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EAN : 9782742774579
317 pages
Actes Sud (02/04/2008)
3.87/5   122 notes
Résumé :
Dans un Kinshasa secoué de remous de toutes sortes, Célio aurait pu traîner sa galère encore longtemps, n'eût été sa rencontre avec le directeur d'un bureau aux activités très confidentielles, attaché à la présidence de la République. La faim tenaille suffisamment les ventres pour que le débat sur bien et mal puisse être sérieusement envisagé. La ville ne fait pas de cadeau, le jeune homme le sait, et il tient là l'occasion de rejoindre le cercle très fermé des sorc... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (24) Voir plus Ajouter une critique
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« Je comprends qu'il ait fallu que tu travailles, mais pas au risque de te brûler les ailes. Prends plutôt en compte ta nature profonde. Tu ne seras jamais un salaud, Célio. »

Qui d'entre nous ne rêve pas de s'entendre dire cela ? Moi, en tout cas, elle me parle, cette phrase ! J'ai donc suivi avec intérêt la trajectoire du jeune Célio, passionné de mathématiques, tellement passionné...qu'il adapte la vie à ses formules. Un petit exemple pour que vous compreniez bien : « Parfois même, lorsqu'il lui avait fallu jauger ses semblables, il lui avait été utile de savoir que ‘deux pyramides, qu'elles soient droites ou obliques, étaient identiques si les bases et les hauteurs étaient les mêmes'. L'apparence ne comptait pas, il fallait savoir mesurer ce qu'il y avait à l'intérieur, comme chez les êtres humains. »
Curieux, me direz-vous. En effet ! Et tellement curieux que le grand chef du Bureau « Information et Plans » veut l'embaucher illico.

Avant tout, une petite précision (c'est vrai que je n'ai pas l'esprit très mathématique, moi, et j'avais complètement oublié de situer le problème) : nous sommes au Congo, au début des années 2000, plus précisément à Kinshasa, ville où chacun, chaque jour, tente de sauver sa peau contre la Faim, monstre sanguinaire et impitoyable. Où chacun tente de se frayer un chemin aussi, dans la jungle des politiciens véreux, corrompus. Où chacun ne rêve que de démocratie, encore loin, hélas.

Revenons donc à nos prémisses. A la faveur d'un coup monté où meurt un des amis de Célio, Tshilombo engage celui-ci dans son fameux Bureau. Voici le gaillard, tel que le définit le narrateur : « Tshilombo était non seulement l'expert en écran de fumée, mais aussi le spécialiste en « comment poser une poutre dans l'oeil du voisin sans faire tomber la paille qui s'y trouve déjà », des qualités inestimables en matière d'intoxication et de désinformation. »
Ca vous situe le personnage et par là, le contexte. Que vient faire Célio le pur, dans cette foire d'hypocrisie ? Et bien...des mathématiques, voyons ! Il meurt de faim, Célio, et ne réfléchit pas une seconde qu'il s'engage dans une partie de coups bas. Il fonce donc pour adapter ses formules à la vie courante.
Le narrateur s'en donne donc à coeur joie et nous décrira la vie quotidienne, pleine d'embûches et de pièges de ce Congo très réaliste. J'ai dit « à coeur joie », car c'est vrai, on sourit beaucoup !
Même si la politique congolaise ne m'intéresse pas du tout, j'ai quand même pris plaisir à suivre les aventures de ce jeune Candide qui s'est pour un temps brûlé les ailes. Un soupçon de sorcellerie en plus, avec l'adjudant Bamba très crédule, et le tour est joué.

CQFD.
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Thriller congolais qui allie suspens, politique, critique sociale et histoire récente de ce magnifique pays, le tout épicé de manipulation des masses et de communication savamment orchestrée.

C'est résolument moderne. C'est aussi résolument africain avec ses jeunes femmes aux seins hauts et fermes comme des goyaves, ses histoires de sorcellerie, ses enrichissements express et ses déchéances tout aussi fulgurantes.

Et c'est résolument réaliste, avec une note de pessimisme, qui n'est pas sans rappeler « l'équilibre du monde » de Mistry, où il est question de l'Inde dans les années 1970. Tout ceci démontre que bien avant la mondialisation du commerce, de l'économie et de la finance, il y avait une mondialisation de l'exploitation humaine et de la Faim, dont l'auteur fait une très belle allégorie.

J'ai apprécié cette lecture, même si je trouve que les allusions aux mathématiques sont très tirées par les cheveux, et d'ailleurs pas toujours exactes (la définition de la continuité d'une fonction ou des limites sont incorrectes, par exemple…). Dommage, car l'idée de base était excellente mais ça méritait un peu plus de réflexion, un peu plus de maturation. L'auteur russe Zamiatine dans son magnifique « Nous» avait fait beaucoup mieux. Vous me direz qu'on apprécie chez un écrivain sa créativité, et pas forcément son exactitude scientifique. D'accord, je vous l'accorde, même si je reste avec un petit sentiment de frustration.
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Hommes politiques, sorciers, coups d'Etat, dessous de table et autres magouilles : bienvenue à Kinshasa ! In Koli Jean Bofane se charge de nous y guider.

J'étais très curieuse de lire ces Mathématiques congolaises ; d'où le fait qu'il était prioritaire dans la pile de lectures d'été. Il faut dire aussi que le titre a de quoi interpeller, mais au final il n'est pas tellement question de mathématiques.

L'auteur livre ici une satire sur la politique en Afrique. Les principes sont les mêmes que dans nos pays occidentaux : il y a bien sûr un parti majoritaire, puis des opposants qui organisent des meetings voire même des manifestations pour exprimer leur désaccord. Seulement à Kinshasa, tout est organisé "pour faire croire que…" le fond on s'en fiche, c'est la forme qui est importante. Certains feraient presque des carrières de leurs sorties meetings - négociées contre généreuse récompense, cela va sans dire. Malgré les précautions des organisateurs - oui, à Kinshasa, il y a peut-être du désordre, mais au moins il est organisé ! - les affrontements peuvent quand même tourner au drame. Mais qu'on on s'inquiète pas, tout est prévu pour ces cadavres gênants : le parti en fait des martyrs de sa cause !
C'est sur ces évènements tragicomiques que le lecteur fait la connaissance de Célio Matemona, un orphelin ingénu et altruiste, surnommé Célio Matématik à cause d'un livre de mathématiques qu'il chérit comme la prunelle de ses yeux. Au début, Célio travaille pour une ONG qui "s'occupe un peu de tout" et beaucoup de rien. Jusqu'au jour où Gonzague Tshimlombo, le pourri du coin, lui propose de travailler à son service - avec à la clé de beaux costumes et un train de vie bien éloigné de ce qu'il a. Il n'en faut pas plus à notre Candide de Kinshasa pour partir à l'aventure.

On sent dans ce premier roman que l'on a à faire à un auteur qui a des choses à dire ; et des choses intéressantes qui plus est. C'est d'abord le système qui est dénoncé, mais pas seulement. L'auteur fait un état des lieux plus global de la situation. Il y a par exemple, certains passages très poignants sur les enfants soldats, ou les conflits pendant la décolonisation.
Ce qui m'a plu, ce sont d'abord les portraits assez fabuleux et saisissants des personnages de Bofane. Et on se délecte tout autant de leur surnoms !
Il y a beaucoup d'humour dans le récit de Bofane, avec des métaphores très cinglantes parfois et un sens de la formule comme seuls des Africains peuvent l'avoir. Cette lecture a parfois été un choc culturel qui permet de se rendre compte du fossé qu'il peut y avoir entre la façon de penser occidental et la façon de penser africaine. L'écart créé bien sûr des situations humoristiques, mais parfois j'ai eu du mal à suivre le raisonnement qui - d'un point de vue occidental - semble passer du coq à l'âne. La philosophie à l'africaine est certes plus pragmatique que la notre, mais elle n'emprunte pas les mêmes chemins ! Pour ceux qui seraient tenté par cette aventure congolaise : sachez chers lecteurs que le fil de la narration n'est pas une ligne droite qui s'éloigne du début à mesure que l'on avance dans l'histoire, ce serait plutôt un cercle avec plusieurs petits itinéraires bis qui permet de tout relier.

Bref, qu'on se le dise : la politique calquée sur le modèle occidental n'a pas de sens dans les pays africains, car elle est trop éloignée d'eux d'un point de vue culturel. Mais, si , au départ, c'est bien la démocratie (politique) à la congolaise/ l'africaine qui est dans le viseur d'In Koli Jean Bofane , le propos est bien plus universel.

Malgré les difficultés que j'ai pu rencontrer dans certains passages, j'ai hâte de découvrir le second roman de cet auteur.
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Voici une immersion en Afrique, pas celle des savanes et des safaris, mais celle des villes, Kinshasa en l'occurrence. Tentaculaire, embouteillée et poussiéreuse, royaume de la corruption à tous les niveaux de pouvoir, en particulier dans les sphères les plus élevées. Bling-bling, luxe et apparence de démocratie côté face, côté pile c'est plutôt une sorte de cour des miracles où la Faim règne en tyran, rythmant le quotidien des habitants au ventre creux. Trouver du travail pour manger, voilà la principale préoccupation de nombreux Kinois.
Parmi ceux-ci, Célio Mathematik sort du lot. Eduqué, la petite trentaine, orphelin de guerre, il a survécu au traumatisme du massacre de ses parents en s'accrochant à un vieux bouquin d'algèbre, qui lui a valu son surnom. Ce manuel tient lieu de bible à Célio, qui puise dans les théorèmes mathématiques et les principes de physique des professions de foi qui, croit-il, guideront sa vie et la marche du monde.
Après une émeute qui tourne mal, Célio est repéré par un homme puissant au service du Président. le voilà recruté au laconique « Bureau Information et Plans ». Célio a sauté sur cette occasion unique d'enfin gagner décemment sa vie, et se met sans trop de scrupules au service d'une entreprise de manipulation politico-médiatique de l'opinion.
Mais malgré l'ascenseur social, cette situation s'avérera de moins en moins tenable pour Célio, imprégné qu'il est malgré tout d'une certaine morale que la politique politicienne réprouve.
Très bien écrit, ce roman prend des allures de thriller politique, mais il vaut surtout pour la fresque très réaliste à travers laquelle il dépeint une Afrique urbaine, mélange complexe de débrouille, de violence, de corruption, de misère, de manipulation et de solidarité, où la tension est permanente et l'implosion jamais bien loin.
Une réussite, donc, et aussi un tour de force d'avoir mêlé humour, amour et…mathématiques.
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Ces derniers jours j'ai beaucoup voyagé , j'ai visité la Chine ancienne et contemporaine avec Dai Sije , le Japon avec la série le poids des secrets et enfin ai atteri sous le continent africain , plus exactement au Congo , dans la capitale Kinshasa , avec la merveilleuse plume de l'écrivain In Koli Jean Bofane .
Deuxième livre de l'auteur que je lis , il faudra que je vous parle aussi du premier livre ' le testament de Bismarck '
Le Congo , qu'est ce que je sais à son sujet , pas grand chose , qu'il a été une colonie belge , qu'il a eu son indépendance en 1960 , qu'il a une histoire d'amie douce - amère entre lui et la Belgique , qu'il s'est appelé Zaïre à un moment donné , qu'il y a un quartier à Bruxelles qui s'appelle Matongé ..., donc je ne connaissais rien comme je vous le disez à l'instant .
Donc d'autant plus une découverte dépaysante d'entrée de jeu , dans un Kinshasa corrompu , où les habitants mènent une lutte implacable , renouvelée jour après jour contre La Faim , personnage important du livre , déjà là on atterit dans un monde aux codes complètement différent du nôtre, que connaissons nous de la faim , nous les Occidentaux , plutôt enclins aux régimes .
Mais je ne voudrais pas en écrivant ceci vous brosser un tableau apocalyptique du Congo , oh non , voilà tout le talent de l'auteur , il ne s'apitoie jamais , il décrit mais comme un conteur , comme le conteur talentueux qu'il est , on est plongé dans Kinshasa, dans le bruit , les odeurs , les couleurs de cette gigantesque métropole , capitale ultra moderne et quartiers populaires , on vit au rythme congolais tout le long de la lecture .
Une ville où plus que partout ailleurs se côtoie le meilleur et le pire , le meilleur nous le vivons avec le personnage attachant de Celio Mathematik , orphelin de guerre , qui doit son surnom à un livre de mathématiques , livre qui a une importance capitale pour notre héros , il est le seul lien avec son passé , livre qui appartenait à son père instituteur , livre sauveur , qui est une source de vérité , de savoir à laquelle s'accroche notre jeune Celio
Celio qui va côtoier les hommes politiques , qui va approcher les hautes sphères du pouvoir et qui va effectuer un tour de force incroyable , il gardera toujours un attachement visceral à ses convictions profondes .
Peut - etre et ce n'est que mon avis , que parce qu'il est jeune , qu'il représente l'espoir de la jeune génération, que lui n'a pas été un enfant soldat , que lui a eu la chance d'être instruit , oh le pouvoir du savoir encore une fois !
Un livre qui nous montre le rôle encore terriblement prégnant de la sorcellerie dans la société , les différences de mentalité entre l'Occident et l'Afrique , différences dont nous ne tenons pas assez compte .
Un livre qui donne une image implacable de la capitale congolaise mais qui a des atouts majeurs , l'auteur a une écriture magnifique , haute en couleurs , vivante , un humour qui fait mouche et ce qui me semble important pour le souligner il y a de l'espoir , espoir que représente la jeunesse qui semble à l'aise pour concilier modernisme et traditions , et puis ce sens de la débrouillardise inné .
C'est ce que je retiens de ma lecture , l'espoir .
Oh ce voyage à Kinshasa il va vivre en moi bien longtemps , je sens encore l'odeur des brochettes grillées , je souhaite longue vie aux établissements Dona , je vois ces jeunes élégants qui ses promènent bien sapés , ces jeunes qui écoutent encore leurs aînés
Oui un beau voyage que cette lecture .
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critiques presse (1)
LeMonde
21 août 2023
Un livre aux allures de comédie pétillante mais à l’arrière-goût politique amer, dans lequel un jeune technicien détective innocent se retrouve pris dans les rouages d’un système immuable.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (53) Voir plus Ajouter une citation
Les oubliés du miracle économique produisaient et manipulaient des denrées inestimables et rares, destinées à une technologie de pointe dont certaines applications avaient tout simplement pour but de les asservir encore davantage. Les circuits intégrés allaient produire des images et des concepts pour continuer à les persuader qu'ils seraient toujours les derniers des derniers sur la planète qui est la nôtre, et que tous leurs combats utopiques seraient toujours vains et, de toute façon, voués à l'échec. Les métaux précieux, une fois portés au feu, seraient envoyés dans l'espace afin de les surveiller, comme de grands enfants, sous l'oeil constant de satellites sophistiqués. Au cas où certains aspects de cette globalisation seraient mal perçus par ces populations, ce même cuivre reviendrait immanquablement, sous forme de blindages de balles de 7,62 crachées avec hargne par quelques kalachnikovs rebelles. Si tout ceci devait rendre quelqu'un malade, à partir de ces mêmes matériaux on développerait des traceurs médicaux efficaces. Malheureusement leurs prix seraient inversement proportionnels à la baisse du cours des matières premières et tributaires de la hausse du dollar. Devenant, du coup, inabordables pour le pauvre hère courbé sous son bât quotidien. Mais qu'importe, tant qu'il mettrait du coeur à l'ouvrage, rien n'était encore perdu, lui promettait-on.
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Nombres relatifs, équations réciproques, irrationnelles, numériques, calculs de dérivées. Théorème de Thalès, notions de trigonométrie. Géométrie dans l'espace, propriétés fondamentales du plan, cône de révolution, différence de deux vecteurs. Dans le calme de sa chambrette, sous un éclairage dansant, Célio Matemona tournait doucement les pages de l'Abrégé de mathématique à l'usage du second cycle de Kabeya Mutombo, édition 1967. Sa main de temps en temps, en appuyant avec précaution, lissait les surfaces patinées par le temps. Le jeune homme posait ses paumes avec délicatesse comme pour percevoir une ultime vibration, un dernier signe que lui enverrait l'ouvrage. Parce qu'il le connaissait en profondeur, le bouquin. Il s'y était immergé sans restriction, y avait passé des nuits entières. Il s'était réellement imprégné de la moindre virgule, du plus banal des astérisques, que le contenu vivait littéralement en lui.
Les théorèmes et les définitions qui se succédaient avait été de véritables oracles pour Célio. Il les avait appliqués aveuglément et en avait usé comme autant de martingales. Les graphiques et les schémas compliqués le ramenaient à des souvenirs aussi nets que des diaporamas. Chaque chapitre, paragraphe, alinéa, avait été une solution vitale, un retournement spectaculaire, parfois, aussi, une déception. A force de manipulations, les bords des pages du livre s'étaient érodés et étaient devenus irréguliers, les coins s'étaient arrondis et fragilisés.
Malgré les soins dont les entourait Célio, certaines des pages avaient été chiffonnées, d'autres n'existaient tout simplement plus. Un morceau de ruban adhésif transparent, jauni par le temps, barrait l'une d'elles en diagonale. Célio se souvenait de cette déchirure ; du livre qui volait de banc en banc. Il avait dû se battre contre toute la classe pour récupérer le manuel. Le jeune Célio avait souvent été l'objet de sarcasmes à cause de son amour immodéré des mathématiques.
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Mais tout cela n’était que littérature. Entre-temps la Faim, au milieu de la population gagnait du terrain, faisait des ravages considérables. Elle progressait en rampant, impitoyable comme un python à deux têtes. Elle se lovait dans les ventres creusant le vide totale autour de sa personne. Ses victimes avaient appris à subir sa loi. En début de journée, avant qu’elle ne se manifeste, on n’y pensait pas trop, absorbé par le labeur qui permettrait justement de manger et ainsi obtenir un sursis. On faisait semblant d’oublier, mais l’angoisse persistait à chaque moment. En début d’après midi, avec le soleil de plomb qui accélère la déshydratation, cela devenait plus compliqué. L’animal qui depuis, depuis longtemps avait pris la place des viscères,
manifestait sa présence en affaiblissant le métabolisme, se nourrissant de chair et d’autres substances vitales. On était obligé de vivre sur ses maigres réserves. L’effort faisait trembler les membres, rendait les mains moites et froides, le cœur avait tendance à s’emballer . Pour calmer la bête, on lui faisait alors offrande d’eau froide, pour qu’elle se sente glorifiée. Cela ne durait pas, car juste après, elle jouait sur le cerveau et d’autres organes de la volonté et du sens combatif. On pouvait avoir tendance à mendier. Certains devenaient même implorants, parce qu’elle laminait, de son ventre rêche, des choses aussi précieuses que l’orgueil et la fierté. Elle omniprésence et omnipotente. On ne conjuguait plus le verbe " avoir faim ". A la question on pouvait aller la réponse était : Nzala ! la faim ! Elle s’était institutionnalisée.
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Durant un laps de temps pendant lequel son cœur cessa de battre, il eut le temps de voir des seins hauts et fermes comme des goyaves. Des goyaves pas encore mûres, encore acides. Sa peau, de la couleur du cuivre rouge, était couverte de gouttelettes d’eau qu’elle n’avait pas encore séchées sur son corps. En suivant par mégarde le trajet de l’une d’elles sur son ventre, sa toison drue, d’un noir profond et vertigineux, débordant un peu sur les cuisses, capta complétement son regard. Kapinga eut un cri et, par pudeur, se retourna d’un bloc, en se penchant un peu. Ce fut pire. En voulant à tout prix éviter la vue des globes durs et élastiques de ses fesses, le regard du beau-frère, malencontreusement, partit vers le bas, vers l’ombre où les grandes lèves formaient dans un faux contre-jour, comme un enchevêtrement de étales foncés, gorgés d’humidité.
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Afin de préserver les comptes du président de la République et d'équilibrer la balance des paiements du Fonds monétaire international, les Kinois s'étaient organisés pour gérer l'insatiabilité du monstre à double mâchoire [La Faim]. Surtout ne pas épuiser trop vite la réserve des victimes propitiatoires. Pour ce faire, ils avaient institué le "gong [repas] unique", pris en fin de journée, lorsqu'un miracle s'était produit et que le python immonde avait décidé, en ce jour, d'être magnanime. Puis, succéda l'ère du "gong alterné". Dans les familles, une moitié de ses membres mangeait un jour, l'autre attendait le lendemain, et ainsi de suite. C'est certain, le combat était dur, mais restait, somme toute, loyal tant que les coups étaient portés au-dessus de la ceinture. Le Fonds monétaire international applaudit devant tant de combativité. Il se félicita de la condition physique du Kinois, de son sens de l'adaptation, mais surtout, de sa capacité à encaisser les crochets de la bête à l'estomac.
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Vidéo de In Koli Jean Bofane
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Plus d'infos sur https://salondulivre.ch
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