Le problème avec
Victor Hugo, c'est qu'il est tout et son contraire : l'étendue de son génie dans tous les genres, en quantité et en qualité, lui donne une aura exceptionnelle, d'autant plus qu'il a été couronné et quasi canonisé par la République Française (par l'intermédiaire de son bras séculier, l'Eduction Nationale). C'est en grande partie mérité, si l'on considère qu'il est l'auteur de chefs-d'oeuvre absolus tes que
Notre-Dame de Paris et
les Misérables (roman),
les Châtiments et
les Contemplations (poésie),
Ruy Blas (théâtre), etc. Mais l'ampleur même de ce génie masque et étouffe des considérations peut-être plus nuancées : tout n'est pas bon chez Hugo : il y a des longueurs insoutenables dans la plupart de ses romans (il n'est pas le seul, voyez
Balzac !). Que celui qui n'a jamais sauté des pages entières, voire des chapitres entiers dans certains romans - et même des meilleurs - me jette la première pierre. Sans être illisibles,
les Travailleurs de la mer et
l'Homme qui rit sont d'une lecture difficile. Sur les milliers de vers qu'il se vante d'avoir écrits, beaucoup de beautés, certes, mais beaucoup aussi de vers plats, de facilités, beaucoup aussi de charabia pseudo-philosophique (
La fin de Satan et
Dieu sont incompréhensibles pour le commun des mortels, en tous cas pour moi). le théâtre, à l'exception de
Ruy Blas et dans une moindre mesure d'
Hernani (dont l'intérêt réside surtout dans la préface, et dans les circonstances de la première représentation) n'est pas très attractif, (sauf peut-être pour des troupes d'avant-garde) et parfois franchement ridicule (
les Burgraves). Restent les Choses vues ou les relations de voyage où il laisse un peu tomber le personnage du demi-
dieu romantique qu'on lui a créé (pas tout-à-fait à son corps défendant, reconnaissons le).
Super Hugo, oui, et super égo certainement. Mais au fond, ça fait partie du personnage. Quelque part, ça lui donne une dimension humaine qui, sans le descendre tout à fait de son piédestal, nous le rend sympathique. "
Victor Hugo, hélas" disait
Gide. "
Victor Hugo, tant mieux" pourraient dire bien des lecteurs.
"
Les Misérables", le roman est à l'image de son auteur : multiforme, riche de significations politiques, sociales, religieuses, philosophiques, roman de moeurs et roman d'aventures, c'est un roman total (et même pesant, parfois, mais bon… ) mais surtout traversé par ce courant humaniste, voire humanitaire qui fait que
Victor Hugo sera toujours aimé.