Une fois de plus, j'ai été très chanceuse. Merci à Babélio et à Zulma. J'ai reçu le roman Love is power grâce à une opération masse critique. J'ai vraiment pris mon temps pour me mettre à sa lecture. Et je ne regrette pas. Selon moi, ce recueil de nouvelles paru aux éditions Zulma mérite beaucoup plus qu'une lecture par hasard en passant. Personnellement, j'ai vraiment eu besoin de prendre des temps de respiration afin de bien intégrer, recevoir, réaliser voire même encaisser tout ce que ces nouvelles ont à nous dire certes dans les mots mais surtout en arrière-plan entre les lignes.
Chaque nouvelle est là pour révéler une des facettes de la vie contemporaine dans un Nigeria qui semble avoir connu dans les années 70 le temps de sa grandeur et qui maintenant semble n'avoir à offrir à ses habitants que solitude, misère, violence, cruauté, corruption, débrouille, alcoolisme, délinquance et mal-être en tout genre.
Dans la première nouvelle qui déjà nous relate les difficultés rencontrées par une femme âgée et seule qui perd de l'autonomie et a besoin de soins, l'espoir pointe encore le petit bout de son nez à la fin. Mais les nouvelles qui suivent vont crescendo dans le malheur, l'évocation du glauque, la description chirurgicale d'infrastructures tant routières qu'immobilières complètement délabrées en tout cas pour ce qui concerne les plus humbles.
Dans les rues qui sont décrites pour évoquer une ville, je ne me rappelle plus laquelle, on urine, on défèque, on dépose ses immondices. Mais ces détails concrets, triviaux et prosaïques ne sont malheureusement pas le pire dans les réalités quotidiennes décrites. Chacune de ces nouvelles m'a rappelé à quel point, nous, occidentaux vivons dans un confort extrême même si dans nos sociétés, il reste encore fort à faire en termes de solidarité, humanité, vie collective, partage etc.
La lecture de cet ouvrage me conduit finalement à asséner un véritable lieu commun : " Tout est relatif !" . Quand
Albert Einstein nous l'a prouvé très scientifiquement,
L Histoire avait déjà à plusieurs reprises fait de gros caprices meurtriers et sanglants mais j'ai l'impression que ce qui est montré là en détails sordides du quotidien n'est qu'une toute petite partie émergée d'immense et immonde iceberg. En effet, les réalités décrites conduisent forcément les êtres humains lecteurs que nous sommes à se poser une myriade de questions : les vies étalées là sans complaisance sous nos yeux dépassent l'entendement, à tel point que que j'ai souhaité, par bonne conscience peut-être, que paradoxalement cette réalité soit imaginaire ; comment peut-on dans notre humanité accepter de laisser des états dans cette déliquescence ambiante ? L'auteur force-t-il à dessein le trait pour se faire entendre ? Comment un pays parvient-il, selon le portrait dressé par l'auteur, à se confondre quasiment à la corruption tant financière que psychologique et humaine ? Combien de jeunes ou d'enfants dans le monde doivent-il subir les conséquences de décisions politiques carriéristes, incompétentes, instrumentalisées et. hasardeuses, souvent plus empreintes de calculs, de profit, que de soucis humanistes et humanitaires ? Comment la violence peut-elle petit à petit s'insinuer de manière permanente dans le quotidien des gens au point de devenir presque une habitude banale en quelque sorte voire une donnée sans importance parmi d'autres ?
Surtout, je vous en supplie, surtout ne dites pas : "c'est trop dur, je ne lirai pas ce livre." Vous feriez est une véritable erreur. Bien évidemment, si vous escomptez vous distraire dans le sens trivial du terme, passez votre chemin. Mais d'un point de vue littéraire, je trouve que c'est un livre avec lequel il faut compter. En effet, les situations de départ, les personnages mis en scène, les difficultés inhérentes aux vies évoquées ont et donnent de l'épaisseur et vous iront droit au coeur, tant ils sont soit attachants, soit effrayants, soit désarmants, soit révoltants de différences et exclusions, de cruauté, de calcul etc. Je ne suis pas surprise qu'il fasse partie du catalogue des éditions Zulma qui ont coutume de prendre des risques et de publier des auteurs qui ont un autre regard, le leur, sur le monde. Je vous concède que les êtres humains lecteurs que nous sommes, ne peuvent en aucun cas sortir indemnes de cette lecture. Mais les rencontres livresques ne sont-elles pas faites aussi pour nous déranger ? Les chefs-d'oeuvre, les livres marquants ne sont-ils pas par essence faits pour nous distiller leurs secrets au fur et à mesure de leur fréquentation ?