Le Troisième Continent ou La littérature du réel

*Livre lu dans le cadre de Masse Critique*

J'ai abordé l'oeuvre d'Ivan Jablonka avec la parution de «Laetitia ou la fin des hommes », phosphorescente littérature du réel s'il en est, et la lecture de « Ni père, ni mère » reste la plus marquante : ce livre fait partie selon moi des indispensables pour qui se penche sur les rapports que notre société entretient avec ses enfants, à la recherche des raisons de son échec répété à faire cesser les maltraitances. Chemin faisant de sa bibliographie j'ai rencontré « L'histoire est une littérature contemporaine » paru en 2014. Sortir les sciences sociales d'un rigorisme surfait qui les priveraient de créativité était une idée intéressante mais plutôt la description d'un processus en cours qu'une nouveauté, pas de quoi en faire un « manifeste ». Dix ans plus tard Ivan Jablonka revisite ce thème avec « Le troisième continent » qui est un recueil des textes d'articles de presse, de discours et entretiens écrits dans la période 2002-2020.
« Le troisième continent » est en page 41 défini par : »réconcilier la littérature et les sciences humaines. Ou, ce qui revient au même : incarner une enquête dans un texte». Delà l'auteur, tout en citant abondamment les écrivains concernés par cette « littérature du réel » - Svetlana Aléxievitch, Patrick Modiano et Annie Ernaux en tête – développe paradoxalement l'idée que cela reste à faire pour le renouveau des sciences sociales et l'enrichissement de la littérature. Est-ce que ce ne sont pas là des portes enfoncées qui depuis quelques années sont en fait largement ouvertes. Quand je lis page61 « Qui s'attend à lire dans une rentrée littéraire autre choses que des romans ? » je n'en crois pas mes yeux, la littérature appuyée sur des faits réels et « incarnant une enquête » n'occupe-t-elle pas une des places les plus créatives et appréciées dans la littérature actuelle ?
Sur près de 200 pages les articles repris vont néanmoins remâcher ce thème avec une insistance à nous répéter que les sciences sociales gagneraient à s'autoriser la liberté du style sans risquer d'y perdre rigueur et méthode. Qui reste à convaincre de cela, l'auteur ?
La deuxième partie du livre concernent des écrits sur la mémoire, le devenir transgénérationnel des traumatismes, reprenant nombre des réflexions menées dans les livres « Nouvelles perspectives sur la Shoah » et « L'enfant Shoah », et également deux discours écrits pour Simone Weil. J'ai retenu surtout un article intitulé « Primo Lévi, maître du savoir-revivre », très belle incitation à lire ou relire « La trêve ».
Reste qu'en refermant ce recueil lourd de redondances je m'interroge sur son intérêt et sur le lectorat auquel il se destine ?

Je remercie Babelio et les éditions du Seuil pour l'envoi de ce texte lors de la dernière masse critique.

Comment le résumer ? Vaste question... et gros dilemme.
D'ou le fait de volontairement ne pas mettre de notes.

Pourquoi ? Déjà parce que je pense que chacun y trouvera un intérêt différent. Ce livre, on le lit parce qu'on a envie de savoir et pas parce qu'on est "obligé" de le lire.

Tu te contredis tiben puisque tu l'as gagné donc a eu l'obligation de le lire.
Ce à quoi je réponds: non aucune obligation. A l'inverse, beaucoup d'attente et d'impatience. J'ai lu tous les précédents ouvrages de l'auteur et ce qu'il décrit ici, la littérature du réel, c'est à dire ni un Roman ni un essai... ce qui est entre les deux.
A la fois de l'auto-production (journal intime par exemple) et de la réalité (sciences humaines, histoire, philosophie, sociologie, ...)
Ou se situe la frontière ?

Ce qui est très intéressant pour moi dans cet ouvrage, c'est que l'auteur s'appuie sur sa propre production. il cite notamment Laetitia.

C'est passionnant parce que comme toujours avec l'auteur, c'est bien écrit, c'est documenté, c'est didactique.
Ce troisième continent de la littérature est celui qui permet d'alerter, de sensibiliser, de témoigner, de démontrer, de soigner (?)... Tout dépend de la lecture de chacun.

Et en même temps, c'est une lecture complexe car redondante et plutôt technique / haut niveau. C'est un livre que l'on consomme petit à petit. Que je n'ai pour être honnête toujours pas terminé. Toutefois, je prends beaucoup de plaisir dans sa lecture. Je souligne, je prends des notes, je fais des recherches.

Enfin, c'est un ouvrage qui donne envie de lire.

Je vous souhaite une très belle lecture.

Tout d'abord, merci à Babelio et au Seuil pour l'envoi de cet essai dans le cadre d'une Masse Critique !
Le Troisième continent, c'est un essai qui tente de donner ses lettres de noblesse à une littérature du réel, qui fut un long moment snobée par de nombreux professionnels.
J'ai aimé sa façon de présenter ce nouveau continent à explorer, qui s'étoffe d'année en année de parutions qui intéressent de plus en plus les foules.
Les notions abordées sont à la portée de tous, loin d'être obscures. le fait que ce soit un recueil nous donne également la possibilité de le poser quelques jours puis de revenir à lui pour découvrir une autre facette de sa conception de la littérature du réel.
Autre point positif : ça m'a donné envie de découvrir les autres textes publiés par I. Jablonka et les auteur.es qu'il mentionne dans ce recueil !
En conclusion, c'est une très bonne découverte :)