son oncle, alors que le coeur de la belle bat pour Hernani.
Ce dernier est proscrit et cherche à tuer le roi par vengeance familiale. La rivalité amoureuse va aiguiser sa haine envers celui qui deviendra Charles Quint et choisira le pouvoir en devenant empereur d'Allemagne.
Quant à Don Ruy Gomez il ne jure que sur l'honneur de ses ancêtres et protège Hernani du roi pour garder la face. Mais la jalousie du vieux noble prendra le dessus et s'il y a un mariage d'amour à la fin, l'histoire est loin d'être terminée car on se doute que le drame n'est pas loin.
Si Doña Sol se dit faible femme, elle ne l'est pas par ses actes, montrant au contraire une détermination et une assurance que son amoureux n'a pas.

J'ai pris plaisir à lire les beaux vers de Victor Hugo même si je regrette de ne pas avoir vu cette pièce jouée sur scène. D'ailleurs, il y a quelques moments palpitants, outre les scènes d'amour, comme celle des portraits où Don Ruy Gomez s'adresse à ses ancêtres un par un jusqu'au tableau qui le représente alors que l'on sait qu'Hernani est caché derrière.
Et puis, je ne me lasse pas des belles histoires d'amour.


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Avec cette pièce de théâtre jouée en 1830 pour la première fois. Je retrouve « le grand Hugo » après mes légères déceptions de ces derniers mois (Bug-Jargal et L'art d'être Hugo). Je ne suis pourtant pas adepte de théâtre et ai beaucoup de mal à m'orienter dans ce genre de littérature.

En lisant Hernani, si je lis du théâtre, je m'attache en premier lieu aux vers en alexandrin avec leurs rejets, enjambements et autres vers ternaires que la postface me permet de nommer. Dès la lecture, ces techniques novatrices en ce début de XIXème siècle m'interpellent, me surprennent sans que je sois en mesure de les reconnaitre. le propos énoncé se déploie dans l'espace du tramway où je les lis et les scènes se déroulent véritablement devant mes yeux pour mon plus grand plaisir – et gare à celui qui me bousculera et interrompra ma lecture, quelle folie de lire dans les transports en commun !

Je me délecte ensuite du sens de l'honneur des personnages, en particulier celui de Don Ruy Gomez, dont le respect des anciens et la nécessité de recevoir au mieux son hôte friserait l'absurde si les enjeux n'étaient pas si grands. Ce même sens de l'honneur poussera d'autres personnages aux choix les plus tragiques. Ce flirt permanent – si je puis m'exprimer ainsi – entre honneur ou courage et absurde le plus profond est pour moi l'élément clé de la la pièce. Il me déstabilise, m'invite à m'attacher aux personnages, et me questionne ; ce sens de l'honneur a-t-il seulement encore un sens ?

Hernani représente-t-elle une réalité de la vie, une quête de sens aboutie, ou une réalisation de l'absurde le plus complet ? Aucune réponse n'est satisfaisante, et cet entre-deux me plait et maintient ma pensée en mouvement.

L'oeuvre est riche sur de nombreux autres points, la complexité des personnages, le lyrisme, le bouleversement qu'elle engendre à l'échelle de l'histoire littéraire, sans parler de la mise en scène pour ceux qui auraient la chance de la voir jouée. Les écrits sur Hernani sont nombreux pour ceux qui souhaiteraient y avoir recours – et en partie cités en fin de mon édition du Livre de Poche.
Lien : http://www.hellocoton.fr/to/..
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Pour réagir aux critiques que j'ai pu voir, il me semble inopportun de comparer cette oeuvre au chef-d'oeuvre de Shakespeare, Roméo et Juliette. Certes, les thèmes sont comparable: une histoire d'amour rendue impossible. Mais il est clair que réduire ces deux oeuvres à ce simple aspect ne serait que les vulgariser et réduire leur grandeur.

D'une part, comme chacun le sait, Roméo et Juliette n'est pas qu'une simple histoire d'amour rendue impossible: c'est oublier le talent d'écriture d'un Shakespeare y mêlant tragique et comique, y mêlant une réflexion sur l'amour et la loyauté, et enfin un Shakespeare écrivant dans une langue profondément touchante.

Pour en revenir à Hernani, l'idée est à peu près la même. Certes l'histoire d'amour est décisive. Mais de là à la comparer à celle mise en scène par Shakespeare, il y a un gouffre. le fond n'en est pas le même, il ne s'agit ici absolument pas d'une rivalité entre deux familles, mais d'une rivalité entre le représentant de l'État d'une part et le représentant du brigandage de l'autre. du points de vue de la langue, il convient encore moins de les comparer. Hernani est un drame romantique, où la langue, si elle est parfois autant somptueuse que celle de Shakespeare, est d'autre fois plus basse et plus triviale. le drame romantique repose en effet sur l'abandon de la tripartition du langage ou une oeuvre devrait être écrite soit au registre bas, soit au registre moyen, soit au registre sublime: si le drame romantique permet le mélange de ces registres, il était avant tout bonnement impossible de le faire. D'où la bataille d'Hernani opposant d'une part les "anticonformistes" voulut mettre fin à cette conception fermée des pièces théâtrales, et les conservateurs d'autre part voulant conserver les règles théâtrales.

Il n'est donc pas possible de comparer ces deux oeuvres, tout d'abord car la langue des deux auteurs n'est absolument pas comparable, mais aussi car le traitement de l'histoire d'amour est totalement différent. Comparer ces deux oeuvres pour la seule et bonne raison qu'elles représentent une histoire d'amour impossible revient à dire que presque toutes les pièces de théâtres sont comparables, en ce qu'elles représentent le plus souvent ce thème: le Cid de Corneille, La Double Inconstance de Marivaux, ...
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Pour le moment je n'ai pas encore osé me lancer dans la lecture des romans de Victor Hugo.... Cet auteur m'effraie...
Alors pour apprendre à le connaître, je lis un peu ses oeuvres de théâtre, et celle ci est la seconde que je découvre.
Évidemment, il manque beaucoup de référence pour tout comprendre de ce qui s'y joue. Heureusement que cette édition propose de nombreuses notes de bas de page.
J'ai quelques fois eu l'impression de lire le Cid, ou d'autres, une nouvelle version de Roméo et Juliette.
C'était un agréable moment de lecture, mais comme a chaque fois que je lis du théâtre, je me dit que ça doit être beaucoup mieux de le regarder jouer.
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Une pièce hyper-shakespearienne d'Hugo, que j'ai aimée, mais je ne sais pas pourquoi, après avoir lu Ruy Blas, j'étais moins transporté, en comparaison... Et pourtant, la pièce se veut bien plus débordante, foisonnante et déraisonnée, tout ce que j'aime, chez Shakespeare et les romantiques, mais je trouvais Hernani moins intéressante que Ruy Blas, qui, dans son cadre plus réduit, cloisonné, convoque davantage de thèmes, et ses personnages y sont plus réussis.

Des souvenirs diffus me restent : Hernani dans les montagnes, Doña Sol, la réunion de l'acte IV au tombeau, et bien sûr, le dénouement tragique avec le Masque, ancêtre faisant frissonner l'échine du Fantôme de l'opéra!

Ça n'engage que moi, bien évidemment... Je pense qu'Hugo est allé en progressant, tendance à vérifier néanmoins, le jour lointain où j'aurai lu toute son oeuvre, si toutefois c'est possible...!
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Deuxième pièce de Victor Hugo après Manon Delorme interdite juste avant, c'est la première que je lis de l'auteur. Il l'écrit alors qu'il n'a que 27 ans. Pourtant les thèmes abordés sont nombreux et témoignent de ses réflexions et points de vue tant sur le fond que sur la forme. En effet la pièce est restée célèbre pour la “bataille” qu'elle a déclenché entre les tenants du classicisme et ceux du libéralisme. Cela est principalement dû à la forme qu'elle adopte. Victor Hugo cherche à se détacher de certains carcans tels les trois unités (de temps, de lieu et d'action) et il adopte une écriture volontairement provocatrice pour l'époque. Mais il introduit également du grotesque et certains codes de la comédie dans un drame. Cette bataille peut nous paraître un peu dépassée de nos jours car le lecteur ne voit pas forcément au premier abord où se trouve le scandale de la pièce.
Victor Hugo garde néanmoins de nombreux aspects relevant du classicisme comme l'alexandrin, même s'il prend des libertés avec son utilisation. J'ai apprécié le lyrisme de la langue utilisée qui accentue le côté dramatique de la pièce.

Mais là où Victor Hugo réussit le mieux réside selon moi dans les différents personnages qui composent cette tragédie. Ils sont d'une complexité, d'une profondeur et d'une variété très travaillées apportant ainsi une grande richesse à la pièce.
On a tout d'abord Hernani lui-même, chef des brigands. Il est l'exemple du héros romantique jeune et beau. La malédiction qui entoure la mort de son père le condamne dès le début et le poursuit tout au long de la pièce. Une sorte de fatalité l'entoure et l'on sent bien qu'il a déjà accepté de mourir.
Doña Sol, seule femme de l'histoire incarne la femme idéale à la beauté parfaite. Mais son amour pour Hernani est plus fort que tout, que le titre d'impératrice proposé par Don Carlos et que la vie elle-même. Loin d'être fade et secondaire, elle joue un rôle très important de par ses choix qu'elle assume et entend respecter au prix de sa propre vie.
Don Carlos apparaît au début comme un roi qui profite de la vie jusqu'à ce que le titre d'empereur lui apporte une certaine grandeur d'âme et de comportement. Cette transformation est un point très intéressant développé par l'auteur.
Enfin, Ruy Gomez de Silva peut avoir tendance à être sacrifié comme figure apportant le malheur mais cela serait négliger la fidélité qu'il garde aux valeurs du passé (l'honneur et le sens du devoir) ainsi que la passion qui le dépasse éprouvée pour Doña Sol. N'oublions pas qu'il n'hésite pas à protéger Hernani aux dépens de sa vie.

Il s'agit donc d'une pièce riche et intéressante qui mérite qu'on s'y intéresse en profondeur au delà des débats suscités à l'époque même si, les garder à l'esprit, permet de la resituer dans son époque.
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La jeune Dona Sol est fiancée à son vieil oncle, Don Ruy Gomez, mais son coeur est attaché à Hernani, proscrit et bandit qui dissimule son identité dans l'attente de venger son père, tué par le père de Don Carlos, lui-même épris de Dona Sol et prétendant au trône d'Espagne. Voici donc le triangle masculin dont chaque angle pointe vers la belle Dona Sol. Sans cesse Hernani doute de sa belle et sans cesse elle doit donner des preuves de son attachement. « Or du duc ou de moi souffrez qu'on vous délivre. / Il faut choisir des deux : l'épouser ou me suivre. » (p. 49) Sans cesse, Don Carlos, futur Charles Quint, doit séparer les courtisans des compagnons et dissocier la veulerie de la fidélité. « Ah ! – Engeance intéressée ! / Comme à travers la nôtre ils suivent leur pensée ! / Basse-cour où le roi, mendié sans pudeur, / À tous ces affamés émiette la grandeur ! » (p. 138)

Amours impossibles, honneurs bafoués, trahison, vengeance, complot, intérêts contraires, tout cela se mêle dans ce drame résolument moderne, mais porté par un souffle antique. Il faudrait que je voie une représentation de cette pièce, ce doit être grandiose !
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I- La fatalité romantique dans Hernani de Victor Hugo :

1. Hernani et la fatalité, quelles influences externes sur le héros hugolien ?

La fatalité qui poursuit le héros ou l'héroïne d'une pièce de théâtre n'est pas le propre du drame romantique, et encore moins le propre du drame romantique français. L'art dramaturgique a depuis toujours accordé à ce thème une grande importance. D'ailleurs, la plupart de ces héros « maudits » sont aux prises avec le destin ; ils mènent contre lui un combat perdu d'avance.
Dans ses tragédies classiques, le destin vient le plus souvent d'une divinité supérieure, vengeresse, qui s'en prend à un personnage qui ne peut que céder sous son poids. Dans Hernani par contre la fatalité est un enchaînement logique de faits et d'événements que les personnages eux-mêmes, par leurs actions et leurs pensées, alimentent sans s'en rendre compte, inconsciemment. A l'inconscience du héros face à son destin s'oppose sa lucidité qui apparait dans le fait qu'il reconnaît et admet qu'une malédiction, bien que le terme soit trop fort quand il ne s'agit pas de fatalité d'origine divine, le poursuit et cherche, par tous les moyens à le conduire vers sa perte et entrainer avec lui tous ceux qui oseront l'aider à contourner son destin quel qu'il soit.
Un point, cependant, est à ne pas négliger. Il concerne à la fois la tragédie classique et le drame romantique, leur servant à tous deux de point en commun assurant une continuité dans l'écriture dramaturgique française. Ce point concerne le dénouement. En effet, quand la fatalité intervient dans le théâtre, le dénouement est toujours tragique. La fatalité, en somme, « gagne » toujours. Voilà pourquoi nous dîmes plus haut : « Un combat perdu d'avance ».
D'autres exposés suivants aborderont plus en détails ce point, ainsi, sur cette question, nous avons été brefs.
2. Etude comparée de versifications :

Pour illustrer et la divergence et la similitude entre drame romantique et la tragédie classique, nous avons pris trois vers en but de les analyser en terme de versification et en terme de lexique. Notre but, au-delà de sa visée comparative, est de démontrer les influences externes sur l'écriture et le héros hugoliens.
a. le vers d'Oreste dans Andromaque de Racine.
b. le vers 1990 de Hernani.
c. le vers 993 de Hernani.

a- « Je me livre en aveugle au destin qui m'entraîne. »
3 6 3 6
Je | me | li | vre en | av | eugle ||| au | des | tin | qui | m'en | traîne.
césure
- Rythme 3/3 // 3/3
- 1° l'accent principal : « aveugle » : le héros manque de lucidité et, paradoxalement, est lucide puisqu'il est conscient de sa fatalité.
- 1° l'accent secondaire : « livre » : le héros abandonne et cède.
- 2° l'accent principal : « m'entraîne » : le héros ne contrôle plus rien et se laisse faire.
- 2° l'accent secondaire : « destin » : Maitre-mot du vers, il le résume.

b- « Avec ce nom fatal je n'en ai pas fini. »
4 6 4 6
A | vec | ce | nom | fa | tal ||| je | n'en | ai | pas | fi | ni
césure
Rythme : 4/6 // 4/6
1° A.P : « Fatal » : Principal mot du vers ; il le résume.
1° A.S : « Nom » : Symbole de l'origine de la fatalité.
2° A.P : « Fini » : Appuyé par la négation, il signifie que le héros lutte, mais n'arrive pas à vaincre
2° A.S : « Pas » : adverbe de négation désignant la ténacité du destin. N'étant point appuyé par un adverbe de durée tel que ‘toujours' ou ‘encore', il peut avoir comme connotation l'abandon du héros face à son destin.

c- « Agent aveugle et sourd de mystères funèbres. » -ténèbres.
4 6 4 6
A | gent | a | veug | le et | sourd ||| de | mys | tères | fu | nèbres
césure
Rythme : 4/6 // 4/6
1° A.P : « Sourd » : l'accent principal, scindant le vers en deux et marquant une pause, tombe sur le mot sourd, indiquant que la fatalité par son déchaînement prive le héros d'un de ses sens : l'ouïe…
1° A.S : « Aveugle » : l'accent secondaire, marquant une courte pause au sein d'un hémistiche, tombe sur le mot aveugle, ce qui induit que le héros n'est plus lucide face au destin qui le mène vers la mort.
2° A.P : « Funèbres » : Ce terme rappelle la mort de laquelle s'approche Hernani de plus en plus. ‘1° A.S' indique qu'il n'est pas lucide, cependant le terme funèbres indique que le héros est tout de même conscient de l'issue de la « malédiction » qui le poursuit.
2° A.S : « Mystères » : ce mot semble résumer le vers, pour la simple raison qu'il entretient des liens étroits avec les trois adjectifs du vers. le mystère vient donc de la surdité et de la myopie du héros, du détraquement de ses sens, mais il vient aussi de la mort avec tout ce que le terme a de profond : noir, obscurité, abîme…
Synthèse et conclusion partielle :
Le vers de Racine se démarque rythmiquement des deux autres vers de Victor Hugo. Cependant, les trois vers partagent entre eux un vocabulaire plus ou moins similaires. En ce qui concerne la versification, comme nous avons pu le voir, ces vers ne sont pas si loin l'un de l'autre. le héros romantique, en l'occurrence Hernani, et le héros des tragédies classiques, ici Oreste, partagent une même vision par rapport à la fatalité. Mais, le héros romantique est quelqu'un de tiraillé et qui n'arrive pas à se forger une opinion fixe et définitive. Il n'en est pas moins divergent d'Oreste qui est au fond de lui-même quelqu'un de tiraillé, mais qui se refuse à laisser transparaitre ses sentiments profonds, par honneur et par bravoure.
Ces différences sont donc infimes, mais elles existent, et il est donc important de les souligner un tant soit peu.
En effet, au XVIIIe siècle on a rompu avec la fatalité en la confrontant à la raison. Mais l'art romantique français l'a réintroduite dans son paysage théâtral.

3. Entre l'origine et l'issue, vivre la fatalité au jour le jour :
Notre but, à travers ce point, n'est pas de retracer le déroulement de la pièce, mais de rester dans une visée quelque peu comparative entre drame romantique, tragédie classique et théâtre du XXe siècle. Notre point de vue se restreindra, comme nous le dicte le sujet de cet exposé, à l'étude de la fatalité. Dans ce point, troisième et dernier, nous nous pencherons sur la manière avec laquelle vit quotidiennement un personnage dramatique la fatalité qui le poursuit, en supposant évidemment qu'elle le poursuit.
• Dans Hernani : La fatalité apparait dans ce drame comme le fruit d'un hasard. Mais, en vérité, elle obéit à une logique implacable. Elle agit à travers les personnages, car chacun de leurs agissements les conduits inconsciemment à affronter une fatalité qu'ils alimentent eux même. En aimant Dona Sol, le duc, le roi et Hernani, savent obstinément qu'ils ne pourront éviter de s'affronter les uns les autres. le duc et le roi ne croit pas à une fatalité les traquant, et pour cause, ils ne l'ont pas connue dès leur naissance, comme c'est le cas de Hernani, mais ils l'ont contractée au cours de leur vie. Une chose est tout de même à remarquer, le roi Don Carlos est né également avec une sorte de malédiction puisqu'il porte sur ses mains, sans le vouloir, le sang du père de Hernani. Un sang qui doit être vengé.
Hernani se démarque de ces personnages, car contrairement à eux il reconnait son destin « funèbre ». Il se trouve tiraillé entre l'origine et l'issue de son fatum ; entre « le berceau sanglant » et « [son] chemin fatal » (v. 1003)
• Il est également conscient que la fatalité qui le mène vers la mort est contagieuse. En rajoutant ce détail, Victor Hugo complique l'existence de son héros. Hernani est ‘entiché' de Dona Sol et, en même, sûr que son destin la ‘contaminera' irrémédiablement. Il est donc face à un dilemme qui le tiraille et rend plus aigüe son instabilité intellectuelle et sentimentale.
• Vivre son destin, sa fatalité, s'exprime dans les tragédies classiques par une difficulté suprême. Car, si le héros romantique affronte une force obscure et naturelle, le héros des tragédies, lui, est confronté à la force vengeresse des dieux qu'il sait inextricable et labyrinthique.

• Faisons désormais un saut dans le temps et partons vers des pièces de théâtre plus récentes, en particulier celle de Beckett, intitulée Fin de partie. Dans cette pièce justement, l'absence du destin et de la fatalité, ou de ce qu'on pourrait appeler ‘la fin', marque toute une rupture avec le théâtre classique et romantique. Puisque dans l'univers beckettien la fatalité n'existe plus, le personnage doit l'inventer. Et de cette invention surgissent d'autres subdivisions de la fatalité, tels que le suicide, le handicap, le reniement de Dieu…
Conclusion partielle et conclusion finale :
La fatalité a donc toujours été au centre du théâtre dramatique et tragique. Et comme le prouve l'exemple susmentionné, on ne peut s'en passer. Ce thème est donc, permettez-nous de rappeler notre introduction, celui qui a donné au théâtre ses lettres de noblesse. Hernani n'est pas vraiment représentatif de la surpuissance de la fatalité. L'absurde est, me semble-t-il, le sommet de l'usage de la fatalité dans le théâtre. Car ce courant l'a effacée, a essayé de la marginaliser, mais sa tentative resta veine.
Cette fatalité, que ce soit au théâtre ou dans l'art romanesque, semble s'être érigée en grande matière à profusion littéraire. On peut dire qu'elle convoite, depuis sa reprise par le romantisme, les grands thèmes intemporels : l'amour, la guerre, l'aventure, le crime, le suicide…

Conclusion définitive :
Nous espérons avoir éclairé plusieurs de vos interrogations et avoir répondu à vos doutes par des explications que nous souhaitons claires et exhaustives. Ce modeste travail rejoint les travaux de nos camarades sur plusieurs sujets aussi divers et intéressants les uns que les autres. Cet exposé constitue donc l'avant dernière pièce de tous les exposés qui ont été et qui seront présentés en classe.
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Petite claque d'humilité au moment de mesurer ce qu'un jeune homme de 27 ans (certes doué) était capable d'écrire il y a moins de deux siècles... Si la querelle des anciens et des modernes, véritable enjeu de cette pièce accessoirement basée sur une histoire d'amour assez naïve, est un peu passée de mode, on ne peut qu'apprécier la vitalité de l'écriture, conforme au style très dynamique, très exclamatif de Victor Hugo.
L'histoire en elle-même n'est pas exempte d'approximations et de clichés : encore un bretteur accompli, prompt à douter de la fidélité de sa belle, déchiré entre l'honneur et l'amour, type dont l'Espagne est prodigue sur la scène française depuis Corneille. Néanmoins, l'intrication de l'histoire dans L Histoire, ainsi que l'intention édifiante de la pièce sur des thèmes comme la jalousie ou le devoir, rendent la pièce assez mémorable. On retient tout particulièrement la métamorphose du roi en empereur durant son long monologue devant le tombeau de Charlemagne, ainsi que la scène finale qui fait succéder une fin brutale à l'un des dialogues amoureux les plus apaisants que j'aie lu jusqu'à maintenant.
Sur le fond, l'on peut se poser beaucoup de questions et regarder certains choix comme incohérents, voire amusants ; mais sur la forme, lorsque l'on sait en plus quelles foudres et quelles acclamations elle suscita, l'on passe un très bon moment.
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